Cela fait plus de 3300 ans que le peuple juif a été libéré d’Egypte. Durant quarante ans, il erra dans le désert où il érigea de fragiles cabanes appelées « Souccot ».
Les Juifs du monde entier commémorent ceci chaque année en prenant tous leurs repas durant sept jours dans des « Souccot ».
L’autre Mitsva de Souccot est de bénir ensemble les quatre espèces : le Loulav (branche de palmier), l’Ethrog (cédrat de Calabre), les Hadassim (branches de myrthe) et les Aravot (branches de saule).
Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’armée nazie avait conquis la région de Kovno. Des centaines de milliers de familles juives furent parquées dans le ghetto dans des conditions effroyables de promiscuité et de famine.
Avec toutes les destructions et les bombardements alentour, les réfugiés du ghetto avaient à leur disposition bien trop de bois, suffisamment pour construire leurs Souccot. Mais comment se procureraient-ils les quatre espèces ?
Un événement inexplicable se produisit alors. Les Allemands savaient qu’à Vilna et Kovno se trouvaient des usines qui pourraient être mises à contribution pour l’effort de guerre. Ils obligèrent donc les Juifs à travailler comme esclaves pour produire les armes et les bombes. Les ouvriers devaient aussi réparer les machines.
Quelques jours avant Souccot 1943, les Juifs de Kovno se demandaient comment pourraient-il réciter la bénédiction « Chéhé’héyanou » (« Qui nous a fait vivre ») sur la Mitsva des Quatre Espèces : c’était la prière de la vie !
La loi stipule qu’on ne récite pas la bénédiction et qu’on ne secoue pas les Quatre Espèces quand Souccot tombe un Chabbat. Les Juifs de Kovno se trouvaient face à un dilemme. En effet, les ingénieurs juifs de Vilna se rendraient à Kovno pour réparer les machines : ils apporteraient avec eux les Quatre Espèces, mais seulement pour un jour : le Chabbat.
On demanda au Rav de Kovno si on pouvait, exceptionnellement, accomplir la Mitsva le Chabbat : Rav Avraham Dov Ber Kahane Shapiro ne put répondre à la question à cause de sa maladie. On se tourna alors vers Rav Ephraïm Oshry avec cette question qui ne pouvait être imaginée que dans cette période de cauchemar qu’était la Shoah.
Rav Oshry ne put trouver de jurisprudence à ce sujet dans les livres dont il disposait. Néanmoins il avait un élément de réponse : « Oui, il y a des occasions où on peut accomplir la Mitsva des Quatre Espèces même quand Souccot tombe un Chabbat ! »
Cependant il lui était interdit par la Torah de donner une permission explicite. Les gens avaient besoin de garder le moral mais un Rav ne pouvait trancher contrairement à la Torah. La décision reposait entre leurs mains.
Des milliers de Juifs se précipitèrent ce Chabbat vers l‘usine où on avait caché ces Quatre Espèces. Les yeux embués de larmes, ils récitèrent les deux bénédictions, en particulier celle de « Chéhé’héyanou », la prière par laquelle on remercie D.ieu d’avoir accordé la vie pour encore une journée : mais jusqu’à quand ?
Leurs larmes douces-amères avaient meilleur goût que les pommes douces trempées dans le miel à Roch Hachana. Les Juifs de Kovno étaient bien conscients que c’était sans doute la dernière fois qu’ils voyaient un Loulav et un Ethrog : ils savaient remercier D.ieu pour leur avoir donné cette dernière chance.
* * *
Quand Souccot arrive, je me demande toujours quelle est vraiment la loi. Nul ne semble connaître la réponse bien que Maïmonide stipule que, dans le Temple de Jérusalem, on accomplissait la Mitsva des Quatre Espèces même le Chabbat.
Mais je sais que je suis en admiration respectueuse devant la « Emouna », la foi qui animait ces Juifs qui ne voulaient renoncer à aucune Mitsva, même dans ces conditions inhumaines.
Alors ce Souccot, quand on vous proposera dans la rue, dans l’avion, dans la synagogue de prendre tout contre vous ces Quatre Espèces et de réciter les bénédictions adéquates, remerciez D.ieu de tout votre cœur pour la vie qu’Il vous accorde, pour avoir le privilège de vivre dans une époque où les Juifs sont libres de pratiquer leur religion.
Rav Eli Hecht – Californie
« Lehaim »
traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 1 novembre 2013