Vendredi après-midi à Haïfa, une des villes les moins religieuses d’Israël ; bientôt les employés quitteraient leur travail, non pas pour célébrer Chabbat mais plutôt pour les lieux de loisirs comme dans toute ville occidentale. Cependant, deux jeunes étudiants de la Yechiva ‘Habad de Migdal Haemek, Yits’hak Levine et Eyal Blau arpentaient consciencieusement la rue principale comme ils le faisaient chaque semaine afin de mettre les Téfilines à un maximum de Juifs.

«Nous avons aperçu le cabinet d’un dentiste, encore ouvert : le dentiste était en train de téléphoner.

Rien que de le regarder nous rendait nerveux. Tous ceux qui agissent comme nous pour rappeler aux Juifs leur judaïsme connaissent ce genre d’homme : des yeux prêts à vous fusiller et les injures prêtes à fuser…

Effectivement, dès qu’il eut fini sa conversation, il nous bombarda de questions d’un ton empli de colère et de railleries. Nous n’avons pas perdu notre contenance, nous sommes habitués à ce genre de réaction.

Je consultai ma montre, c’était presque Chabbat et je fis signe à mon ami de partir puisque l’homme ne cherchait pas à écouter nos réponses mais se contentait d’éructer contre nous. En arrivant au seuil du cabinet, Eyal se retourna vers le dentiste et cria, avec autant de décibels que lui : «Juif ! Vous vivez dans ce monde depuis quarante ans, vous mangez et vous dormez mais qu’en est-il de votre âme ? Vous croyez crier contre nous mais, en fait, vous criez contre le Rabbi de Loubavitch qui a encouragé des milliers de Juifs à accomplir des bonnes actions !».

Un instant, j’imaginai déjà le dentiste se lever et nous frapper mais ce n’est pas ce qui arriva. Quand il entendit le nom du Rabbi, l’homme se mit à trembler et perdit sa superbe. Finalement il concéda : «D’accord, vous venez de la part du Rabbi de Loubavitch (d’un coup, il était devenu très calme et nous nous demandions si c’était le même homme qui nous avait accueilli de façon si désagréable). Asseyez-vous ! Vous pensez que je ne connais pas votre Rabbi mais je vais vous expliquer qui est votre Rabbi ! Je suis né à Vienne en Autriche où je fréquentais un mouvement de jeunesse sioniste. Après l’université, je suis monté en Israël et j’ai même servi dans les unités combattantes durant la Guerre des Six Jours en juin 1967. Une de mes patientes était une jeune fille pratiquante de Boro Park, à New York ; nous avons gardé le contact puis je me suis rendu à New York pour demander sa main à ses parents. Ceux-ci m’accueillirent cordialement mais, quand je m’apprêtais à sortir, le père me retint par la manche et m’intima l’ordre de rompre toute relation avec sa fille : «Vous ne méritez pas de devenir mon gendre !» J’étais choqué et ne comprenais pas ce qu’il pouvait bien me reprocher : j’avais un bon travail, j’étais officier dans Tsahal, j’étais grand et beau garçon, je gagnais bien ma vie : bref je ne comprenais pas ce qu’il me reprochait ! D’autres gens se seraient précipités pour me donner leur fille en mariage. De plus, j’avais promis que, si j’épousais leur fille, je deviendrais pratiquant.

J’en parlai à mon cousin Yaakov qui me conseilla : «Non loin d’ici demeure un grand Rabbi qui pourra peut-être convaincre le père si tu lui expliques la situation…». Quelques semaines plus tard, j’entrai dans le bureau du Rabbi de Loubavitch qui s’intéressa à tout ce que j’avais fait jusqu’à présent ainsi qu’au problème qui me tracassait. Le Rabbi me demanda alors de me lever. A ma grande surprise, il exprima sa satisfaction : «J’étais content de vous, affirma-t-il, je le suis encore davantage maintenant !»

Je ne comprenais vraiment plus rien !

Il continua : «Dans l’Amérique actuelle, le taux des mariages mixtes dans la communauté juive atteint chaque jour de nouveaux records. Les gens ne font même plus attention à la nationalité ou la religion de leur futur conjoint. Si quelqu’un venait m’annoncer qu’un Juif pratiquant a pris pour sa fille un dentiste qui est aussi officier de Tsahal et bien de sa personne – malgré le fait qu’il n’est pas pratiquant - je n’aurais pas été surpris. Mais vous venez de m’annoncer qu’il existe encore des Juifs qui considèrent la Torah comme valeur suprême dans le choix d’un conjoint ! C’est pour cela que je vous ai demandé de vous lever pour vérifier que vous êtes grand et fort et, malgré vos qualités, un Juif de Boro Park a refusé que vous deveniez son gendre – juste parce qu’il désire que sa fille épouse un homme pratiquant !»

J’étais effondré : j’étais venu demander l’aide du Rabbi et il était content de mon problème ? J’insistai : «Rabbi ! Qui sait ? Si je l’épouse, peut-être deviendrais-je pratiquant ! Pourquoi ne pas me donner ma chance ?».

Le Rabbi répondit avec une parabole : «Un homme perché en haut d’une montagne où poussaient des fruits délicieux jeta quelques-uns de ces fruits à son ami resté en bas, là où il n’y avait pas de fruits. Une fois que celui-ci les eut goûtés et appréciés, il décida de grimper lui aussi sur la montagne. Mais s’il n’avait pas goûté les fruits, jamais il n’aurait fait l’effort de s’élever ! Vous n’êtes même pas capable de soulever 200 grammes et vous prétendez vouloir devenir un homme de Boro Park ?».

J’étais abasourdi, incapable de comprendre cette histoire de 200 grammes. En sortant, je racontais tout à mon cousin qui réfléchit et qui, soudain, s’écria : «Mets-tu les Téfilines chaque jour ?»

- Et quoi encore ? Non, je ne les mets pas !

- C’est ce que le Rabbi voulait te faire comprendre ! Tu n’es même pas prêt à mettre 200 grammes de Téfilines sur toi et tu déclares être prêt à changer complètement de style de vie après le mariage ? Commence d’abord à accomplir les Mitsvot de base comme les Téfilines et vois jusqu’où tu es prêt à monter ! 

- Tu as raison, m’écria-je ! Quel Rabbi !

Quelques temps plus tard, je rencontrai une jeune fille pratiquante et nous avons maintenant trois beaux enfants, tous étudiants de Yechiva : l’aîné s’appelle Mena’hem, d’après le Rabbi bien sûr. Bien que j’aie encore beaucoup d’efforts à accomplir, je sens que tout ce que je fais est en rapport avec cette conversation avec le Rabbi.

Yits‘hak avait écouté avec attention l’histoire du dentiste et lui demanda : «Nou ! êtes-vous prêt maintenant à soulever 200 grammes et à mettre les Téfilines ?»

Le dentiste sourit et conclut : «Depuis cette conversation avec le Rabbi, je pratique tous les matins un exercice qui consiste à soulever 200 grammes et à attacher les Téfilines sur mon bras et ma tête !»

Yerachmiel Tilles – Avner Institute – Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Traduit par Feiga Lubecki