Quand Heshy arriva à la synagogue Beth Sim’ha ce vendredi soir, il trouva la porte fermée avec une pancarte collée : «Nous avons une urgence de dernière minute et ne pouvons être présents ce Chabbat. Avec toutes nos excuses. Rav Lévi».
Heshy sentit son estomac grogner : toute la journée, il avait fantasmé sur les ‘Hallot dorées et le poisson farci... dont la Rabbanite avait le secret. C’est alors qu’arriva Yossi qui se montra tout aussi déçu devant la triste réalité.
- Comment, ne pas être présents ce Chabbat ? C’est un scandale, le rabbin est toujours là le Chabbat. Moi je suis toujours présent à mon poste.
- Il dit qu’il s’excuse !
- Excuses ? Mais comment allons-nous prier sans le rabbin ?
Yossi se mit à frapper sur la porte de toutes ses forces. C’est alors qu’arriva Michael Fein… enfin Maître Fein, le président de la synagogue, suivi d’Avraham, le vieux responsable de la synagogue… avec son imposant trousseau de clés.
Mais aucune de ces clés n’accepta d’ouvrir la porte.
- Alors qu’allons-nous faire ? s’inquiéta Yossi.
- Nous allons prier dehors ! répondit Maître Fein.
- Mais qui sera l’officiant ?
- Moi ! s’avança Avraham. Mais quelqu’un ici a-t-il un Sidour, un livre de prières ?
Non, personne n’avait un Sidour !
Pendant ce temps, d’autres membres de la communauté arrivèrent, chacun se demandant pourquoi tous restaient en-dehors de la synagogue. Avi expliqua la situation. Yossi remarqua qu’il ne manquait qu’un homme pour compléter le Minyane de dix hommes.
Chacun y alla de son commentaire : ce qui avait commencé comme une catastrophe devenait soudain une manifestation évidente de la Main de D.ieu. On riait, on s’interpelait joyeusement. Et soudain une lumière aveuglante. C’était le gyrophare d’un car de police.
Un policier aux épaules aussi larges que celles d’un as de la musculation s’avança en faisant tournoyer sa matraque et en braquant une lampe torche sur le petit groupe de fidèles.
- Qu’est-ce qui se passe ici ?
- J’ai été appelé par les voisins pour cause de tapage nocturne ! Que se passe-t-il ? Tiens ! Je vous reconnais, vous là-bas !
- Je suis Michael Fein, Maître Michael Fein !
- Notre rabbin a dû faire face à une urgence et nous sommes enfermés en-dehors de la synagogue.
- Voulez-vous que j’ouvre cette porte pour vous?
- C’est… c’est possible ? Vraiment ?
- Pas de problème ! Et le géant appela son comparse Miguel.
Miguel arriva nonchalamment avec sa mallette et fit sauter le verrou. Huit hommes soulagés se précipitèrent à l’intérieur tout en remerciant Miguel. Mais Michael Fein resta devant la porte.
- Que puis-je faire d’autre pour vous, Maître Fein?
Michael jeta un coup d’œil sur le badge du policier: officier Jeff Miller.
- Oui ! répondit Michael. Etes-vous juif ?
- Euh… L’officier réfléchissait. Non ! Ma grand-mère a abandonné sa religion depuis longtemps et, pour mes parents, la religion n’avait pas d’importance.
- Ah bon ! Merci pour votre aide ! Mais au fait quelle est la religion que votre grand-mère a abandonnée ?
- On m’a dit qu’elle était juive !
- C’est votre grand-mère du côté paternel ?
- Maternel. Mais quelle différence, Maître Fein ?
- Voici la différence ! Selon la tradition juive, les enfants héritent de la religion de la mère !
Et donc vous êtes juif !
- Mais je n’ai aucune religion, Maître Fein !
- Nous estimons que vous n’avez pas le choix dans cette affaire, officier ! Cela coule tout simplement dans votre sang !
L’avocat observa chez le policier la surprise puis la curiosité puis autre chose…
Rav Levi et Rebecca revinrent à pied à la synagogue où l’office s’achevait. Rebecca se précipita vers sa maison derrière la synagogue afin de mettre la table et de servir le repas qu’elle avait préparé.
Rav Levy entra et aperçut Avraham qui récitait le Kaddich. Instinctivement, il compta les participants en prononçant un verset composé de dix mots.
- Chabbat Chalom tout le monde ! Désolé de n’avoir pas pu venir plus tôt, j’ai été appelé à l’hôpital pour assister des accidentés de la route.
Heshy sentait son estomac grogner - de plaisir cette fois à l’idée que Rebecca s’activait dans la cuisine…
- Mais dites-moi, Avraham, depuis quand prie-t-on avec un Minyane de neuf hommes seulement ?
- Mais non ! Nous étions dix ! Vous voyez ce grand policier au fond de la salle ?
- Lui ? Il est Juif ?
- Sa grand-mère du côté maternel ! remarqua Michael Fein avec un petit sourire.
L’office était terminé, Rav Levi raccompagna chacun à la porte – ce qui ne prit qu’une demi-heure – puis se tourna vers le policier qui, pourtant habitué à bien des situations violentes, semblait déstabilisé.
- Monsieur le rabbin… C’est la première fois… enfin la première fois que j’entre vraiment dans une synagogue.
- Vous êtes chez vous ! Soyez le bienvenu, officier Miller ! Surtout que vous avez contribué à compléter le Minyane ! C’est une très bonne action !
- Mes parents ne pratiquaient aucun religion, moi je n’avais jamais prié mais ce soir… j’ai prié, je ne savais pas trop comment alors j’ai couvert mes yeux et j’ai ouvert mon cœur.
- C’est un bon début ! commenta Rav Levi, attentif.
- Vous croyez ? J’arrive à un point dans ma vie où… j’ai besoin de croire ! Parfois les gens sont si décevants. J’ai besoin de croire que le bien existe, que le monde a un but, que l’homme peut être meilleur. Croyez-vous que je puisse revenir la semaine prochaine et prier quand j’en ressens le besoin ?
- Bien sûr, officier Miller ! Cette maison de prière est la vôtre.
L’officier Miller, visiblement ému et soulagé, tendit sa main à Rav Levi.
Et ce fut un très beau Chabbat, bien que le rabbin ne fût pas là au début et ce fut encore meilleur une fois qu’il fût revenu !

Zalman Velvel
www.chabad.org - Ki Tissa
traduit par Feiga Lubecki