Déjà en Russie soviétique, Rav Berel Zaltzman adorait chanter au point qu’il prit des cours de chant auprès d’un spécialiste de la voix à Moscou. Celui-ci lui promit une carrière en or, avec des entrées à l’Académie de Musique. Mais, fermement décidé à rester un ‘Hassid, Berel refusa cette offre, préférant continuer à mettre ses dons au service de la prière à la synagogue et devenir ‘Hazane (cantor).

Sorti miraculeusement d’URSS en 1971, Rav Berel Zaltzman s’était installé en Israël puis avait pris l’avion pour New York afin de passer les fêtes de Tichri auprès du Rabbi. Si les ‘Hassidim en Union Soviétique avaient ardemment souhaité voir le Rabbi, on peut affirmer que le Rabbi avait, lui, versé des torrents de larmes en évoquant, constamment, le sort des Juifs de Russie (et en agissant clandestinement pour alléger leur sort et leur donner les moyens de pratiquer leur judaïsme d’une manière ou d’une autre).

Le séjour auprès du Rabbi se déroula comme dans un rêve ; à l’évidence, le Rabbi appréciait la ‘Hazanout de Rav Berel. Au point qu’il lui conseilla de rester quelques mois en Amérique, de se produire dans des concerts et d’en profiter pour raconter comment, malgré l’oppression, il avait été élevé dans une atmosphère ‘hassidique. Effectivement, à chacune de ses apparitions, il faisait salle comble et même les plus grands cantors américains tenaient à assister à ses représentations. Non seulement, il contribuait ainsi à faire reconnaitre l’action du mouvement Loubavitch en Union Soviétique mais, de plus, il put gagner assez d’argent pour rembourser les dettes du voyage et s’installer confortablement en Israël.

Puis le Rabbi lui conseilla de produire un disque, lui offrant même l’argent à investir dans cette entreprise. Dès son retour en Israël, Rav Berel contacta un studio d’enregistrement et, bien vite, le disque se vendit comme des petits pains. Parallèlement, Rav Berel avait ouvert un pressing mais celui-ci n’apportait pas les bénéfices escomptés. Lors de son voyage suivant, Rav Berel se plaignit devant le Rabbi mais, au lieu de répondre, le Rabbi le pressa de produire un nouveau disque.

- Je suis si étranglé par ma situation financière que je ne peux investir quoi que ce soit dans la production d’un nouveau disque ! protesta Rav Berel.

- Comment ? s’exclama le Rabbi. Vous avez tenu tête à Staline mais vous n’arrivez pas à investir 2000 dollars pour un disque ?

Un an plus tard, Rav Berel annonça au Rabbi qu’on lui proposait un poste de cantor aux États-Unis et il demanda s’il devait vendre son pressing. Une fois de plus, le Rabbi ignora sa question et persista : « Et le disque ? ». Sans argent, Rav Berel ne savait que répondre. Il rentra chez lui, désespéré mais sa femme remarqua :

- Chaque fois que tu parles au Rabbi de ta situation financière, il te répond que tu dois produire un disque… Trois années de suite maintenant !

- C’est vrai mais comment pourrais-je produire un disque alors que je n’arrive pas à joindre les deux bouts ?

- Tu dois emprunter ! Je suis sûre que la seule raison pour laquelle tu rates toutes tes affaires, c’est parce que tu n’as pas encore produit le disque que le Rabbi t’a demandé !

Il est difficile de juger quelqu’un qui se trouve dans une situation pareille. « J’avais une grande famille que je ne parvenais même pas à nourrir correctement, commente Rav Berel. Un vendredi après-midi, en revenant de mon travail, j’étais si désespéré que je restais dans la voiture, presque prêt à pleurer sur mes difficultés. Mon ami Rav Pessa’hia Lipsker m’aperçut, prostré dans ma voiture. Il s’approcha et s’inquiéta : 

- Que se passe-t-il ? Il est presque l’heure d’allumer les bougies, rentre chez toi !

- Je n’en peux plus ! Et je lui expliquai mes problèmes, le pressing, le disque, mon épouse et pas un sou en poche…

- Ta femme a certainement raison ! trancha Rav Pessa’hia. Si le Rabbi te demande de produire un disque, même si tu n’as pas d’argent, tu dois le faire ! Dès demain soir, tu appelleras le studio à Tel-Aviv et, dimanche, je viendrai avec toi et je paierai le prix de l’enregistrement !

Stupéfait par sa générosité, je protestai :

- A condition que nous partagions les profits !

- Comme tu veux, l’essentiel c’est que toi et ta famille, vous passiez un bon Chabbat !

Très peu de temps après, je réalisai comment mon épouse avait vu juste ! Après Chabbat, j’obtins un rendez-vous au studio à Tel-Aviv. Le lendemain, je reçus un appel du directeur d’un abattoir. Il me proposait de nettoyer chaque jour les tabliers de ses 150 ouvriers. Le contrat fut signé immédiatement ! Le disque que le Rabbi voulait que je produise apportait déjà sa bénédiction ! En très peu de temps, je pus rembourser mes dettes et envisager l’avenir avec sérénité.

Rav Hillel Zaltzman - Samarkand

Traduit par Feiga Lubecki