Appelons-le M. Malka. Originaire du Maroc, il avait progressivement abandonné le style de vie juive traditionnel depuis qu’il s’était installé en Israël où il connaissait une réussite certaine dans les affaires. Cependant sa confiance dans les « Tsadikim », les Justes, telle qu’elle prévalait dans sa famille, n’avait pas faibli.
Il entra dans le bureau du Rabbi à New York et resta un moment silencieux devant le regard joyeux, profond du Rabbi. Puis il tendit la lettre qu’il avait préparée : « Cher Rabbi. Je suis sûr que le Rabbi se souvient qu’il y a douze ans, il nous avait accordé sa bénédiction pour avoir des enfants et, l’année suivante, ma femme avait donné naissance à une magnifique petite fille alors que cela faisait déjà dix ans que nous étions mariés et aucun médecin ne nous avait laissé d’espoir.
Mais, depuis quelques mois, notre fille se plaint de maux de tête. Les médecins israéliens ont diagnostiqué une tumeur maligne dans le cerveau, qui ne peut être enlevée que dans un hôpital de Boston.
Mais même à Boston, les chirurgiens sont très pessimistes, seul un miracle pourrait la sauver ! Rabbi, priez pour elle ! Je suis prêt à tout ce que vous me direz : doit-elle être opérée ou non ? »
M. Malka pleurait sans pouvoir s’arrêter. Le Rabbi lut la lettre, regarda M. Malka et dit : « Aujourd’hui nous sommes dans le mois juif d’Adar, ce sera bientôt la fête de Pourim. Le Talmud nous dit qu’en ce mois nous devons être joyeux et vous faites exactement le contraire dans mon bureau ? Avez-vous demandé la permission à des Rabbanim pour amener la tristesse ici ? »
Le Rabbi plaisantait-il ? se demandait M. Malka. « Rabbi ! cria-t-il, c’est la vie de ma fille ! » Et il pleura encore plus fort.
« Vous voulez guérir votre fille par la tristesse ? En étant triste en Adar ? » répliqua le Rabbi.
Soudain M. Malka comprit que le Rabbi était sérieux et, tentant de sécher ses larmes, il dit : « Rabbi, dites-moi comment être joyeux. Je ferai tout ce que vous me direz ! »
« Adar est un mois joyeux car en ce mois, tout « change complètement » (les Juifs avaient failli être exterminés et finalement célèbrent chaque année une fête »). Puis le Rabbi répéta en français, cette fois : « Retourné ! Tout fut complètement retourné ! » tout en étendant les mains et les retournant, comme s’il retournait complètement le monde entier.
Si M. Malka était hésitant avant d’entrer, il était encore plus indécis maintenant. Le Rabbi réfutait tout ce qu’avaient affirmé les médecins. Il y avait de l’espoir. Il comprit que la conversation était terminée et il sortit à reculons, comme le voulait la coutume, tout en balbutiant : merci.
Puis il réalisa qu’il n’avait reçu aucune directive claire. Et même pas une bénédiction !
Le secrétaire lui dit qu’il n’avait qu’à écrire sa question sur un papier qu’on transmettrait au Rabbi, ce qu’il fit. Puis il retourna à l’hôpital, désemparé. Le Rabbi lui avait dit d’être joyeux, tout changerait...
Mais il y avait du neuf : le secrétaire du Rabbi avait téléphoné ! Le Rabbi avait écrit qu’il lui avait déjà dit ce qu’il fallait faire et, s’il avait toujours des doutes, il devrait prendre conseil auprès d’un autre médecin.
M. Malka téléphona à un grand professeur qu’il connaissait en France : celui-ci confirma qu’il fallait absolument procéder à l’opération et prier.
Le lendemain, sa fille devait subir une opération d’une durée de huit heures. M. et Mme Malka, pâles et nerveux, lisaient les Tehilim (Psaumes) dans la salle d’attente. Le Rabbi avait conseillé d’être joyeux : M. Malka se força à esquisser des sourires mais la réalité de l’hôpital l’en empêchait.
Soudain, au bout d’une heure, deux chirurgiens sortirent brusquement de la salle d’opération : « Il n’y a pas de tumeur dans le cerveau de votre fille ! Nous n’y comprenons rien ! Pourtant les radiographies prises hier montraient bien une grande tumeur. Mais il a dû se produire un miracle… »
Quel soulagement pour M. et Mme Malka ! Mais ce fut de courte durée : leur fille ne se réveillait pas de l’anesthésie. Une semaine passa puis une autre et les médecins étaient pessimistes...
A nouveau, M. Malka se rendit à Brooklyn et remit une lettre au secrétaire du Rabbi. Cinq minutes plus tard, le secrétaire revenait avec la réponse du Rabbi : « Je prierai pour une guérison complète et vous aurez des bonnes nouvelles. Ainsi sera réalisé ce qui est écrit dans le livre d’Esther : « Le mois qui fut transformé de tristesse en joie et les Juifs acceptèrent ce que Morde’haï avait écrit pour eux ».
M. Malka se précipita vers un téléphone pour annoncer la bonne nouvelle à sa femme mais elle en avait une meilleure : leur fille s’était réveillée !
Cependant la convalescence n’était pas évidente. La jeune fille avait du mal à parler et sa mémoire était diminuée. Avant Pessa’h, elle quitta l’hôpital et passa la fête avec ses parents à Flatbush. Le dernier jour de Pessa’h, M. Malka se souvint qu’au Maroc, l’émissaire du Rabbi, Rav Mi’haël Lipsker, organisait un dernier repas, Seoudat Machia’h. M. Malka décida de se rendre à pied dans la synagogue du Rabbi pour ce repas.
La grande synagogue était remplie, le Rabbi parla durant des heures, les ‘Hassidim chantaient pendant les pauses : c’était un autre monde. Le Rabbi se tourna alors vers M. Malka et lui fit signe d’approcher : il grimpa sur des épaules et des chapeaux, des chaises et des tables, puis arriva devant le Rabbi qui lui remit deux morceaux de Matsa : « Le Zohar affirme que la Matsa est la nourriture de la foi et la nourriture de la guérison. D’habitude la foi amène la guérison mais, dans votre cas, ce sera le contraire ! Pourquoi votre fille devrait-elle souffrir à cause de vous ? Donnez ce morceau à votre fille et cela lui procurera la guérison. L’autre morceau vous aidera dans votre foi ».
Le Rabbi sourit et ajouta : « Ce soir c’est la fête de la « Mimouna » pour les Juifs marocains et dans quelques jours, ce sera le mois d’Iyar. « Mimouna » vient du mot « Emouna », la foi ; et « Iyar » est formé des lettres signifiant : « Je suis D.ieu, celui qui te guérit ». Mais dans votre cas, la guérison viendra avant la foi ».
M. Malka assista à la réunion jusque tard dans la nuit. En revenant chez lui il annonça la nouvelle et mangea la Matsa avec sa fille. Le lendemain, elle se mit à parler normalement et retrouva la mémoire.
Une semaine plus tard, M. Malka s’acheta une paire de Téfilines et revint à la pratique scrupuleuse du judaïsme.
Traduit par Feiga Lubecki
- Détails
- Publication : 19 mai 2014