Semaine 22

Editorial
Le jour qui change le monde

Un jour changea l’univers. Le monde ne fut plus le même après qu’il soit passé. Et le bouleversement introduit, s’il fut sensible et compris immédiatement, étend ses effets jusqu’en notre temps. C’est de Chavouot, le Don de la Torah, qu’il s’agit.

Le Talmud rapporte le mot fameux de Rav Yossef, l’un de nos grands Sages, qui déclara : « S’il n’y avait pas l’effet de ce jour, combien de Yossef il y aurait au marché ! » Traduisons la phrase : « Si le Don de la Torah n’était pas intervenu, comme le tourbillon du monde et son tumulte auraient entraîné avec eux des hommes que plus rien n’aurait guidé ! » De fait, Chavouot est d’abord ce moment où une norme éternelle, un guide de vie, une référence ultime furent données. Alors que, jusqu’ici, l’homme ne pouvait vivre que ballotté par les expériences du quotidien, jouet des modes sociales, sujet plus qu’acteur de l’histoire, à partir de là, il prend conscience du sens des choses. De ce fait, il sait quel est le but à atteindre et est capable de déterminer le chemin qui y conduit. Il est enfin devenu libre et l’exercice de cette liberté ne dépend plus que de sa volonté souveraine.

Il faut se représenter l’impact de telles idées. En fait de volonté, le monde ne connaissait que celle des puissants auxquels chacun devait se soumettre. En fait de loi, il n’existait guère que le caprice des princes. Quant à l’espoir des hommes, il se résumait à la croyance stérile au retour à un mythique « âge d’or ». Voici que la révélation Divine ouvre, avec un temps nouveau, une voie nouvelle. D.ieu parle et l’orgueil des hommes comme leur incapacité à imaginer ce qui les dépasse disparaissent. D.ieu parle et la Loi devient cet objet de tous les respects qui fonde la société humaine. La violence n’a plus de justification, la quête de la sagesse peut enfin commencer.

Depuis lors, 3318 ans sont passés. Chaque année, à Chavouot, nous avons de nouveau vécu le Don de la Torah au mont Sinaï. Nous avons renouvelé l’événement et nous y sommes insérés comme ses contemporains. Cette année encore, nous le faisons et nous savons que chacun de nos pas est une avancée. Nous savons que, si, parfois, le monde semble manquer de repères, nous sommes les porteurs de cette Loi qui lui donne sa grandeur et sa sérénité. Ecoutant les Dix Commandements retentir, nous sommes conscients que cette Voix pénètre chacun et chaque chose et qu’elle annonce aussi le temps de toute sagesse, celui de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Du nord

Le Midrach (Devarim Rabba, sec. 21) affirme, citant le prophète Isaïe (41:25), que « Machia’h viendra du nord ». Quel est le sens de cette indication ?

Précisément, Safed est une des villes du nord d’Israël et elle a un lien particulier avec cette venue. Tout d’abord, on sait (Zohar I, 119a) que Machia’h se révélera en Galilée. Or Safed est une des villes de cette région. De plus, c’est à Safed que commença la révélation du sens profond de la Torah par Rabbi Its’hak Louria et ses disciples. Cette sagesse nouvelle est une préparation aux enseignements de Machia’h, établissant ainsi un lien étroit entre la ville qui l’incarne et la Délivrance.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XVII, p. 515)
Vivre avec la Paracha
Chavouot : l’éternelle Torah

Chavouot, le jour du Don de la Torah par D.ieu est également appelé le jour de la réception des Dix Commandements par Israël. Et il semblerait normal d’unir les deux concepts, le don et la réception formant deux facettes d’une même action et étant apparemment interchangeables dans la description de l’événement.
Néanmoins, il n’en est pas ainsi. Donner et recevoir ont chacun un sens particulier. Comme l’exprime la Cabbale, le Don de la Torah est un mouvement du Haut vers ce qui est en bas alors que recevoir est un mouvement partant du bas et se dirigeant vers le Haut. Et dans la dimension du temps, le Don de la Torah est essentiellement un acte unique alors que la réception de la Torah est un processus diversifié et permanent dans l’histoire.
Avant d’approfondir ce point, il serait peut-être utile de clarifier le sens du mot «Torah». Traduire «Torah» par «loi» passe à côté de l’essentiel, bien que la Bible puisse être considérée comme un livre contenant des lois et des instructions morales pour la vie. Par ailleurs, cette dimension d’instruction, l’enseignement, est certainement primordiale à propos de la Torah. Sans elle, la Torah ne serait qu’un monumental ouvrage de littérature.
Mais une Torah qui ne sert pas de cadre vivant pour l’action n’est plus la Torah. C’est pourquoi, le don et la réception de la Torah sont bien plus que la simple transmission d’un certain corpus d’informations. C’est la communication d’un message qui occasionne un changement profond dans la pensée et le comportement de ceux qui le reçoivent. Il est clair également que la Torah constitue un pont entre l’Essence Divine et l’homme.
Le don effectif de la Torah au Mont Sinaï fut un événement des plus extraordinaires et impressionnants, avec les voix et les trompettes célestes qui retentissaient, les éclairs qui fusaient et le tonnerre qui résonnait. L’on pourrait un peu s’étonner devant ce bouleversement si l’on considère que les Dix Commandements ne sont rien de plus que les lois fondamentales qui doivent gérer toute société. En partie, tout au moins, on peut déjà les retrouver dans les anciens codes de Babylonie, d’Egypte, d’Inde et de Chine.
C’est pourquoi, force nous est d’admettre que le poids des Dix Commandements ne tient pas seulement à leur contenu mais également aux circonstances très spéciales dans lesquelles ils furent donnés. Dans les Dix Commandements, «tu ne tueras pas» n’est pas une loi établie par quelque chef local pour éviter des représailles vengeresses sanguinaires. C’est le commandement d’un D.ieu Tout Puissant et c’est cela qui lui donne sa force et sa signification. Transgresser n’importe lequel des commandements est tout d’abord défier D.ieu et, seulement après, offenser la société.
Cela néanmoins n’est qu’un aspect relativement extérieur et formel du Don de la Torah. De façon plus significative, c’est un acte du Haut vers le bas, la traversée de l’immense fossé qui sépare D.ieu de l’homme. Il n’existe aucun moyen pour l’homme de le traverser. L’on ne peut que crier en désespoir : «Qu’a-t-Il à faire de nous, résidents de la poussière ?»
Cela n’est pas une pensée moderne ; elle est abondamment répétée dans la Bible et constitue probablement une expérience fondamentale dans toutes les religions. En fait, le message profond des Dix Commandements est une réponse à ce sentiment d’insignifiance de l’homme. C’est là l’un des aspects centraux de la confrontation de Sinaï, comme il est écrit : «Voici, l’Eternel notre D.ieu nous a montré Sa gloire et Sa grandeur et nous avons entendu Sa voix émanant du feu : nous avons vu, ce jour, que D.ieu parle avec l’homme et qu’il vit» (Deutéronome 5:21). L’importance de cette rencontre ne tient pas seulement aux paroles elles-mêmes qui furent prononcées mais au fait que D.ieu apparut devant l’homme et lui dit quoi faire, que D.ieu établit un certain contact avec l’homme. Et c’est là le sens de toute la Torah ; tout le reste n’est que commentaire.
En conséquence, le Don de la Torah est un événement historique unique dans lequel le Divin joue un facteur décisif. La réception de la Torah, par contre, est un processus qui dure dans le temps, avec l’homme pour acteur principal. Le paradoxe se résout quand les deux mouvements se rencontrent.
Cela fut exprimé par nos Sages qui, commentant un passage de Yechayahou qui dit «Vous êtes mes témoins, dit l’Eternel et Je suis votre D.ieu» expliquent que l’on peut donc en déduire que lorsque «vous n’êtes pas Mes témoins, Je ne suis pas votre D.ieu». En d’autres termes, Israël doit se tenir prêt à témoigner de la présence divine et sur cette base, la rencontre, c'est-à-dire la révélation de la Torah, peut avoir lieu. Et à nouveau, ce n’est pas le contenu qui est pris en compte. C’est le fait que quelqu’un soit prêt à le recevoir avant même de savoir de quoi il s’agit. C’est cela qui devient le facteur décisif.
La réception elle-même n’est donc pas simplement le fait d’écouter passivement le message de la Torah ; c’est un acte d’engagement de soi-même à en absorber la poésie et les principes et à en accomplir les commandements tous les jours de sa vie. Pour commencer, il faut un état d’esprit réceptif : «nous ferons et nous entendrons», pour que la Torah puisse être donnée. Par ailleurs, le sens profond de cette formulation de l’engagement ne vient que par la suite, comme cela fut exprimé par Moché quarante ans plus tard quand, prenant congé du peuple, il dit : «Et D.ieu ne vous a pas donné un cœur pour savoir et des yeux pour voir et des oreilles pour entendre jusqu’au jour d’aujourd’hui» (Deutéronome 29:3). Et en fait, ce ne fut que de nombreuses générations après qu’il put être dit que le peuple d’Israël avait développé un cœur capable de savoir ce que la Torah avait projeté pour lui.
Cette idée n’est pas seulement une manière métaphorique d’affirmer quelque chose, c’est un thème récurrent de la Bible elle-même. En fait, l’on peut dire que la Bible en tant qu’entité est un récit détaillé des conflits et des réconciliations dans le processus de réception de la Torah.
Le temps est nécessaire pour que tout enseignement réellement révolutionnaire soit assimilé et il faut passer par un certain nombre d’étapes intermédiaires. Dans l’histoire d’Israël, on peut assurer que c’est seulement à l’époque du second Temple que le peuple d’Israël, dans sa totalité, accepta la Torah comme mode de vie obligatoire. Depuis, et jusqu’aux générations récentes, il n’y a plus eu de division sérieuse entre les Juifs et la Torah. Ils ont formé une entité cohérente.
Plus de mille ans se sont donc écoulés entre le Don de la Torah et une certaine manière de la recevoir. Bien sûr, cela n’était pas une simple question d’aptitudes spirituelles et intellectuelles d’une génération ou d’une autre. Tant que les hommes possèdent le libre arbitre, le problème de recevoir la Torah se repose pour chaque individu dans chaque génération.
Le processus de réception de la Torah continue donc, depuis l’incident du Veau d’Or jusqu’à nos jours. C’est un processus qui entraîne le Juif à absorber sincèrement ce qui lui est offert. Et, comme nous l’avons vu, cela ne peut être un simple processus d’étude. Il est toujours possible que l’étude soit entravée ou repoussée, pas seulement par différents types d’empêchements, mais aussi par les différentes formes d’acceptations initiales inadéquates. Après des milliers d’années et d’innombrables bonnes intentions, de combats incessants émanant de générations et de générations de Juifs pieux, nous ne pouvons être sûrs que d’une seule chose : la Torah, depuis qu’elle a été donnée à Sinaï continue d’être reçue par Israël.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Chavouot ?
La veille de Chavouot tombe cette année le jeudi soir 1er juin 2006, on n’oubliera pas de préparer le Erouv Tavchiline de façon à pouvoir préparer la nourriture de Chabbat pendant le premier jour de fête.
• Jeudi soir 1er juin (à Paris avant 21h 27), les femmes allumeront les 2 bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles n’allumeront qu’une bougie), avec les bénédictions : 1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov». («Béni sois-Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête» et 2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Véhigianou Lizmane Hazé») - («Béni sois-Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as fait vivre, exister et qui nous as fait parvenir à ce moment»).
• Vendredi soir 2 juin, elles allumeront les bougies de Chabbat et de la fête (à Paris avant 21h 28), à partir d’une flamme allumée avant jeudi soir (par exemple la veilleuse d’un chauffe-eau ou d’une cuisinière, ou une bougie spéciale de vingt-quatre heures) et diront les bénédictions: 1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Vechel Yom Tov» («Béni sois Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies de Chabbat et du jour de fête»). – «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé»).
Il est de coutume d’étudier toute la première nuit de Chavouot (cette année de jeudi à vendredi). Selon le Midrach, les Juifs ont dormi la nuit précédant le don de la Torah et D.ieu Lui-même dut les réveiller avec éclairs et tonnerre. La ‘Hassidout explique que pour recevoir la Torah, il ne faut pas «s’éloigner» du monde physique (donc dormir).
Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue vendredi matin 2 juin pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l’unité du peuple juif autour de la Torah et on renouvelle l’engagement d’observer ses préceptes.
On a l’habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande, cette année vendredi midi.
Samedi 3 juin, on récite à la synagogue, pendant l’office du matin, la prière de Yizkor pour le souvenir des disparus : on donnera, avant ou après la fête, de l’argent à la Tsedaka pour leur mérite.
La fête se termine samedi soir 3 juin après 22h 51 (heure de Paris).
F.L.
De Recit de la Semaine
Le Séfer Torah du Maharam de Rotenburg

Né à Worms en 1215, le célèbre Rabbi Meïr de Rotenburg fut très vite reconnu pour sa vaste érudition talmudique. Il écrivit de nombreux livres et répondait aux questions que lui posaient des rabbins de toute l’Europe. Dans sa Yechiva, des centaines de jeunes Juifs étudiaient le Talmud et les Décisionnaires. Rabbi Meïr était considéré comme le grand-rabbin de France et d’Allemagne.
Alors qu’il était déjà âgé, des pogromes éclatèrent. Sous des prétextes futiles, les foules se déchaînaient contre les Juifs et le sang juif était versé comme de l’eau : tous les Juifs étaient menacés et même le vénérable Rabbi dût s’enfuir. On raconte que c’est en route pour la Terre Sainte qu’il fut reconnu, arrêté et finalement emprisonné sur l’ordre du souverain, Rodolphe. Celui-ci annonça que son illustre otage ne serait libéré qu’en échange d’une énorme rançon.
Quand Rabbi Meïr apprit cela, il fit immédiatement stopper les collectes qui s’organisaient déjà dans la communauté : la loi juive interdit, en effet, de céder à ce genre de chantage car cela ne fait qu’augmenter l’émergence d’autres enlèvements et extorsions de fonds.
C’est ainsi que durant six ans, il croupit dans une prison, au sommet d’un donjon surplombant le fleuve : il révisa toute la Torah qu’il avait apprise par cœur auparavant, jusqu’à son décès à l’âge de 78 ans. Déçu de n’avoir pas obtenu l’argent qu’il demandait, Rodolphe refusa cruellement qu’on procède à l’enterrement de son prisonnier. Ce n’est que sept ans après la mort du Rabbi qu’un Juif riche offrit au souverain toute sa fortune pour pouvoir l’inhumer dignement.
Même si Rabbi Meïr connaissait parfaitement des milliers de pages de Torah, il souffrait de ne pas disposer d’un véritable Séfer Torah. On lui avait procuré des Téfilines et d’autres objets de culte mais pas de Séfer Torah.
Au bout de deux ans de captivité, un jeudi soir, il s’assoupit et aperçut soudain, dans une vision presque irréelle ce qui semblait être un ange majestueux qui portait… un grand Séfer Torah brillant de mille feux !
Etait-ce un rêve ou la réalité ? Le Maharam n’eut pas le temps de réfléchir, déjà l’ange parlait : «Je suis l’ange Gabriel. Tes prières ont été entendues, voici ton Séfer Torah ! Tu sais que Moché Rabbénou, Moïse notre Maître, écrivit 13 rouleaux de la Torah. Douze ont été distribués à chacune des Tribus ; voici le treizième ! C’est celui qui est utilisé chaque Chabbat au ciel par les Tsadikim qui séjournent auprès du Tribunal céleste. Cependant, rien ne se compare aux Mitsvot accomplies par un Juif sur terre. C’est pourquoi il a été décidé qu’il te sera confié et tous les Tsadikim viendront l’écouter de ta bouche chaque fois que tu le liras !».
Le cœur battant, Rabbi Meïr se réveilla : le saint Séfer Torah était bien là, devant lui !
Il remplit volontiers ses obligations : chaque Chabbat, Roch Hodech et jours de fête, il lisait le passage correspondant dans le rouleau de la Torah et sa cellule irradiait d’une lumière spirituelle émanant sans doute des milliers d’âmes des Tsadikim qui venaient l’écouter. Même les jours de semaine, il aimait à étudier dans ce parchemin sacré et, à chaque fois, il sentait son esprit s’ouvrir à de nouvelles idées, des explications extraordinaires.
Cela dura deux ans puis Rabbi Meïr se dit qu’il devrait recopier scrupuleusement ce Séfer Torah afin que des générations de Juifs après lui puissent s’en inspirer et, à leur tour, le recopier.
Ses élèves parvinrent à lui procurer du parchemin, des plumes et de l’encre et, au bout d’un an, l’œuvre fut achevée. Après plusieurs vérifications et corrections, ce second Séfer Torah fut prêt.
Mais le même soir, Rabbi Meïr rêva qu’un autre ange venait dans sa cellule et reprenait le Séfer Torah original ! Bouleversé, il se réveilla et constata que, malheureusement, c’était vrai !
«Pauvre de moi ! s’exclama-t-il. Peut-être n’aurais-je pas dû entreprendre cela. Il s’agit là sans doute d’une punition !»
Une voix interrompit ses pensées et le rassura : sa copie était parfaite et il avait bien agi car elle servirait de base pour l’écriture de nombreux autres rouleaux de la Torah.
Quand le Maharam sentit sa fin approcher, il fabriqua une boîte en bois, l’enduisit de bitume afin de l’imperméabiliser, y plaça avec amour son Séfer Torah et la fit descendre à l’aide d’un drap du donjon de sa prison jusque dans le Rhin.
Pendant plusieurs semaines, la boîte flotta sans être remarquée jusqu’à ce qu’elle fût repérée par des pêcheurs non loin de Worms. Malgré tous leurs efforts, ils ne parvinrent pas à l’attraper dans leurs filets. Ils décidèrent alors de laisser des pêcheurs juifs tenter leur chance : à peine ceux-ci approchèrent-ils leurs embarcations que, d’elle-même, la boîte flotta dans leur direction et se laissa facilement remonter.
Après bien d’autres péripéties, la boîte fut finalement ouverte dans la synagogue de Worms. Voici ce qui était inscrit à l’intérieur, sur l’une des parois : «Ce rouleau a été écrit par Meïr et est un cadeau offert à la communauté de Worms. Ce rouleau est saint et pur et on ne doit l’utiliser que deux fois par an : à Chavouot (la fête du don de la Torah) et à Sim’hat Torah, le jour où l’on complète la lecture annuelle de la Torah».
Malgré les nombreux malheurs qui affectèrent la communauté de Worms durant les siècles qui suivirent, les fidèles consentirent toujours de gros sacrifices pour garder intact ce trésor transmis dans de si étranges circonstances. Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi, a témoigné l’avoir vu.

Rav Tuvia Bolton
traduit par Feiga Lubecki