Des milliers de ‘Hassidim attendaient leur Rabbi pour commencer les Seli’hot, les prières de supplication qu’on récite quelques jours avant Roch Hachana. Mais Rabbi Sar Chalom de Belz avait demandé à son secrétaire de préparer son carrosse : une demi-heure plus tard, il s’arrêta près d’une cabane isolée dans la forêt.
Le Rabbi se dirigea vers une des fenêtres ouvertes et regarda ce qui se passait dans la cabane. Un vieux ‘Hassid était assis tout seul à une petite table. Sur celle-ci se trouvaient deux verres et une bouteille de vodka.
Le ‘Hassid leva son verre, trinqua « Le’haïm » (« A la vie ! ») et but son verre de vodka. Puis il but le second verre qu’il avait auparavant placé de l’autre côté de la table. Il répéta cette scène encore deux fois : après l’avoir observé par la fenêtre, le Rabbi de Belz retourna dans son carrosse et se rendit à la synagogue.
Quand il entra, un silence total l’accueillit : tous les yeux suivaient le Rabbi tandis qu’il se dirigeait vers sa place. L’officiant entama « Achréi » et toute la congrégation éclata en sanglots en prononçant les Seli’hot.
Dès que les prières furent terminées, le Rabbi se tourna vers son secrétaire : « Il y a ici un ‘Hassid qui est arrivé après tout le monde et je suis sûr qu’il terminera les Seli’hot après tout le monde. Attends-le et préviens-le que je désire lui parler dans mon bureau ».
Une demi-heure plus tard, Zelig entra, tremblant, chez le Rabbi. Celui-ci entama directement « l’interrogatoire » :
- Explique-moi ce que tu as fait dans ta cabane juste avant les Seli’hot. Pourquoi avoir préparé deux verres de vodka ? Avec qui as-tu trinqué « Le’haïm » ?
- Le Rabbi connaît tout cela ? demanda Zelig, stupéfait.
- J’ai regardé par la fenêtre et j’ai tout vu. Mais je veux comprendre ce que tu as fait.
- Je ne suis qu’un pauvre homme, Rabbi. Je n’ai pas d’enfant et j’ai perdu ma femme, il y a quelques années. Je vis seul avec mes quelques animaux domestiques. Enfin, je vivais ainsi jusqu’à peu. Ma vache est tombée malade alors j’ai prié D.ieu : « Après tout, ai-je dit à D.ieu, Tu as créé le monde entier et tout ce qu’il contient. Tu dois bien être capable de guérir une vache ! »
Mais la vache n’a pas guéri. Alors j’ai dit à D.ieu : « Ecoute, D.ieu, si Tu ne guéris pas la vache, je n’irai plus à la synagogue ». Je me disais que si D.ieu ne s’occupe pas de moi, - je veux dire : s’Il ne se donnait pas la peine de guérir une vieille vache, pourquoi devrais-je faire attention à Lui ? Mais la vache est morte et j’en suis devenu fou : j’ai arrêté de me rendre à la synagogue.
Puis la chèvre est tombée malade. J’ai dit à D.ieu : « Comment ? Ce n’était pas assez ? Crois-Tu que je m’amuse ? Je promets que si cette chèvre ne guérit pas, j’arrêterai de mettre les Téfilines chaque jour ! » La chèvre est morte et je n’ai plus mis les Téfilines.
Puis les poulets ont faibli et j’ai informé D.ieu que je Le menaçais de ne plus garder Chabbat. Une semaine plus tard, je me retrouvais sans poulets et D.ieu se retrouvait sans mon Chabbat !
J’ai tenu une semaine puis j’ai réalisé que les Seli’hot arrivaient. Je me suis dit : « Zelig ! Tu n’iras pas prier pour les Seli’hot avec ton Rabbi ? Tu es fou, Zelig ? » Mais d’un autre côté, j’en voulais à D.ieu et j’avais décidé de ne plus me rendre à la synagogue…
C’est alors que je me souvins qu’un jour, je m’étais disputé avec Schmerel, le boucher. A la suite de cela, durant un mois, nous ne nous étions plus adressé la parole ! Puis, un soir, il était venu chez moi avec une bouteille de vodka et m’avait dit : « Oublions le passé et redevenons amis. Nous, les Juifs, nous avons assez d’ennemis ! » Ensemble nous nous étions alors souhaité trois fois « Le’haïm », nous nous sommes serré la main, nous avons même dansé un peu ensemble et depuis, nous sommes de nouveau amis.
Je me suis dit que je pouvais agir de même avec D.ieu. Je L’ai invité à prendre place en face de moi, j’ai versé deux verres de vodka et Lui ai dit : « Ecoute : Tu oublies mes fautes, j’oublie les tiennes ! D’accord ? »
J’ai bu mon verre et j’ai compris qu’Il voulait que je boive le sien. Nous l’avons fait encore deux fois et nous avons dansé ensemble. Après cela, je me suis senti mieux et j’ai pu venir aux Seli’hot ».
Le regard du Rabbi devint très grave. Il plongea ses yeux dans les yeux innocents de Zelig et lui dit : « Ecoute Zelig ! Avant les Seli’hot, j’ai vu qu’un terrible décret avait été pris contre nous au Ciel. Tout cela parce que les ‘Hassidim lisaient les prières mais ne se concentraient pas sur le sens des mots, ne se rendaient pas compte de ce qu’ils devaient demander à D.ieu. Mais toi, Zelig, tu as parlé à D.ieu comme s’Il était ton ami. Ton cœur simple a sauvé toute la communauté! Sois béni pour une bonne et douce année ! »

Rav Touvia Bolton
www.ohrtmimim.org/torah
traduit par Feiga Lubecki