Rav Berel Lazar, émissaire du Rabbi et grand-rabbin de Russie raconte :
Un jour, un jeune garçon est arrivé dans notre Centre Communautaire et nous a dit tout simplement: “Je veux étudier la Torah. J’ai entendu qu’il y avait ici une école talmudique et je veux m’inscrire”.
Je l’ai fait entrer dans mon bureau, lui ai posé plusieurs questions habituelles et j’ai compris qu’en fait, il s’était enfui de la maison et que ses parents ignoraient qu’il se trouvait ici.
J’ai commencé à lui expliquer que ce n’est pas ainsi qu’on agit et qu’il devait, avant tout, reprendre contact avec ses parents. “S’ils s’opposent à ton inscription à la Yechiva, je ne pourrai pas t’accepter en tant qu’élève !”
Mais il ne voulait rien entendre. Il me suppliait de l’accepter: cela faisait déjà un an et demi qu’il avait décidé d’apprendre la Torah. Maintenant il avait seize ans et il s’était renseigné auprès d’un avocat: ses parents ne pouvaient pas, légalement, l’empêcher de fréquenter l’école qu’il souhaitait.
Nous avons discuté près d’une demi-heure puis on m’informa qu’un couple souhaitait absolument me voir d’urgence. Je sortis et me trouvai en face de parents inquiets: leur fils de seize ans s’était enfui de la maison et, comme il avait manifesté de nombreuses fois l’envie de s’inscrire à la Yechiva, ils étaient persuadés qu’il se trouvait chez nous. Ils exigeaient que leur enfant leur soit rendu immédiatement. Je compris qu’il s’agissait justement des parents du garçon qui était dans mon bureau.
Je les calmai et les rassurai: leur fils n’était pas kidnappé bien sûr, il était venu ici de son propre gré et j’étais justement en train de le persuader qu’il n’avait pas agi correctement. Nous avons discuté et je leur ai expliqué que le fait d’étudier dans une Yechiva n’était pas une catastrophe: “A l’étranger, de nombreux jeunes gens étudient dans une Yechiva et s’insèrent facilement dans le monde du travail”. (Il faut savoir qu’en Russie, on respecte beaucoup tout ce qui se fait “à l’étranger”).
Finalement les parents acceptèrent que leur fils reste chez nous pour une période d’essai, mais ils y mettaient une condition: ils s’opposaient catégoriquement à ce qu’il subisse la circoncision. En effet, ils venaient d’une région où avait eu lieu une explosion nucléaire et la santé de leur fils avait été affectée. Ils exigeaient que je m’engage à ce sujet et, pour tout dire, je trouvais très difficile de promettre pareille chose. Nous sommes arrivés à un compromis: leur fils ne serait pas circoncis sans qu’ils en soient avertis.
Au bout d’un certain temps, bien que ce garçon fût un peu trop jeune par rapport à la moyenne des élèves, il se mit à étudier avec beaucoup de concentration. Il avança rapidement puis nous demanda de le circoncire.
A cause de l’avertissement de ses parents, nous ne nous sommes pas pressés: il fallait d’abord effectuer des contrôles médicaux; mais il n’était pas du tout satisfait de la lenteur de la procédure. Et il me posa une question de Hala’ha: est-il permis d’effectuer soi-même la circoncision ?
J’étais atterré; j’avais compris qu’il s’apprêtait à franchir une ligne rouge ! Il était capable de tout ! Bien sûr, je lui répondis que c’était absolument interdit. Il répliqua qu’Avraham, notre père, l’avait fait, lui !
Quelle logique !
“Oui, mais lui avait reçu un ordre explicite de D.ieu etc…”
Il n’était pas convaincu et j’eus peur qu’il aille trouver un autre rabbin qui, ignorant son problème, lui répondrait que c’était permis…
Nous avons donc accéléré le processus médical jusqu’à ce que les médecins nous donnent la permission d’agir. J’ai téléphoné à ses parents qui habitaient en Ukraine, à vingt-quatre heures de train de Moscou, et leur ai demandé de venir. Quand ils comprirent pourquoi je les avais invités, ils se mirent en colère. Nous avons longuement discuté, je leur ai montré les résultats des examens médicaux et ils finirent par accepter.
La circoncision eut lieu; au début, il y eut des complications qui nous donnèrent bien des soucis mais finalement, grâce à D.ieu, le jeune homme récupéra ses forces et se remit à l’étude.
Les relations avec ses parents sont maintenant bien meilleures. A son arrivée à la Yechiva, il était complètement désorganisé, aussi bien dans son habillement que dans sa conduite. Mais depuis, il est devenu calme et posé et… ses parents sont ravis !
Rav Berel Lazar
traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 1 novembre 2013