Semaine 7

Editorial
Racines

Au cœur de notre hiver frileux, le 15 Chevat revient et, avec lui, c’est tout le frémissement de la vie qui saisit chacun. Certes, une telle date, Tou Bichevat, le nouvel an des arbres, peut paraître quelque peu étonnante. En ce temps de froidure, le début de renouveau annoncé semble nous échapper largement. Il est pourtant bien présent, même si c’est à d’autres latitudes, celle de la terre d’Israël, qu’il se réfère.
Apparent ou non, Tou Bichevat est donc célébré avec tout l’éclat qu’il mérite et cette célébration même fait question. Il est ainsi décrit un nouvel an des arbres et cela devient un jour souligné par les hommes, comme si ces derniers étaient directement concernés par l’événement ! De fait, c’est comme un étrange rapport qui se noue ici entre l’homme et l’arbre. Le texte de la Torah l’affirme en une sentence fameuse : “l’homme est un arbre des champs”. L’image est claire : l’arbre, fermement ancré sur ses racines, grandit en harmonie au fil des ans, sa beauté s’exprime dans ses fruits qui non seulement l’ennoblissent mais sont les garants de sa pérennité puisque c’est à partir d’eux que de nouveaux arbres naîtront. Un tel portrait ne peut manquer d’évoquer l’homme, décrivant les contours de sa vie : cet être créé par D.ieu, qui se développe, donne les plus merveilleux des fruits par ses actions et s’assure une forme d’éternité par ses enfants, cet être qui a tant besoin de ses racines pour continuer à vivre pleinement.
Notre époque est, bien souvent, celle de l’immédiateté. A tout vouloir dans l’instant, elle oublie parfois l’importance de la durée et que, sans passé, aucun avenir n’est possible. Peut-être est-ce là une des raisons qui la conduisent à négliger le sort des racines, celles des arbres et celles des hommes ? En proie aux atteintes du temps, elles en viennent à dépérir peu à peu sans qu’on s’en aperçoive et l’être qu’elles portaient, végétal ou humain, se rend compte alors comme elles lui étaient nécessaires. Voici revenu Toubichevat, le nouvel an des arbres : un jour aussi pour comprendre et mesurer sur quoi reposent croissance et progrès.
Etincelles de Machiah
Tout est entre nos mains

Le Tanya (chap. 37) enseigne : “Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière Divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil”.
La période actuelle est celle des “talons de Machia’h”, au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la “résidence de D.ieu ici-bas”, alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18)
Vivre avec la Paracha
Yitro : sous la montagne

Le 6 Sivan 2448 de la Création (1313 avant l’ère commune), la nation d’Israël tout entière se rassembla au pied du Mont Sinaï. Là, D.ieu nous choisit comme Son peuple et nous nous engageâmes à observer les lois de la vie telles qu’elles sont indiquées dans Sa Torah.
Le Talmud (Chabbat 88a) souligne toutefois qu’environ mille ans devaient passer avant que nous scellâmes notre alliance avec D.ieu. Tel qu’il était formulé au Sinaï, le contrat entre D.ieu et Israël contenait certains points faibles ; en fait, sa validité même pouvait être contestée. Ce n’est que neuf siècles et demi plus tard, avec les événements de Pourim, que notre acceptation de la Torah fut établie sur des fondations inébranlables.
La Torah nous relate que juste avant la Révélation sinaïtique, le peuple d’Israël «se tenait sous la montagne» (Chemot 19 : 17). Comment cela put-il être possible ? Le Talmud interprète ce fait comme signifiant que «D.ieu tenait la montagne sur eux comme une amphore et leur dit : si vous acceptez la Torah, bien. Sinon, ce sera ici votre tombe». Mais un des principes les plus fondamentaux de la Torah n’est-il pas qu’un contrat acquis par la force ne lie pas ? C’est pourquoi, conclut le Talmud, il y avait un élément qui contrevenait à la légitimité de notre engagement à observer la Torah.
Mais durant les événements de Pourim, le Peuple Juif réaffirma son acceptation du Joug Divin sans aucune obligation d’En-Haut. Selon les mots du livre d’Esther (9 : 27), ils «établirent et acceptèrent», signifiant, explique le Talmud, qu’ils établirent comme valide et incontestable ce qu’ils avaient accepté un millénaire auparavant au Sinaï.

Les âges sombres
Au Sinaï, D.ieu révéla Sa propre essence à l’homme. Comme le dit la Torah : «D.ieu descendit sur le Mont Sinaï» et nous «vîmes le D.ieu d’Israël». En ce jour, il nous fut donné «à connaître que D.ieu est l’Etre Suprême ; qu’il n’existe rien en dehors de Lui» ; « Face à face D.ieu [nous] parla sur la montagne de l’intérieur du feu» (Chemot 19 :20 et 24 :10 ; Bamidbar 4 :35 et 5 :4)
En termes de signes apparents de la Présence Divine dans nos vies, les événements de Pourim étaient diamétralement à l’opposé de ceux de Sinaï. La demeure de D.ieu sur terre, le Beth Hamikdach (le Saint Temple) à Jérusalem, était en ruines, sa reconstruction ordonnée quatorze ans plus tôt par l’empereur Cyrus avait été interrompue par le décret d’A’hachvéroch. L’ère de la prophétie, la communication directe de D.ieu à l’homme, touchait à sa fin.
Comment cette obscurité spirituelle affecte-t-elle notre engagement à D.ieu ? Elle nous aiguillonna vers ce qui peut être décrit comme la plus grande démonstration de notre loyauté à D.ieu de toute notre histoire. Pendant onze mois, un décret d’extermination fut suspendu sur toute la communauté d’Israël. La seule chose qu’Esther put obtenir d’A’hachvéroch fut un nouveau décret qui permettait aux Juifs de se défendre contre tous ceux qui venaient les tuer. Le premier décret, qui avait appelé tous les citoyens du royaume à annihiler la minorité juive le 13 Adar, resta en vigueur jusqu’à cette date où les Juifs sortirent victorieux de cette guerre contre leurs ennemis, tuant soixante quinze mille de leurs assaillants.
Pendant cette année entière où être Juif signifiait que sa vie pouvait, par décret impérial, lui être retirée, pas un seul Juif ne sortit des rangs de son peuple pour chercher la sécurité en s’assimilant au sein du monde païen. En fait, le Livre d’Esther rappelle que cette période vit même de nombreuses conversions au Judaïsme ! Des Juifs émanaient une telle foi en D.ieu, une telle confiance qu’Il les sauverait que nombre de leurs voisins furent motivés pour se joindre à un peuple qui entretenait une relation si puissante et si immuable avec D.ieu.
C’est là que réside le sens profond de l’ «obligation» à accepter la Torah au Sinaï et la validation de notre alliance avec D.ieu à Pourim. Au Sinaï, nous n’avions pas le choix. Face à une révélation si extraordinaire de la Vérité Divine, l’on pouvait difficilement douter ou désapprouver. Mais mille ans plus tard, nous réaffirmâmes cet engagement.

Alors pourquoi l’obligation ?
Cela ne signifie pas qu’à Pourim un nouveau contrat, valide, remplaça l’original. Si cela avait été le cas, quel aurait été le but de la Révélation sinaïtique ? Il est sûr que nous étions liés par l’engagement, entre D.ieu et nous, de la Torah durant les 950 années entre Moché et Esther. En fait, Pourim constitua l’accomplissement d’une vérité déjà implantée au Sinaï.
Cette vérité veut que notre relation avec D.ieu ne soit pas contingente à la raison. Elle ne dépend pas de notre compréhension ni même de notre conscience de son existence. Elle transcende notre moi conscient, résidant au cœur même de notre âme.
C’est la raison pour laquelle nous fûmes obligés de recevoir la Torah au Mont Sinaï. Non parce que nous n’aurions pas librement choisi de le faire de nous-mêmes mais parce qu’un engagement consciemment choisi n’aurait pas commencé à exprimer la véritable étendue de notre acceptation de la Torah.
Tel est le véritable sens de ce qui se passa alors que nous tenions sous la montagne. Mais pendant de nombreux siècles, les événements de Sinaï se prêtèrent à une interprétation erronée. Dans nos esprits, nous nous rappelions le moment où nous fûmes surpassés par la vérité divine et obligés de l’accepter. Cela venait-il de notre intériorité, d’un endroit dans nos âmes inaccessibles au moi conscient ? Ou cela venait-il de l’extérieur, d’une force externe qui nous forçait malgré notre propre volonté, à notre alliance avec D.ieu ?
Et puis vint Pourim avec la totale éclipse de toute Divinité perceptible. Rester un Juif, rester loyal à notre alliance avec D.ieu étaient un choix qui n’allait être influencé par aucune révélation extraordinaire. Mais en choisissant d’accepter la Torah dans de telles circonstances, nous affirmâmes que là est la véritable volonté du Juif. Nous affirmâmes que notre «obligation» au Sinaï n’allait pas contre notre volonté mais qu’elle était en complète harmonie avec notre désir le plus profond.
Le Coin de la Halacha
Combien de bougies allume-t-on en l’honneur du Chabbat ?

Même si, selon la loi stricte, on est quitte de la Mitsva en n’allumant qu’une seule bougie, la coutume est que, dès son mariage, une femme allume au moins deux bougies car il est écrit à propos du Chabbat : 1) «Souviens-toi» (Exode 20. 8) et 2) «Garde le jour du Chabbat» (Deutéronome 5. 12).
L’expression «Souviens-toi» inclut toutes les Mitsvot positives du Chabbat comme le Kiddouch, les repas et le repos de tout travail tandis que l’expression «Garde le Chabbat» inclut toutes les interdictions du Chabbat (ne pas écrire, fumer, travailler, conduire, cuire, trier etc…).
Nos Sages font remarquer que tout ce qui concerne Chabbat est «double» car, dans le désert, les enfants d’Israël recevaient une double portion de manne le vendredi pour n’avoir pas besoin de sortir récolter la manne le samedi. C’est pourquoi on pose deux ‘Hallot (pains) sur la table de Chabbat. Le sacrifice offert le Chabbat consistait en deux génisses. Et le cantique du Chabbat est introduit par les deux mots : «Mizmor Chir (Leyom Hachabbat)».
Les deux bougies représentent aussi la femme et son mari : l’homme possède, dans le décompte traditionnel, 248 organes et la femme 252, soit en tout : 500 qui représente la valeur numérique du mot «Ner» (bougie). C’est pourquoi, après la naissance d’un enfant, les femmes ont l’habitude, dans de nombreuses communautés, d’allumer une bougie supplémentaire ; surtout parce qu’il est dit par ailleurs que la femme qui est attentive à la Mitsva des bougies de Chabbat mérite d’avoir des fils et des gendres qui seront des érudits dans la Torah.
La mère continue d’allumer des bougies pour ses enfants même après leur mariage.
Une petite fille, dès l’âge de trois ans, et une jeune fille n’allument qu’une seule bougie.
Par le mérite de l’allumage de la bougie de Chabbat, une petite fille et une jeune fille éclairent leur «Mazal» et se marieront comme les dignes filles de nos Matriarches Sara, Rivka, Ra’hel et Léa.

F. L. d’après Rav Yosef Ginsburgh
De Recit de la Semaine
La Rabbanit : personnification d’un ‘Hassid

Nous ne connaissons pas grand-chose de la Rabbanit ‘Haya Mouchka Schneerson, la défunte épouse du Rabbi de Loubavitch. Elle tenait par dessus tout à ne pas se faire remarquer : quand elle allait au 770 Eastern Parkway, le quartier général du mouvement Loubavitch à Brooklyn, pour rendre visite à sa mère et sa sœur, elle veillait à ce que ce soit un moment où nul ne se trouvait alentour.
Pour elle, la discrétion était innée. C’est le propre de la fondation d’une maison : peu importe les apparences (d’ailleurs on ne les voit pas) mais sur elle repose tout le bâtiment…

* * *

En 1950, à la mort du précédent Rabbi de Loubavitch, les ‘Hassidim supplièrent Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, son gendre, de lui succéder. Mais il refusa de prendre la tête du mouvement. Ce fut son épouse, la Rabbanit ‘Haya Mouchka qui le persuada d’accepter cette charge écrasante quand elle déclara : «Je ne peux permettre au sacrifice personnel de mon père durant trente ans de s’arrêter ainsi !». Elle savait mieux que quiconque ce que cela signifiait pour sa vie privée mais elle fit don de son mari et de sa propre vie au peuple juif.

* * *

La Rabbanit se rendait souvent dans une bibliothèque à Manhattan. Un jour, alors qu’elle présentait sa carte de membre, l’employée remarqua son nom et lui demanda :
«Etes-vous de la famille du célèbre Rabbi, à Brooklyn ?»
«Oui».
«Comment ?» insista la jeune femme.
«C’est mon mari» avoua la Rabbanit.
L’employée se mit alors à se plaindre du Rabbi. Elle expliqua que, mariée depuis plusieurs années, elle n’avait pas d’enfant : «Sur le conseil de mes amis, j’ai fait l’effort d’aller voir le Rabbi ; il m’a bénie et m’a conseillé de m’engager à accomplir une Mitsva supplémentaire. En effet, me dit-il, la bénédiction agit comme la pluie qui peut rendre fertile un champ préparé et labouré. Je m’engageai à allumer les bougies de Chabbat le vendredi soir. Cela fait deux ans et nous n’avons toujours pas d’enfant !»
La Rabbanit tenta de la calmer : «Moi non plus !»
Mais la bibliothécaire éclata en sanglots : «Je suis désolée pour vous mais moi, je suis une rescapée de la Shoa. J’ai survécu aux camps d’extermination et je suis la seule survivante de toute ma famille. C’est pourquoi il est si important pour moi d’avoir des enfants, afin que notre famille ne soit pas effacée !».
La Rabbanit demanda : «Qu’est-ce que mon mari vous a dit, exactement ?»
- Il m’a dit d’allumer les bougies de Chabbat !
- C’est bien ce que vous faites ?
- Oui !
- Et comment le faites-vous ? continua la Rabbanit.
- Chaque vendredi, quand mon mari revient du travail, j’allume les bougies vers 19h ou 20h.
Patiemment, la Rabbanit expliqua qu’il fallait allumer les bougies avant le coucher du soleil, en accord avec les horaires imprimés sur les calendriers hébraïques.
La bibliothécaire avait écouté attentivement : elle s’engagea à allumer les bougies à l’heure voulue.
Dix mois plus tard, elle serrait son fils dans ses bras… Elle garda contact avec la Rabbanit et lui rendit même visite plusieurs fois.

* * *

Un jeune couple de Chlou’him (émissaires du Rabbi) eut le privilège de rendre visite à la Rabbanit avant son mariage.
Elle demanda au fiancé : «Etes-vous le petit-fils du ‘Hassid, Reb… ?»
Il répondit par l’affirmative. Elle hocha la tête, joyeusement : «Dans ce cas, je suis sûre que vos enfants parleront le yiddish !»
De nombreuses années passèrent. Le jeune couple n’avait toujours pas d’enfants mais ne désespérait pas : «Nous n’étions pas inquiets puisque la Rabbanit nous avait dit de parler yiddish à nos enfants : pour cela, il fallait bien que nous ayons des enfants ! Et nous étions sûrs que nous aurions plus qu’un enfant puisqu’elle avait parlé au pluriel : «Vos enfants». Pas un instant nous n’avons perdu espoir puisque nous avions la bénédiction de la Rabbanit !»
Après 14 ans de mariage, ce couple de Chlou’him mit au monde des jumeaux, un garçon et une fille. Ils les nommèrent Mena’hem Mendel et ‘Haya Mouchka.

Rav Shmuel Lew
«Le’haïm»
traduit par Feiga Lubecki