Walbrum, un "shtetl", un village juif en Pologne, près de Varsovie, dans les années trente.
Deux jeunes garçons Dov et Binyamine sont les meilleurs amis du monde. Ils étudient ensemble la Torah au Héder (l'école juive), ils jouent ensemble, ils grandissent ensemble.
L'atmosphère change dans le village, une nouvelle idéologie se fait jour et inspire les jeunes Juifs: monter en Erets Israël, retourner en Terre Sainte et la reconstruire, assécher les marécages et travailler la terre. Deux organisations sionistes se forment et tentent d'attirer des futurs pionniers: le mouvement laïc Hachomer Hatsaïr et le mouvement traditionaliste, la Agoudat Israël.
Dov — désireux de préserver la tradition de ses ancêtres — s'inscrit à l'Agoudat Israël. Binyamine, lui, préfère se couper du passé —comme les jeunes réagissent si souvent — et se joint à l'Hachomer Hatsaïr. Tous deux mûrissent, se marient, montent en Erets Israël et s'y établissent durablement, reconstruisant, chacun à sa manière, le pays à la sueur de leur front.
* * *
Israël 1987: le mouvement Loubavitch ouvre une nouvelle antenne dans une ville de développement.
Un adolescent tourne autour du Centre Loubavitch, le Beth 'Habad. Il veut entrer mais hésite. Quelque chose l'attire mais, en même temps, l'effraie un peu. Il tourne et tourne et, à la fin, entre.
Dès sa première conversation avec le rabbin, ils se comprennent parfaitement et le jeune garçon réalise qu'il a enfin trouvé quelqu'un qui répond à ses questions. Le rabbin parle de façon claire, est ouvert sur le monde: même les matières scientifiques ne lui sont pas étrangères. Et il a le sens de l'humour!
Les questions reçoivent des réponses pertinentes, les doutes sont balayés, la science ne contredit pas la Torah.
Le jeune garçon se plait dans le Beth 'Habad. Il vient régulièrement; ce qui lui plait surtout, c'est que personne ne le pousse ni ne l'oblige, il avance à son rythme.
Cela fait déjà un an qu'il fréquente le Beth 'Habad. Chaque jour, il prie et met les Téfilines, il connaît maintenant une bonne dose de philosophie 'hassidique mais quand il quitte le centre, il remet machinalement la Kippa dans sa poche. Puis même cela évolue avec le temps.
Le jeune homme parle avec ses amis de la beauté qu'il découvre dans l'étude de la Torah, de l'apaisement que lui procure la pratique quotidienne du judaïsme. Il parle aussi avec ses cousins, ses connaissances et, bien sûr, avec son vieux grand-père.
Une discussion en amène une autre. Le grand-père demande s'il peut lui aussi rencontrer "le rabbin qui t'a ramené à la Torah".
Le grand-père et le rabbin trouvent eux aussi un langage commun. Au début, ils parlent du petit-fils, puis de sa mère qui, de fait, l'avait encouragé à franchir la porte du Beth 'Habad. Puis ils parlent du grand-père lui-même.
Un mot par-ci, un mot par là et le rabbin constate qu'en fait, le grand-père possède de sol ides connaissances taImudiques. Il lui demande alors de raconter sa vie. Le grand-père explique qu'il est né et a grandi dans un village près de Varsovie ; quand les idées sionistes avaient pénétré dans le "shtetl", lui, Binyamine avait rompu avec les traditions familiales, avait rejoint l'Hachomer Hatsaïr et s'était installé par idéal en Israël où il avait participé à la construction de l'état.
Durant ces années, les souvenirs de son éducation juive s'étaient estompés et nul ne se souciait de rallumer sa flamme. Il s'était battu, avait travaillé dur mais avait langui le judaïsme. Le rabbin l'écoute attentivement: il comprend.
Le grand-père continue et raconte que durant toutes ces années où il s'était éloigné de la tradition, il avait pourtant veillé à conserver l'amitié d'un de ses camarades de jeunesse. Celui-ci était un 'Hassid qui, malgré toutes les épreuves de l'installation et du dur labeur de construire le pays, était resté fidèle au judaïsme, scrupuleux dans l'accomplissement de chaque Mitsva.
Mais maintenant le grand-père se sentait un peu déprimé: son ami d'enfance, le 'Hassid, était décédé deux mois plus tôt; il se sentait vraiment seul, pratiquement le seul survivant de son village.
"Et comment s'appelait le village?" demande le rabbin.
"Walbrum".
Le coeur du rabbin bat plus vite.
"Et comment s'appelait votre ami?"
"Dov" répond le grand-père.
Le rabbin est lui aussi submergé par l'émotion: "C'était mon père, que sa mémoire soit bénie!"
Le grand-père tombe dans les bras du rabbin, l'embrasse, l'enlace, pleure, parle en yiddish "comme là-bas"...
Le cercle s'était refermé.
Kfar Chabad Magazine Traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 16 avril 2018