Il avait organisé un «Chabbat plein», un Chabbat dans un hôtel pour plusieurs dizaines de personnes, désireuses de se relaxer mais aussi d’étudier et de vivre un vrai Chabbat, dans une ambiance ‘hassidique.
Pour l’aider, il avait engagé cinq jeunes étudiants de sa Yechiva. Il fallait bien entendu «cachériser» la cuisine de l’hôtel et apporter toute la nourriture cachère depuis Brooklyn. Six heures avant Chabbat, Rav Akiva Wagner se mit donc en route avec l’essentiel des provisions ; les jeunes gens partiraient un peu plus tard, avec la vaisselle en plastique et quelques objets de culte.
Ils n’avaient que deux heures de route pour le rejoindre mais celui qui conduisait, Mendy Chanin, se trompa une fois de bretelle d’autoroute et, quand il s’en aperçut, il ne restait plus qu’une demi-heure avant Chabbat !
Dès qu’il trouva une cabine, il téléphona à Rav Wagner qui comprit qu’il était impossible pour ces jeunes gens d’arriver en temps voulu à l’hôtel. Il les assura qu’il arriverait à gérer seul le Chabbat plein et leur conseilla tout d’abord de téléphoner à leurs parents pour les rassurer et leur demander l’adresse du Chalia’h ‘Habad, l’émissaire Loubavitch ‘Habad le plus proche. Malheureusement, celui-ci habitait à plus d’une heure de route de l’endroit où ils se trouvaient. Ne voulant pas passer Chabbat sur l’autoroute, ils reprirent la route vers la ville la plus proche, plutôt un gros bourg du nom de Almochi. Là, ils dénichèrent un hôtel, pas trop cher ; et à côté, il y a avait même un petit supermarché dans lequel ils purent acheter quelques boîtes de sardines, trois sachets de croûtons de soupe et une bouteille de vodka. Non, ils n’avaient pas besoin d’acheter de la vaisselle jetable, ils en transportaient des tonnes dans leur voiture !
De retour à l’hôtel, ils se renseignèrent : y avait-il des Juifs dans cette ville ? Non ! Ni Juifs, ni synagogue, rien ! Une fois dans leur chambre, ils eurent juste le temps d’ouvrir les boîtes de sardines, de se changer et… d’accueillir le Chabbat.
Déterminés à rester positifs, à oublier où ils étaient, où ils auraient dû être (comment se débrouillait Rav Wagner avec tous ses convives, sans vaisselle en plastique, surtout sans personne pour l’aider à mettre l’ambiance… ?), ils chantèrent les prières avec joie, en tapant des mains… Jusqu’à ce qu’un voisin leur intime l’ordre de se taire. Ce qu’ils firent, bien entendu.
Ils récitèrent le Kiddouch - à voix basse - sur de la vodka, avalèrent sans entrain leur maigre repas et se mirent au lit. Le lendemain matin, ils réalisèrent avec tristesse qu’ils ne prieraient évidemment pas avec un Minyane (dix hommes pour former une communauté), qu’ils n’écouteraient pas la lecture de la Torah, que leur repas était loin d’être sain et nourrissant…
Mais Mendy se ressaisit : tout ceci ne pouvait pas être un accident ! Tout ce qui arrive doit devenir positif. Et le Rabbi de Loubavitch l’avait affirmé : un ‘Hassid fabrique son environnement et ne se laisse pas affecter par lui !
C’est pourquoi les jeunes étudiants décidèrent d’explorer la ville, après leur prière et le repas. Deux d’entre eux partirent dans une direction, deux autres dans une autre direction. Quant à Mendy, il déambula tout seul dans les rues désertes, sans but précis. Tout-à-coup, une voiture qui filait à toute allure s’arrêta à côté de lui : le bruit des freins avait dû s’entendre dans toute la ville !
La conductrice baissa sa vitre et l’interpella… en yiddish !
«Vos tut a yid in Almuchi in Chabess ?» (Que fait un Juif Chabbat à Almochi ?)
Heureux et stupéfait ou le contraire ? Quoi qu’il en soit, Mendy s’empressa de lui répondre avec un sourire : «Le Baal Chem Tov affirmait que rien n’arrive par hasard ! J’ai été envoyé ici pour vous transmettre le message du Rabbi de Loubavitch, le chef de notre génération. Machia’h arrive et la rédemption aura lieu d’un moment à l’autre. Chaque bonne action que nous pouvons accomplir, chaque Mitsva, chaque mot de Torah que nous apprenons le fera venir encore plus vite !»
La femme l’écoutait bouche-bée, tentant de comprendre ce qu’elle entendait. Puis elle lui souhaita un bon séjour dans la ville et redémarra en trombe.
A la fin de Chabbat, les jeunes gens payèrent leur chambre et reprirent la route pour rentrer tristement chez eux. Pourquoi D.ieu leur avait-Il fait passer un Chabbat aussi «nul» ? Ils préférèrent oublier tout l’épisode.

* * *

Un an plus tard, Mendy Chanin rencontra un ami de Sydney (Australie), Yossi Konikov qu’il n’avait pas revu depuis quelques années.
Ils discutèrent de chose et d’autre puis Yossi se mit à raconter ce qui se passait dans sa Yechiva : «Ecoute ! Il y a quelques mois, un jeune homme s’est arrêté devant notre Yechiva à Sydney. Il est entré et a demandé : «C’est quoi, Machia’h ?» Il venait des Etats-Unis, ne connaissait absolument rien du judaïsme mais tout ce qui l’intéressait, c’était ce mot : Machia’h ! Bon ! Nous lui avons répondu tant bien que mal, nous l’avons invité à assister aux cours, il s’est intéressé à l’étude et, petit-à-petit, il a profondément changé : il apprenait avec assiduité et la pratique des Mitsvot a suivi. Maintenant, il fait partie de nos meilleurs élèves et il participe à toutes nos activités. Un jour, je lui ai demandé pourquoi le sujet de Machia’h l’avait tellement interpellé et il m’a raconté que sa mère avait une fois rencontré un jeune étudiant de Yechiva, un Chabbat, dans un village perdu du nom de Almochi et qui lui avait parlé de Machia’h…
«C’était moi !» s’écria Mendy.
Ce Chabbat s’était donc révélé extrêmement positif… dans un autre coin du globe !

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki

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