Déporté en Sibérie comme des millions d’autres innocents (Juifs en majorité), Reb Na’hman Rosman fit dans un camp la connaissance de Reb Acher Sossenkin, un ‘Hassid qui lui enseigna la Torah et la pratique des commandements.
Un jour, Reb Acher m’expliqua que chez nous, les Juifs, il existe une très jolie fête qui s’appelle Souccot. On construit une cabane qu’on recouvre de branchages et dans laquelle on habite durant huit jours. Je décidai donc de construire une Soucca quoi qu’il arrive.
Après beaucoup d’efforts, je parvins à trouver et à acheminer des planches et des branchages. Reb Acher me prévint que je risquais vraiment ma vie mais rien ne pouvait me faire changer de décision. C’est ainsi qu’à l’approche de la fête, j’avais réussi à construire ma Soucca, cachère à 100%!
Reb Acher était émerveillé et cependant, il ne cessa de m’avertir que, dès que les gardiens s’en apercevraient, ils réagiraient avec violence. Effectivement, les gardiens arrivèrent, aperçurent la cabane et, sans dire un mot, me forcèrent à monter dans leur voiture et m’amenèrent chez le commandant du camp.
Celui-ci me demanda, d’un ton très sévère, pourquoi j’avais construit cette cabane. “Camarade commandant, répondis-je, le temps risque de changer d’un moment à l’autre. Bientôt, la pluie et la neige tomberont sans s’arrêter. Ces planches qui étaient abandonnées risquent de devenir humides et de pourrir, ce qui représente une grande perte d’argent pour le camp. C’est pourquoi j’ai pris ces planches et je les ai accrochées l’une à l’autre et je les ai recouvertes de branches d’arbre pour les protéger ”.
(A cette époque, comme j’étais déjà un ancien prisonnier, je n’étais plus soumis aux travaux forcés les plus durs comme Reb Acher mais j’étais employé aux écritures). “Je me suis senti responsable de ces planches, du fait que j’étais en charge de la réserve de bois. Et c’est pourquoi j’ai pris l’initiative de protéger le matériel du camp!”
Stupéfait, le commandant ne cacha pas son admiration. Son visage exprimait maintenant une satisfaction évidente et il ordonna aux gardiens de me ramener à ma baraque sans me faire de mal.
Le lendemain matin, comme d’habitude, les gardiens réveillèrent sans ménagement les prisonniers pour procéder à l’appel. Debout, en rangs, nous attendions que le commandant énumère tous les noms et nous donne ses instructions pour la journée. Soudain le commandant appela un des soldats et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Le soldat se dirigea vers moi et me plaça à côté du commandant. Tous les prisonniers me regardèrent avec pitié: j’allais certainement être lourdement condamné pour avoir construit une Soucca, un objet religieux juif, alors que je purgeais ma peine en Sibérie.
Le commandant scruta tous les prisonniers puis déclara à voix haute: “Vous devez tous prendre exemple sur ce prisonnier si dévoué à la cause de la Révolution! Il mérite toute notre considération tant il prend soin des biens de notre camp. Il n’a épargné aucun effort, malgré sa fatigue, et, de sa propre initiative, il a construit une cabane pour protéger les planches en bois. Vous devez tous agir comme lui ! ”
Et, avec une tape amicale sur mon épaule, il me fit signe de rejoindre ma place…
A sa sortie des camps du Goulag, Reb Na’hman avait complètement adopté la pratique traditionnelle des Mitsvot et, quand je l’ai rencontré à Tachkent, il faisait partie du groupe des ‘Hassidim.
Mena’hem Margoline
traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 17 septembre 2018