Semaine 1

Editorial
Des livres qui ont une âme

Lorsqu’une date anniversaire revient, c’est souvent avec des sentiments mêlés qu’on la considère. Par définition, il s’agit d’un événement largement rappelé et célébré au fil du temps. Le faire une fois de plus peut-il donc avoir une véritable importance ? Cela ne tourne-t-il pas très vite à ce type de cérémonie obligée, ce détour obligatoire que l’on concède à l’habitude et au respect du passé ? Comment, dès lors, le vivre, une fois de plus, avec l’intensité souhaitable ? Pourtant, on sent aussi, confusément, que l’événement est présent d’une certaine manière, qu’il continue de nous modeler et que, finalement, il dépend surtout de nous que nous le regardions comme il convient. Et cette sensation grandit jusqu’à nous faire peu à peu ressentir que ce n’est pas nous qui redonnons vie, l’espace d’un instant, à l’événement passé. Au contraire, c’est bien par lui que, sans même que nous nous en soyons rendu compte, nous avons vécu et continuons de vivre chaque seconde.
C’est sans doute ainsi qu’il faut regarder le 5 Tévèt. Alors que la fête de ‘Hanouccah s’est terminée et que nous portons encore en nous la lumière qu’elle a su répandre sur le monde, alors qu’un nouveau mois ouvre ses portes, cette date est, en soi, source d’une force nouvelle. Elle brise encore la grisaille montante et si, une année encore, nous nous attachons à elle, c’est parce qu’elle est ce repère qui permet d’orienter nos pas et nos actes.
5 Tévèt : ce jour-là, des livres dérobés de la bibliothèque rassemblée par le précédent Rabbi de Loubavitch, confiée aux ‘hassidim et ouverte à tous, furent restitués à leur propriétaire légitime. Depuis lors, ils sont toujours à la disposition de tous pour l’étude, la recherche et la publication. Dire cela, c’est réduire l’histoire à son simple aspect factuel. Pourtant, on en comprend, même à ce stade, toute la portée : faire en sorte que des livres bénéficient à tous, qu’ils soient un patrimoine commun, lutter pour qu’aucune personne privée ne se les approprie au mépris du plus grand nombre, c’est déjà une idée essentielle. Cependant, il y a ici également bien plus. Ces livres – ouvrages parfois très anciens de la tradition juive, manuscrits uniques – possèdent une âme. C’est pour elle que le grand débat eut lieu car cette âme est, comme par nature, chevillée à la nôtre. Et le retour de ces livres, c’est aussi celui de nous-mêmes.
En ce sens, le 5 Tévèt, cette semaine, est bien plus qu’une commémoration. Il est notre victoire, celle de l’âme sur ce qui s’y oppose, prélude au jour de la victoire ultime : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Une prière à voix haute

La ‘Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l’on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.

L’origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par Rachel à D.ieu en faveur du peuple juif : « Une voix est entendue à Ramah ». Le mot Ramah » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ».Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746)
Vivre avec la Paracha
VAYIGACH : le cou

L’histoire de Yossef et de ses frères à laquelle la Torah consacre plus d’une douzaine de chapitres détaillés (Béréchit 37 - 50), n’est pas une simple saga familiale. Les douze fils de Yaakov sont les fondateurs des douze tribus d’Israël et leurs actes et leurs expériences, leurs conflits et leurs réconciliations, leurs séparations et leurs réunions, tracent un schéma significatif dans le plan de l’histoire juive.
L’un de ces événements est la réunion poignante entre Yossef et Binyamin que décrit le chapitre 45 de Béréchit : «Et [Yossef] tomba sur le cou de son frère Binyamin et pleura, et Binyamin pleura sur son cou». Le Talmud (Meguila 16 b) interprète ces pleurs sur le cou de l’autre comme l’expression de la souffrance et de la douleur sur les futures tragédies de leurs histoires respectives : «[Yossef] pleura sur les deux Sanctuaires qui allaient se tenir sur le territoire de Binyamin et seraient détruits… et Binyamin pleura sur le Sanctuaire de Chiloh qui serait érigé sur le territoire de Yossef puis détruit».
[Chaque tribu reçut une part de la terre d’Israël. La partie principale du Temple : le Hé’hal, le Saint des Saints et l’Autel appartenaient au territoire de Binyamin. Néanmoins, avant la construction du Temple, le Michkan, sanctuaire portatif qu’avait utilisé le peuple d’Israël dans son voyage dans le désert, avait été installé après son entrée en Terre Sainte sous Yehochouha, à Chiloh dans le territoire de Yossef.]
C’est là que réside la signification des pleurs de Yossef et de Binyamin sur le cou de leur frère : dans la Torah le cou est une métaphore courante pour le Temple.
Les Sanctuaires sont des liens entre le ciel et la terre, des points de contact entre le Créateur et Sa création. D.ieu Qui transcende le fini, transcende également l’infini et Il choisit de désigner un lieu et une structure matériels comme siège de Sa présence manifeste dans le monde. Le Sanctuaire est donc le «cou» du monde, la jonction qui lie son corps à sa tête. La tête d’une personne contient ses facultés supérieures : l’esprit, les organes sensoriels etc. mais c’est le cou qui joint la tête au corps et transmet le flot de conscience et de vitalité de l’un vers l’autre. De même, le Temple est ce qui lie le monde à sa source de vie céleste.

Une jonction précaire
«Tout comme l’âme emplit le corps, disent nos Sages, ainsi D.ieu emplit le monde.» Tout comme existe un «cou» qui joint le monde à son âme divine, il y a également le besoin d’un «Temple», Beth Hamikdach personnel dans la vie de chaque individu, un «cou» pour joindre sa tête spirituelle (son âme) à son corps matériel.
L’âme humaine est une étincelle pure et parfaite de son Créateur mais, pour qu’elle soit la tête de sa vie, l’homme doit construire un «cou» pour joindre son âme à son être physique. Il doit sanctifier son esprit, son cœur et son comportement, pour qu’ils forment un conduit à travers lequel son essence divine puisse animer son être entier.
La destruction du Sanctuaire, qu’elle se fasse au niveau cosmique ou individuel, est comparable à la fracture de la jonction entre la tête et le corps, entre le Créateur et la création, entre l’âme et le corps physique. En fait, les deux sont liés. Quand le Temple se dressait à Jérusalem, cela resserrait le lien entre le corps et l’âme de chaque individu. Et quand l’homme répare son «Temple» personnel, comblant le fossé entre la matière et l’essence dans sa propre vie, il contribue à la reconstruction du Temple universel.
Cela explique pourquoi Yossef et Binyamin pleurèrent chacun sur le cou de l’autre : l’état de la tête n’est jamais cause de détresse, car l’âme ne peut jamais être compromise ou corrompue. Mais ils prévoyaient les époques où le «cou» entre l’esprit et la matière serait endommagé.

Le moi et l’autre
Mais pourquoi Yossef et Binyamin pleurèrent-ils chacun sur le cou de l’autre ? N’étaient-ils pas malheureux de la destruction future de leur propre «cou» ?
Nous voyons émerger un schéma : Yossef pleure sur la destruction des Sanctuaires installés dans la province de Binyamin mais non sur le Sanctuaire situé dans la sienne. Binyamin pleure sur la destruction du Sanctuaire de Yossef mais pas sur le sien.
La question est donc claire : pourquoi devrions-nous pleurer sur les déficiences spirituelles de l’autre mais non sur les nôtres ?
Pour y répondre, il nous faut tout d’abord examiner la nature des pleurs en général. Qu’ont pour effet les larmes ? Elles servent à libérer les sentiments de détresse et de frustration devant la prise de conscience d’une situation inadéquate. Ainsi pleurer soulage bien que la situation qui a suscité ces larmes reste inchangée. Est-ce un phénomène positif ?
A première vue, cela ne le paraît pas. La détresse et la frustration sont ce qui conduit l’homme à rectifier la réalité négative qui les a fait naître. Les diminuer par d’autres moyens paraît aller à l’encontre de leur but.
Mais quand on a fait tout ce qui était possible, lorsque les larmes n’entraînent pas un engagement moindre, on peut alors souligner leur utilité constructive. Elles peuvent servir à exprimer notre empathie. Et elles peuvent servir à alerter les autres de la gravité de la situation, d’autres qui sont à même de faire quelque chose.
De fait, on peut éduquer, inspirer, pousser et assister de toutes les manières possibles son ami pour qu’il se développe et s’améliore. Néanmoins, en dernier ressort, le seul qui puisse effectuer un changement véritable et durable, c’est l’homme lui-même.
C’est pourquoi Yossef et Binyamin se permirent de pleurer sur la destruction des Sanctuaires de l’autre. Mais en fin de compte, seul Yossef pouvait réparer le Sanctuaire détruit de Chiloh, la dimension de «Yossef» dans la relation entre Israël et le Tout Puissant. Binyamin ne pouvait que l’encourager et l’assister.
Après avoir contribué de toutes ses forces aux efforts de Yossef, Binyamin, par ses pleurs, exprima sa tristesse et son empathie sur le cou de son frère. La même chose s’applique aux pleurs de Yossef sur les Sanctuaires du domaine de Binyamin.
Néanmoins, en ce qui concerne nos propres maladies spirituelles, il n’existe pas quelque chose comme «avoir fait tout son possible». D.ieu a accordé le libre-arbitre à l’homme et l’a pourvu des ressources nécessaires pour surmonter chaque défi moral et spirituel. C’est ainsi que s’explique l’approche sans larme de Yossef et Binyamin sur la destruction de leur propre Sanctuaire. Pleurer sur son propre «cou», sur l’état négatif de la relation entre son propre corps et son âme (et ses répercussions cosmiques dans la relation entre D.ieu et la création) est contreproductif car cela affaiblit les forces intérieures qui nous obligent à rétablir cette relation. C’est la «reconstruction» qui, pour chacun, est impérative.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le jeûne du 10 Tévet ?

Le 10 Tévet, cette année mardi 10 janvier 2006, rappelle le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor en l'an 3336 (-425). C'est l'un des quatre jeûnes institués par nos Sages en souvenir de la destruction du Temple.
Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est aussi associé au souvenir des martyrs de la Shoah.
Rabbi Chnéour Zalman explique qu'un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme l'obligation de jeûner le 10 Tévet est, à certains égards, plus stricte que pour les autres jeûnes, on peut comprendre que la bienveillance divine est aussi plus forte ce jour-là. Donc la Techouva, le retour à D.ieu que doit amener le jeûne, sera aussi d'un niveau plus élevé.
Le jeûne commence à 7h 00 (heure de Paris) et se termine à 18h 06.

Quelle est l’importance des livres saints ?

Dans notre génération, il est particulièrement recommandé d’augmenter le nombre de bibliothèques, publiques et privées, où chacun pourra étudier les livres saints.
On placera et on utilisera des livres de Torah aussi bien dans le salon que dans la cuisine et dans les chambres des enfants. On veillera à posséder les livres de base que sont :
- le Sidour (livre de prières), le Ma’hzor (pour les jours de fêtes), la Hagada (pour Pessa’h) et la Méguila (pour Pourim)
- le Téhilim (Psaumes)
- le ‘Houmach (Pentateuque)
- - le Tanya (livre de base de la ‘Hassidout)
- ainsi que des livres concernant les lois de la vie quotidienne. On encouragera les enfants à consulter les livres, même s’ils risquent de les déchirer, auquel cas on en rachètera d’autres.
On offre des livres saints à toute occasion, aussi bien aux enfants pour leur anniversaire qu’aux jeunes mariés (la jeune fille offrira à son fiancé le Talmud et le jeune homme offrira à sa fiancée un «Sidour Korbane Min’ha» ainsi que des livres de base sur les lois gouvernant la vie juive (mariage, Chabbat, Cacherout).
On encouragera l’édition d’un maximum de livres, on veillera à ce qu’ils ne comportent pas d’erreurs d’impression, qu’ils soient agréables à lire, aussi complets solides et beaux que possible afin d’encourager le public à s’en servir ; si possible, on y ajoutera un marque-page.
On respecte les livres, on les embrasse après usage ; on les empile soigneusement selon leur importance (toujours le ‘Houmach au sommet, puis les autres livres de Torah, puis les livres de prières etc…) et on les range à leur place, à l’endroit.
Dans ses derniers moments sur cette terre, le Rabbi Rachab (Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn, cinquième Rabbi de Loubavitch) déclara : «Je m’en vais mais mes livres restent avec vous».
De Recit de la Semaine
Pour un peu d’eau...

“Il est temps pour moi de quitter ce monde ”, murmura le père de Matslia’h. “ Mais auparavant, je voudrais te faire part de ce que mon propre père m’avait dit avant de mourir: choisis une Mitsva que tu t’engageras à accomplir quelles que soient les difficultés, même si cela signifie perdre tout ton argent. Par le mérite de cette Mitsva, D.ieu te protégera de tout mal”.
Les larmes aux yeux, Matslia’h promit à son père d’honorer sa dernière volonté et décida d’être particulièrement scrupuleux à se laver les mains rituellement chaque matin à son réveil. Effectivement, il fit toujours très attention à s’acquitter de ce commandement.
Par la suite, Matslia’h devint un riche homme d’affaires. Il voyageait souvent à l’étranger. Il emportait toujours avec lui son Talit, ses Téfilines, une provision de nourriture cachère et une énorme gourde d’eau pour qu’il puisse se laver les mains où qu’il se trouve.
Un jour, avec d’autres commerçants, il se joignit à une caravane pour traverser le désert, comme cela se faisait à l’époque. Au milieu du chemin, une terrible tempête se leva: le vent faisait tourbillonner le sable dans tous les sens et nul ne pouvait plus distinguer la route. Après quelques jours d’errance, les voyageurs réalisèrent qu’ils avaient pris la mauvaise direction. Tout ce temps perdu signifiait aussi un gros problème d’approvisionnement, surtout en eau. Le chef de la caravane décida de mettre en commun toutes les ressources et de ne distribuer à chacun qu’une petite ration chaque jour. Matslia’h fut donc contraint de remettre sa gourde. La maigre portion d’eau qu’on lui remettait chaque jour, même s’il était résolu à ne boire que très peu, ne lui permettait pas de se laver les mains rituellement.
Matslia’h expliqua son problème au chef de la caravane: “J’ai besoin de beaucoup plus d’eau que ma ration quotidienne!”. Le chef des chameliers éclata de rire: “Ceci est hors de question: nous sommes perdus dans le désert; se laver n’est pas nécessaire, c’est un luxe que nous ne pouvons nous permettre!”
Mais Matslia’h entendait comme en écho les paroles de son père et il dit: “Je vous donnerai tout mon argent pour une double ration d’eau!”
En entendant cela, le chef de la caravane accepta immédiatement. Matslia’h lui tendit sa bourse et l’argent fut divisé entre tous les voyageurs qui n’en croyaient pas leurs yeux: un homme prêt à donner toute sa fortune pour pouvoir se laver les mains en plein désert!
Une fois que la caravane fut arrivée à bon port, Matslia’h décida de quitter le groupe. Sans un sou en poche, il se dirigea vers la forêt et chercha un endroit où passer la nuit.
Il aperçut les restes d’un feu de camp. Les braises étaient encore fumantes, donc des gens étaient passés par là peu de temps auparavant. En avançant encore, il trouva une rivière. Il but autant qu’il le désirait, se baigna et remplit sa gourde.
Soudain il entendit des pas. Il se hâta de grimper au sommet d’un arbre pour se cacher. C’est alors qu’il aperçut, en bas de l’arbre, une bande de brigands, les mains chargées de marchandises volées et tirant un homme enchaîné. Matslia’h pouvait à peine en croire ses yeux: c’était le chef de la caravane! Il observa les bandits tandis qu’ils poussaient un rocher pour pénétrer dans une grotte où ils disparurent. Matslia’h fit le guet toute la nuit. Au matin, les voleurs quittèrent la grotte. Après avoir attendu quelques instants, Matslia’h descendit de l’arbre, poussa le rocher comme il les avait vu faire et se glissa dans la caverne.
Ses yeux furent presque aveuglés par les trésors qu’il découvrit: des chambres et des galeries remplies de pierres précieuses, de bijoux et de pièces d’or. Continuant son expédition, Matslia’h découvrit deux prisonniers enchaînés: l’un était le chef de la caravane qui lui raconta que, juste après le départ de Matslia’h, les brigands les avait attaqués et dépouillés. L’autre prisonnier était le fils unique du Cheikh local qui avait été envoyé pour combattre ces voleurs mais avait échoué: tous les autres soldats avaient été tués et les brigands avaient demandé à son père une énorme rançon pour la libération du fils.
Matslia’h délivra immédiatement les captifs et tous trois s’enfuirent de la grotte. Le Cheikh fut fou de joie en revoyant son fils. Sur le conseil de Matslia’h, il envoya un nouveau régiment de soldats pour tendre une embuscade aux brigands qui, cette fois, furent capturés, ce qui permit aux habitants de la région de vivre en sécurité.
Bien entendu, Matslia’h fut amplement remercié pour les services rendus.
Mais il savait que tout ceci n’était arrivé que par le mérite de son observance scrupuleuse d’un commandement, même au prix de toute sa fortune, comme son père le lui avait dit.

Traduit par Feiga Lubecki