Le récit suivant illustre la nécessité de se souvenir de ce que nous a fait l’ «Amalek» moderne, c’est-à-dire les Nazis. Il témoigne aussi du dévouement des nôtres qui ont tenu à garder, même dans les pires circonstances, certaines Mitsvot et la plus importante d’entre elles : l’amour du prochain, l’amour de la vie.


Pologne 1943
C’était le jour de Yom Kipour, mais pour le groupe de 50 détenus juifs du Camp d’extermination de Plaszow (près de Cracovie), c’était un jour d’esclavage comme les autres. Tandis qu’ils travaillaient à la limite de leurs forces, le chef de la police juive apparut : il désigna deux membres du groupe et leur ordonna de le suivre. Terrifiés et tremblants, les deux malheureux s’avancèrent. Ils savaient ce que cet appel signifiait : ils avaient été sélectionnés pour la mort immédiate.
Ce jour-là, les Nazis avaient ordonné aux responsables juifs de leur fournir 100 détenus pour les exécuter. La raison de cette demande n’était pas claire mais depuis quand les Nazis avaient-ils besoin d’une raison pour tuer des Juifs ? C’était Yom Kipour et ils aimaient «célébrer», à leur terrible manière, les jours les plus sacrés pour les Juifs.
Mais leur salut arriva de manière inattendue : un des membres du groupe, Yé’hezkel Eckstein risqua sa vie et fit courageusement face au policier, en utilisant toute sa force de persuasion pour qu’il épargne ces deux vies innocentes. Par un évident miracle divin, le chef de la police accepta et, d’un hochement de tête, fit signe aux deux Juifs de regagner leur place dans leur groupe.
Cependant, Yé’hezkel Eckstein ne s’arrêta pas là. Au péril de sa vie, il se précipita vers la baraque dans laquelle avaient pris place les 100 Juifs sélectionnés en attendant leur exécution. Sans que personne ne le remarque, il se glissa à l’intérieur, souleva l’une des planches en bois et fit passer l’un des Juifs par cette étroite ouverture, lui sauvant ainsi la vie.
Le courage et la rapidité d’action de Yé‘hezkel Eckstein lui avaient permis de sauver trois Juifs d’une mort certaine : celui qu’il avait poussé sous la planche en bois et les deux qu’il avait rendu à son groupe.

Brooklyn 1983
Après la guerre, un des deux Juifs que Yé’hezkel Eckstein avait sauvé à la dernière minute s’installa aux Etats-Unis et s’établit à Brooklyn. Durant des années, il tenta de retrouver son bienfaiteur pour le remercier en personne. Après de nombreuses recherches, il parvint à le localiser : l’homme habitait à Anvers, en Belgique.
Il envoya à Yé’hezkel Eckstein une lettre émouvante dans laquelle il rappelait toute leur histoire et terminait par ces mots : «J’espère, M. Eckstein, que vous vous souvenez de cet incident. Sachez que votre souvenir est gravé profondément dans mon cœur. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi et resterai à jamais endetté envers vous car vous m’avez sauvé la vie». Il signait sa lettre par son nom : Abish Hirsch.

Jérusalem 2004
La prière de Chabbat se terminait et Abish Hirsch se préparait à quitter la synagogue quand un des fidèles lui montra un journal qu’il tenait à la main : «Il y a là une histoire passionnante qui date de la Shoa. Elle mentionne le nom de Abish Hirsch : s’agit-il de toi ?».
D’une main tremblante, Abish saisit le journal qu’il lut attentivement : «Oui ! C’est bien de moi qu’il s’agit !».
Yé’hezkel Eckstein était décédé quelques années auparavant et son fils avait publié son histoire dans un journal en guise d’éloge funèbre.

Le cercle se referme
La lettre de Abish Hirsch – dans laquelle il décrit son miraculeux sauvetage – fut publiée il y a quelques mois dans le périodique «Méorot Daf Hayomi». La lettre était signée par David Eckstein, le fils du regretté Yé’hezkel, qui raconta comment se passèrent les retrouvailles : «Alors que nous préparions le mariage de mon fils qui devait se tenir à Jérusalem, j’aidai mon père à s’organiser. En ouvrant un de ses tiroirs, je tombais sur la fameuse lettre que lui avait envoyée Abish. Je lus l’histoire et en fut très ému : je tentai d’arracher à mon père d’autres détails sur cette sombre période de sa vie mais chaque fois, il me faisait comprendre qu’il n’était pas intéressé à discuter de ce sujet.
«Comme il refusait de parler de ce qui s’était passé durant la guerre, j’eus beaucoup de mal à localiser l’expéditeur de cette lettre, Abish Hirsch. Finalement je parvins à retrouver ses enfants qui habitent aux Etats-Unis».
David Eckstein décida de préparer une surprise originale, inattendue, à son père.
«Je décidai d’inviter M. Hirsch au mariage de mon fils sans que mon père le sache. Alors que nous étions en train de signer le contrat de mariage juste avant la cérémonie, Abish Hirsch entra, s’avança vers mon père et l’embrassa en déclarant : «Ce Juif m’a sauvé la vie !».
Ce fut un moment inoubliable.

Binyamine Chinkis
Traduit par Feiga Lubeck