Semaine 12

Editorial
De délivrance en délivrance

Nous venons de vivre la fête de Pourim et celle-ci nous éclaire plus qu’on ne saurait le dire. Pour cela, il est bon, encore une fois, d’y revenir tant ses leçons sont importantes. Pourim est justement cette célébration qui a tout transformé alors que les Juifs, au plus noir de l’exil, étaient soumis à la domination d’un peuple puissant et impitoyable qui avait détruit le Temple et les avait chassés de leur terre. De fait, le temps de Pourim aurait pu être celui du désespoir, pourtant il devint celui de l’allégresse. Brutalement, alors que les nuages s’amoncelaient, un brillant soleil les dispersa. Certes, soulignent les commentateurs, l’exil ne disparut pas pour autant mais, en tout état de cause, ses couleurs changèrent. Nous nous souvenons aujourd’hui de cette histoire et nous nous interrogeons : comment cela est-il possible ? Comment tout peut-il ainsi se transformer ?
C’est là une interrogation d’autant plus légitime que rien ne peut être regardé comme le simple fait du hasard ou le résultat d’une fatalité imaginaire. C’est dire que la référence aux actions des hommes, à leur conscience et à leur détermination est indispensable pour comprendre le sens des choses. Que firent donc les Juifs en ce temps-là, devant la menace de leurs ennemis ? Ils ne renoncèrent pas. Ils refusèrent de plier. A l’instar de Mordé’haï, «ils ne se courbèrent ni ne se prosternèrent». A chaque instant, ils restèrent fidèles à eux-mêmes, à leur héritage, à leur identité. Ce ne fut pas facile. La menace planait et chacun le savait, la tentation du renoncement pouvait être grande. Il fallait, pour y résister, un élément particulier que la tradition juive dénomme «le don de soi». C’est une force infinie que chacun possède, chevillée à son âme. C’est elle qui s’exprima et cette puissance-là écarta tous ceux qui voulaient notre perte.
L’histoire de Pourim n’est décidément pas un récit du passé, une histoire d’héroïsme comme notre peuple en connut de nombreuses. C’est un récit de notre temps. N’évoque-t-il pas, par bien des côtés, des situations que nous côtoyons plus souvent qu’il ne faudrait ? Lorsqu’il parle d’exil et de menaces, d’ennemis et de complots, cela ne nous rappelle-t-il rien ? A ces questions, la réponse est éternellement semblable : le courage d’être soi-même. Nous avons de nouveau vécu la délivrance de Pourim ; elle est aussi notre la nôtre. Et cette délivrance nous conduit déjà à celle, si proche, de Pessa’h où, là encore, les Juifs surent marquer l’histoire de leur fidélité, méritant leur libération en ne changeant pas, disent les Sages, « de nom, de vêtements ni de langue ». En ce sens, ces délivrances sont le prélude à celle de Machia’h. Ce sont des délivrances conduites par la joie et qui ont le bonheur pour horizon. L’allégresse est notre partage.
Etincelles de Machiah
“D.ieu sera Un”

Le prophète Zacharie (14 : 9) annonce que, lorsque le Machia’h viendra, “en ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un”. Certes, pour le judaïsme, le principe de l’Unité Divine, est une idée fondamentale. Cependant, celle-ci est d’application éternelle. Pourquoi est-il nécessaire de la rattacher aux temps messianiques ?
C’est qu’aujourd’hui, l’Unité de D.ieu n’est pas manifeste. Ainsi la création peut sembler être une entité indépendante, dotée d’une parfaite autonomie. Lorsque le Machia’h viendra, au contraire, l’Unité absolue du Créateur apparaîtra à l’évidence pour tous. Chacun verra alors que l’univers, la matière sont profondément inexistants devant la Lumière Divine qui les irrigue et les fait exister. Chacun sera conscient que l’Unité Divine inclut et dépasse la totalité de l’existant.
H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayakhel Pekoudeï

Les deux Parachiot que nous lisons cette semaine Vayakhel et Pekoudeï suscitent une interrogation qui concerne leur nom. En effet, il existe une apparente contradiction entre leur nom respectif et leur contenu. Pour le lecteur moyen, les noms des 54 sections de la Torah semblent justifiés par le premier mot distinctif qui apparaît dans leur texte. Mais la ‘Hassidout, qui voit chaque événement et phénomène déterminés par la Providence Divine, rejette ce concept de «hasard» et nous enseigne qu’un nom en Langue Sainte constitue l’âme et l’essence. Par ailleurs, le mot «Torah» signifiant «instruction» implique que tout dans la Torah est instructif et que rien n’est le fruit du hasard.
Vayakhel, signifie «assemblée» et «communauté» alors que le mot «Pekoudeï» connote l’intimité et l’individualité. Ainsi ces deux Parachiot successives expriment le conflit, l’interaction et le paradoxe de ces deux composantes de l’âme humaine : a) notre besoin et notre désir de nous lier dans une identité commune et b) notre besoin et notre désir d’individualité et de particularisme.
Mais il est étonnant que la Torah donne une égale importance à chacune de ces Parachiot, elles sont très proches l’une de l’autre au point que parfois elles se fusionnent en une seule lecture «Vayakhel-Pekoudeï» Le plus surprenant est qu’elles semblent avoir interchangé leur place.
Si nous regardons leur contenu, il apparaît que ce que relate Vayakhel aurait été mieux nommé Pekoudeï et le nom Vayakhel conviendrait mieux à Pekoudeï.
Vayakhel commence en nous racontant que Moché assembla le peuple pour lui commander l’observance du Chabbat et la construction du Michkan. Ce rassemblement donne son nom à la Paracha (Vayakhel : «et il assembla»). Mais le reste de la Paracha donne précisément tous les détails de la construction et des matériaux et objets du Michkan : les couvertures du toit, les panneaux muraux, les poutres, les piliers, les rideaux, l’Arche, la Table, la Menorah, les deux Autels, etc. Les mesures exactes de ces composants nous sont données ainsi que les matériaux et leurs formes.
Pekoudeï signifie «comptes» et la Paracha débute par les mots : «Voici les comptes du Michkan…» La racine étymologique de Pekoudeï, Pakod, signifie «compter, se rappeler et pointer», ces termes exprimant le concept du détail (en hébreu le mot Pakid veut dire «bureaucrate»). Mais alors que Pekoudeï inclut également les détails de la construction du Michkan, (tout particulièrement ceux des habits sacerdotaux), une grande partie de la Paracha évoque l’assemblée du Michkan. Dans Pekoudeï, la Torah relate la façon dont sont listés les composants et décrit, dans Vayakhel, comment ils étaient assemblés pour former le Sanctuaire et comment la Présence Divine vint résider dans la structure accomplie. En fait, les parties du Michkan, même en accord parfait avec les instructions divines, ne pouvaient abriter la Présence Divine avant qu’elles ne soient assemblées pour former ensemble le Michkan.
En d’autres termes, la Paracha Vayakhel traite la nature particulière des parties du Sanctuaire alors que Pekoudeï décrit la façon dont elles se combinent pour former la grande structure, le contraire même du sens du nom de chaque Paracha.

Cinq leçons
Pour résumer
1) La Torah comprend une Paracha appelée Vayakhel et une Paracha appelée Pekoudeï
2) Certaines années, elles sont unies pour former une lecture unique Vayakhel-Pekoudeï
3) D’autres années, elles forment deux Parachiot séparées, lues deux semaines différentes
4) Vayakhel signifie «communauté» mais son contenu met en valeur l’individualité. Pekoudeï signifie «individualité» mais son contenu met l’accent sur l’union et l’intégration.
5) Vayakhel vient d’abord dans la Torah, suivie par Pekoudeï.
Chacune de ces nuances est significative. Chacune illumine la relation entre notre identité individuelle et notre identité communautaire.
La première leçon : nous possédons et avons les besoin des deux. Le fait que la Torah les contienne toutes deux indique que notre besoin de communauté et notre aspiration à être distingués en tant qu’individus sont tous deux des aspects importants et désirables de l’âme humaine.
La seconde leçon : nous pouvons et devrions arriver à une synthèse des deux. Si Vayakhel et Pekoudeï ne devaient apparaître que séparément dans la Torah, cela impliquerait que les deux sont nécessaires, chacun à son moment et dans son lieu ; qu’à certaines occasions, il faudrait mettre l’emphase sur la communauté (et nier l’individualité) et à d’autres sur l’individualité (même si elle rompt notre communauté). Nous ne saurions pas que les deux peuvent être intégrés de concert.
Le fait que certaines années ces deux textes constituent une lecture unique nous enseigne que nous pouvons et devons parvenir à la synthèse des deux : une communauté qui n’est pas une masse sans visage mais une communauté d’individus dans laquelle chacun contribue par sa personnalité distincte au but commun et une communauté qui à son tour, donne le cadre dans lequel chacun peut aspirer à exprimer ses meilleures aptitudes.
La troisième leçon : Nous devons aussi nourrir ces deux aspects comme une entité qui a une valeur par elle-même. D’un autre côté, si Vayakhel et Pekoudeï ne devaient apparaître que dans leur forme jointe, cela impliquerait que le seul objectif désirable serait un équilibre entre ces tendances opposées, ce qui compromettrait l’une ou l’autre (ou les deux). Notre individualité n’a peut-être de valeur qu’en ce qu’elle contribue à la communauté ; ou peut-être que la seule fonction de la communauté n’est-elle que de donner un cadre au développement de l’individualité. Nous ne saurions pas alors que chacune est un but pour l’autre.
La quatrième leçon : chacune comprend l’autre. Même lorsqu’elles sont considérées comme une fin en soi, la communauté et l’individualité sont inexorablement liée l’une à l’autre. La Torah vient nous dire que même lorsque l’objectif unique est la création d’une communauté parfaite, la plus parfaite est celle qui comprend des individus qui possèdent et exercent leur individualité. Et même lorsque l’objectif est la réalisation du potentiel, on ne peut l’atteindre qu’en tant que membre d’une communauté.
La cinquième leçon : des individus imparfaits forment une communauté parfaite. Une question subsiste : quelle est la priorité ? La logique dicterait que le développement individuel (Pekoudeï) vienne avant la construction de la communauté (Vayakhel). D’abord, on a besoin des constituants et ensuite on les groupe en un organisme plus grand.
Néanmoins, la Torah place Vayakhel avant Pekoudeï nous enseignant ainsi qu’il en va à l’inverse. Notre premier objectif doit être de rassembler les gens, quels que soient leur statut individuel. Le perfectionnement personnel suivra, renforcé par l’amour et l’amitié que nous manifesterons les uns pour les autres.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que la Matsa Chmourah ?

En hébreu, «Chmourah» signifie «gardée» et ce terme décrit parfaitement ce qu'est cette Matsa. La farine utilisée pour sa fabrication est gardée, protégée de tout contact avec de l'eau, depuis le moment de la moisson. En effet, si elle était mouillée, elle pourrait lever et devenir impropre à la consommation pendant Pessa'h.
Ces Matsot sont rondes, pétries à la main et ressemblent à celles que les enfants d'Israël consommèrent lorsqu'ils quittèrent l’Egypte. Elles sont cuites en moins de 18 minutes sous stricte surveillance rabbinique, afin de s'assurer qu'elles ne puissent en aucune façon augmenter de volume et devenir levain pendant la fabrication. La Matsa Chmourah doit être utilisée pendant les deux nuits du Séder, c'est-à-dire mercredi soir 12 avril 2006 et jeudi soir 13 avril 2006, en particulier pour les trois Matsot posées sur le plateau.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé son ménage de Pessa’h pour acheter les Matsot ; il suffira de les stocker à l’abri de tout ‘Hamets.

F. L.
De Recit de la Semaine
Une vie pour une vie…

Yoav était de garde à Hévron cette nuit-là. Soudain ce jeune soldat israélien fut atteint par une balle tirée par un sniper palestinien qui disparut immédiatement dans l’obscurité. Il était quatre heures du matin et nul ne se trouvait près de lui, nul n’avait entendu le coup de feu et le soldat blessé gisait au sol, comme condamné à se vider de son sang avant que quiconque ne le retrouve. Sa jeune vie arrivait à un point critique et allait se terminer dans un silence et une souffrance tragiques.
Mais un autre soldat cependant avait entendu quelque chose. Il s’était réveillé en sursaut et ne parvenait pas à se rendormir : il devait aller voir, vérifier la situation. Il sortit rapidement et aperçut le corps de Yoav qui perdait son sang abondamment. Immédiatement, il vint à son aide, localisa la blessure, posa un garrot de fortune pour arrêter l’hémorragie et alerta les secours. En attendant, il comprima de toutes ses forces l’artère atteinte, encourageant Yoav à garder espoir : il tenait pour ainsi dire la vie de ce soldat entre ses mains.
Enfin une ambulance arriva et Yoav reçut les soins appropriés. Transporté à l’hôpital, il fut pris en charge par les chirurgiens qui parvinrent à le sauver. Grâce aux premiers secours apportés par l’autre soldat, Yoav avait pu survivre. C’était vraiment un miracle que son compagnon ait entendu le coup de feu et ait pu agir avec autant de sang-froid et de dévouement. Les parents de Yoav qui avaient été prévenus s’étaient précipités à l’hôpital à son chevet et cherchèrent à retrouver celui qui lui avait sauvé la vie. Mais son bienfaiteur avait déjà quitté discrètement les lieux sans faire part de son identité.
Quand Yoav put quitter l’hôpital et se retrouva en convalescence à la maison, ses parents téléphonèrent à l’armée pour obtenir le nom du soldat mais celui-ci n’avait pas été retranscrit dans le rapport de l’incident et il n’y avait donc aucun moyen de le retrouver pour le remercier de son geste extraordinaire.
Les parents de Yoav tenaient une pharmacie à Kiriat Mala’hi : ils décidèrent donc d’accrocher dans leur vitrine une affiche décrivant le miracle qui était arrivé à leur fils en demandant si quelqu’un pouvait les renseigner. Après tout, Israël est un petit pays et chacun connaît quelqu’un qui a entendu que quelqu’un…
Les mois passèrent.
Un an plus tard, une femme entra dans la pharmacie. Elle avait remarqué l’affiche : elle était convaincue que son fils Doron lui avait raconté avoir une fois sauvé un soldat à Hébron dans des circonstances similaires. Elle l’appela sur son téléphone portable : effectivement, il se souvenait très bien de l’incident. C’était bien lui qui avait sauvé la vie de Yoav !
Dès que Doron obtint une permission, il rendit visite avec sa mère à Yoav et sa famille. La réunion fut très joyeuse et remplie d’émotion. A un moment donné, la mère de Doron prit à part la mère de Yoav et lui confia : «Il y a une raison très précise pour laquelle je suis passée devant votre pharmacie. Vous ne vous souvenez probablement pas de moi mais, il y a vingt ans, j’étais venue acheter des médicaments bien spécifiques : je me sentais triste et angoissée. Vous avez remarqué que les médicaments que je venais acheter devaient favoriser un avortement : j’étais enceinte mais ressentais que je n’étais pas capable à ce moment-là d’assumer la naissance d’un enfant. Vous m’avez parlé si gentiment, vous m’avez encouragée, vous m’avez mise en contact avec des gens qui pouvaient m’aider financièrement et psychologiquement… Vous m’avez écoutée et grâce à vous, j’ai décidé de mener à bien ma grossesse, de garder ce bébé.
Je n’habite plus dans ce quartier, mais comme je passais par là, j’ai décidé d’aller vous revoir, de vous remercier vingt ans après de m’avoir donné la joie d’être la mère d’un soldat courageux dont je suis si fière.
C’est grâce à vous que j’ai remonté la pente et que j’ai donné naissance à Doron.
Et c’est mon cher Doron, la prunelle de mes yeux, qui ne serait pas né sans vos encouragements, qui a sauvé la vie de votre fils ! »

Rav Zvi Binn – Le’haïm
www.friendsofefrat.org
traduit par Feiga Lubecki