Tout le monde connaît le ‘hassid Reb Mendel Futerfass, l’une des héroïques figures de la résistance à la tyrannie. Une résistance qu’il a payée de longues années d’internement au goulag.
La scène se passe alors que la nouvelle de la mort de Staline venait de parvenir au camp.
Cette nouvelle et l’espoir qu’elle faisait naître dans la nuit permanente et glacée qu’était la vie des infortunés prisonniers, fit jaillir le besoin irrépressible d’exprimer un sentiment depuis longtemps enfoui sous l’épais manteau de la misère quotidienne : la joie.
Parmi les détenus, un homme, dans sa vie d’autrefois, avait exercé un art singulier : il avait été funambule. Et Reb Futerfass à qui l’homme s’était confié se demandait parfois ce qui pouvait bien conduire quelqu’un à s’astreindre à des heures et des heures de patient exercice pour parvenir à l’inutile exploit de marcher en équilibre sur une corde.
En ce joyeux jour, le funambule n’hésita pas : pour apporter sa contribution à la fête, il donnerait un spectacle. Une corde fut donc trouvée et tendue entre deux bâtiments à trois ou quatre mètres du sol.
L’homme n’avait pas pratiqué depuis longtemps. Sa première tentative fut un échec. La seconde aussi. Mais Reb Futerfass nota qu’il ne tombait pas comme, d’ordinaire, on voit quelqu’un tomber. Plutôt, ses chutes ressemblaient à celles d’un chat. Il paraissait rebondir sur le sol et repartait immédiatement à l’assaut de la corde.
Enfin, sous les vivats et les applaudissements, il effectua, de bout en bout, son parcours aérien.
Revenu au sol il apostropha Reb Mendel :
« Alors Rabbi, tu vois, je te l’avais bien dit que j’étais capable de marcher sur une corde ! »
Reb Mendel Futerfass qui savait trouver en tout un enseignement apporté par la Providence divine l’interrogea : comment donc faisait-il ?
« C’est simple, répondit le funambule, l’important c’est de toujours regarder droit devant soi le but à atteindre. Il ne faut jamais le quitter des yeux, jamais ! Le plus difficile d’ailleurs sur la corde c’est de se retourner. Parce que là, tu comprends, pendant une seconde tu perds de vue le but et alors, tout de suite, tu risques la chute. Ah oui ! Pour se retourner, il faut beaucoup d’entraînement ».
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- Publication : 1 novembre 2013