Vivre en Inde… Autant dire dans le tiers-monde, avec des conditions de vie vraiment pas faciles ! Accepteriez-vous de vivre dans une ville au climat étouffant, où l’eau ne coule dans les robinets que deux heures par jour ? C’est pourtant ce à quoi se sont engagés Rav Israël Kozlovsky et son épouse. Ils assument la relève du couple de Chlou’him, Rav Gabriel Noa’h Holtzberg et son épouse Rivka, assassinés Al Kidouch Hachem il y a huit ans dans une attaque terroriste.

Et le travail ne manque pas dès lors qu’il s’agit d’aider des Juifs…

«Quand nous sommes entrés dans le bâtiment abritant le Beth 'Habad (après les travaux), nous n’avons pas reçu l’autorisation de nous connecter au réseau de distribution d’eau - pour une raison inconnue. Et s’il n’y a pas de permission, il n’y a pas d’eau !

Cette situation s’est poursuivie assez longtemps et nous ne savions pas comment nous en sortir. Nous avons trouvé toutes sortes de solutions de dépannage mais, même les deux heures où l’eau coule normalement, nous n’y avions pas droit.

Un samedi soir, je reçus un coup de téléphone du directeur de la police de l’aéroport :

- Il y a là un Israélien…

J’ai tout de suite compris. Chaque fois que la police arrête un Israélien ou un Juif à l’aéroport, on fait appel à moi, surtout quand le consulat israélien est fermé comme c’est le cas à cette heure tardive. Je suis épuisé, après un Chabbat où nous avons hébergé bon nombre d’invités. Néanmoins, je me rends au Beth 'Habad où dort un des jeunes étudiants de Yechiva venus nous aider : il va m’accompagner à l’aéroport.

Effectivement, il y a là un Israélien de soixante-dix ans environ. Il est complètement déstabilisé, tient des propos incohérents et ne comprend pas ce qui lui arrive. Il refuse de me parler :

- Tu es du KGB, tu fais partie du FBI etc…

Les policiers m’expliquent qu’ils ont eu du mal à le retenir. Finalement, après bien des efforts, j’arrive à le calmer. De fait, il vient de Moscou et est en route pour New Delhi. Il prend beaucoup de médicaments qui se trouvent dans sa valise qui a été envoyée de Delhi à Mumbay mais qui n’est pas encore arrivée. Certainement les médicaments influencent sa santé psychique et, au bout de trois jours sans médicaments, il est devenu soupçonneux, coléreux et ceci n’arrange pas ses relations avec la police. Il nous a fallu des trésors de persuasion pour qu’il accepte de nous accompagner.

Nous avons d’abord essayé de prendre contact avec sa famille en Israël mais il n’était pas coopératif. J’ai pris son smartphone et j’ai essayé de repérer des noms dans sa liste de contacts. J’ai trouvé son frère mais il s’est avéré que les deux frères n’avaient plus du tout de relations entre eux… Pourtant le frère m’a donné le numéro du fils. Celui-ci était content d’avoir des nouvelles de son père : «Cela fait déjà quelques jours que nous le recherchons…» mais il ne connait pas les médicaments dont son père a besoin. Il nous donne le numéro de sa mère.

Cette dame, déjà âgée elle aussi, ne sait pas non plus répondre à nos questions. Or il était évident que, sans médicaments, l’homme risquait d’être dangereux et pour lui et pour les autres. La seule solution, c’est de trouver son médecin. Mais il est tard, presque minuit, tout est fermé !

D’une manière ou d’une autre, nous avons réussi à joindre une infirmière dans une clinique où cet homme était parfois hospitalisé. Elle réussit à contacter le médecin de famille de cet homme qui accepta de se rendre à son bureau pour utiliser l’ordinateur où sont stockées toutes ses données médicales. Il m’envoya par mail la liste des médicaments et il fallait maintenant trouver les équivalents indiens ! Je suppliai le médecin de m’indiquer quels étaient les médicaments les plus urgents, ceux qui pourraient le calmer psychologiquement et je me mis à contacter des pharmaciens. Mais aucun ne pouvait m’aider.

J’ai décidé de faire sortir cet homme de l’aéroport mais il refusait en prétextant que nous faisions partie des services secrets… Finalement, il accepta. Encore fallait-il lui trouver un hôtel car, dans sa situation, il était hors de question que nous l’hébergions chez nous alors que nous avons des enfants en bas âge. Il faut encore trouver les médicaments. Et tout est fermé ! Que faire ?

En Inde, dans chaque service d’urgence, il existe une pharmacie ouverte 24 heures sur 24. Nous sommes allés dans un hôpital, avons trouvé la pharmacie ; j’avais déjà réussi à traduire une partie des médicaments dans leur forme indienne. J’ai demandé au jeune étudiant qui m’accompagnait de bien surveiller notre homme et j’ai fait la queue, patiemment. Quand je suis enfin arrivé devant l’employé, il me signala qu’il lui était absolument interdit de délivrer ces médicaments sans ordonnance. Il me dirigea vers le médecin des urgences. Lui aussi refusa de prescrire ces médicaments et proposa de faire hospitaliser le malade.

En Inde, on sait quand on entre à l’hôpital mais on ignore quand on en sort et dans quel état. J’ai rappelé le fils de notre homme et il nous supplia de ne pas l’hospitaliser. J’ai supplié à mon tour le médecin de me donner au moins les médicaments les plus urgents et j’ai finalement réussi à en obtenir une partie. Ensuite, nous avons été dans un «Guesthouse», sorte d’auberge de jeunesse que je connaissais. Il y avait bien un lit libre mais il fallait absolument une photocopie du passeport qu’on enverrait à la police. Bien évidemment, l’homme refusait de nous donner son passeport – même pour un instant : «Vous voulez me kidnapper ! J’en suis sûr !». Je me suis alors souvenu que l’officier de police m’avait envoyé sur mon smartphone la copie de son passeport et je l’ai donc envoyée par mail à l’employé du Guesthouse. Nous avons réussi à mettre cet homme au lit, non sans qu’il ait au préalable accepté de prendre les médicaments – encore qu’il ait prétendu que nous voulions l’empoisonner…

Je raconte toute cette histoire pour en arriver à la fin : à deux heures trente du matin, nous sommes enfin retournés au Beth 'Habad et j’ai raccompagné le jeune étudiant de Yechiva car il ne connaissait pas encore toutes les règles de sécurité. En sortant, j’entends un bruit d’eau qui coule… C’était étrange car, d’habitude, l’eau coule dans les robinets entre quatre et six heures du matin. J’allume la lumière de mon téléphone portable et je comprends ! La mairie avait séparé notre robinet du sien et c’était pour cela que nous ne pouvions pas obtenir d’eau. Mais l’eau continuait à couler du robinet ! Dans la cour ! Vous comprenez ? Cela faisait des mois que nous n’avions pas d’eau courante alors que, chaque nuit, des dizaines de mètres cubes d’eau se déversaient dans la cour ! Personne ne s’en était aperçu jusque-là car, au matin, tout avait déjà séché à cause de la chaleur ambiante.

Le lendemain, je me suis dépêché d’acheter les tuyaux nécessaires pour raccorder notre maison à cette arrivée d’eau et nous avons enfin pu profiter de nos deux heures d’eau courante par jour…

J’avais passé des heures en pleine nuit à essayer d’aider un Juif pas facile à comprendre et à aider mais, au fond, c’était cela qui nous avait aidés ! Sans tous ces efforts, nous n’aurions jamais su comment débrouiller la situation ! Si tout avait coulé de source pour cet homme, nous n’aurions toujours pas d’eau courante chez nous !

«Et vous puiserez l’eau dans la joie…» !

Rav Israël Koslovsky - Kfar Chabad N° 1647

Traduit par Feiga Lubecki