Semaine 42

  • Beréchit
Editorial
Le point de départ

Tous les débuts sont fondateurs. Cette idée est, sans doute, encore plus vraie quand il s’agit du début de ce qui forme le tissu même de la vie : une nouvelle année, comme un nouveau temps. De fait, nous avons vécu ces dernières semaines dans un état voisin de l’apesanteur. Passant de Roch Hachana en Yom Kippour puis de Yom Kippour en Souccot, en Chemini Atsérèt et en Sim’hat Torah, nous avons, pour ainsi dire, vu la vie comme une recherche spirituelle constante. Nous avons amassé les expériences du lien avec D.ieu sous des formes toujours diverses : de la plus solennelle austérité à l’allégresse la plus profonde. Dans un tel contexte, il n’est guère étonnant que le monde, son vain tumulte et sa course sans but n’aient occupé, dans l’esprit et dans l’âme de chacun, qu’une place secondaire.
Mais l’heure du retour a sonné. Les fêtes s’éloignent de jour en jour sur les pages de nos éphémérides et le monde réclame l’attention qui lui est due, avec toute l’insistance de la matérialité triomphante. Pourtant tout n’est pas encore dit. Il nous reste une œuvre importante à mener à bien. Tout frais sortis des grands rendez-vous du mois de Tichri, tout frais revenus du grand voyage spirituel qu’il a permis et de ses aventures, il nous faut à présent examiner les acquis du mois. Comme le commerçant du temps jadis qui se rendait à la foire pour y faire provision de tout ce qui lui serait nécessaire pendant le reste de l’année et qui, après s’être procuré tout ce qu’il pouvait, s’en retournait chez lui pour défaire ses paquets et prendre la mesure de ses réserves nouvelles, ainsi nous nous tenons aujourd’hui. Les fêtes nous ont permis d’accumuler les forces les plus grandes et d’en saisir les expressions multiples. Qui n’a pas ressenti l’effacement de son pauvre ego à Roch Hachana ou la crainte de D.ieu à Yom Kippour ? Qui n’a pas éprouvé la confiance en D.ieu à Souccot ou la joie qui brise les barrières à Sim’hat Torah ?
Le temps est venu de prendre pleine conscience que nous détenons tout cela en nous. Si le monde est bien présent, il doit, grâce à ces capacités renouvelées, devenir le lieu quotidien du service divin et non celui de l’oubli. Lorsque nous en sentirons le besoin, sachons que ces forces seront encore en nous et qu’il suffira d’y faire appel pour continuer d’agir, de construire et donner ainsi un sens à l’existence. Tout début est fondateur a-t-on dit… Décidément, l’année commence, tout reste à faire.
Etincelles de Machiah
Le sort du mauvais penchant

Le Talmud enseigne (traité Soucca 52a) : «Dans les temps futurs, D.ieu amène le mauvais penchant et l’abat». Ce passage étonnant, qui fait référence au temps de Machia’h, montre, de manière plus précise, D.ieu abattant le mauvais penchant comme, aujourd’hui, on abat un animal. C’est, du reste le terme «Che’hita» qui est employé ! Il est clair que l’idée ne peut être prise en son sens premier.

L’abattage d’un animal par le moyen de la Che’hita consiste à en retirer le sang. De même ici, la «Che’hita» du mauvais penchant signifie qu’alors D.ieu en retirera tous les éléments indésirables. N’en restera plus qu’un ange de sainteté.
(d’après Kéter Chem Tov, par. 265)
Vivre avec la Paracha
Beréchit : les affaires de D.ieu

“Venez voir les actions de D.ieu, Son complot effrayant pour les enfants de l'homme” (Psaumes 66 : 5).
Et la femme vit que l'arbre était bon à manger et elle prit de ses fruits et en mangea ; et elle en donna aussi à son époux et il en mangea avec elle (Genèse 2 : 6).

Le but d'une aventure commerciale est de faire des profits. Aucun homme d'affaire qui se respecte n'investirait un capital et ne consacrerait du temps et des talents quand les comptes ne montrent pas une véritable possibilité de bénéfices.
Et pourtant, les bénéfices les plus importants doivent être récoltés sous les conditions même que l'homme d'affaire responsable cherche le plus à éviter: à la suite de développements tout à fait imprévisibles, dans des environnements sur lesquels il n'a aucun contrôle et dans lesquels son aventure tout entière, et peut-être sa propre personne, sont menacés.
C'est pourquoi l'on peut dire que l'esprit de l'homme d'affaire opère à deux niveaux. Au niveau manifeste, il cherche la stabilité et le contrôle. A ce niveau, "être pris au dépourvu" jette l'anathème sur les affaires.
Tout en sachant que chaque aventure comporte une part de risques, son but est de les empêcher, d'éviter l'imprévisible, d'avoir un plan d'action pour toute éventualité. Mais à un niveau plus profond, subconscient, l'homme d'affaire aspire à l'imprévisible. Au plus profond de son cœur, il veut être pris par surprise, être plongé dans les circonstances que la structure de ses affaires cherche à éviter. Car là et seulement là, réside le potentiel de profits plus grands qu'aucun analyste ne pourrait envisager.
A ce niveau, si "tout va selon le plan prévu", ce serait une déception plutôt qu'un accomplissement. Ce sont des scénarii qu'il n'osera jamais présenter à ses investisseurs, ni même à son moi conscient. Mais en dernière analyse, ce sont ces mêmes possibilités se cachant derrière les chiffres et les projets officiels qui constituent la plus grande motivation pour laquelle il s'est engagé dans les affaires.

Le complot effrayant
Nos Sages nous disent que "le royaume des Cieux est semblable au royaume de la terre", que les structures de la société humaine et les modes de comportement humain reflètent la manière dont le Créateur établit un rapport avec Son monde et le dirige.
D.ieu opère selon une stratégie empruntée au monde des affaires: la Torah qui est "le plan de D.ieu pour la création" définit le "profit" que le Créateur veut tirer de Son entreprise. Les lois de la Torah détaillent ce qui devrait et ce qui ne devrait pas être fait, et ce qui devrait et ne devrait pas arriver, pour sauvegarder l'investissement divin dans la création et assurer sa rentabilité.
Mais au premier jour des affaires de l'histoire, le plan alla de travers. Adam et Eve, en mangeant du fruit de l'Arbre de la Connaissance violèrent la première Mitsva, le premier commandement de D.ieu. Leur acte mit en péril l'aventure tout entière, laissant un chaos de bien et de mal déferler sur le monde sous contrôle et organisé dans lequel ils étaient nés.
Et pourtant, nous disent nos Sages, c'était "le plan effrayant de D.ieu pour les enfants de l'homme". "C'est Moi qui les ai fait pécher, en créant en eux un penchant vers le mal" admit D.ieu devant le Prophète Elie.
Car c'est le processus de la Techouva ("retour") du péché qui apporte le plus grand profit dans l'entreprise de la vie. Il n'existe aucun amour plus fort que l'amour ressenti de loin et de plus grande passion que la quête du retour à une maison abandonnée et à un moi qui s'est aliéné. Quand le lien de l'âme avec D.ieu s'est étiré au point de rupture, la force qui le rattache à sa source est plus grande que tout ce qui peut être produit par l'âme qui ne quitte jamais l'orbite divine. Et quand une âme qui a erré jusqu'aux recoins les plus éloignés de la vie, et a exploité tout l'aspect négatif et vil de son environnement, ressent l'impulsion de retourner à D.ieu, elle élève ces parties de la Création qui résident derrière le cadre d'une vie vécue dans la droiture.
C'est là "le complot effrayant" contre les enfants de l'homme: créer un homme avec une inclination au mal, de sorte que lorsqu'il y succombe, il renoue avec D.ieu dans un amour plus grand et des ressources rachetées, générés par une vie maintenant en conformité avec la Volonté Divine.
Toutefois, il est sûr qu'on ne peut dire que D.ieu voulait que l'homme pèche: un péché est, par définition, un acte que D.ieu ne veut pas. De plus, si le "plan" de D.ieu était que l'homme pèche, cela soulève la question de savoir ce qui serait arrivé si Adam et Eve n'avaient pas choisi de manger des fruits de l'Arbre de la Connaissance. Le but de D.ieu dans la Création aurait-il été accompli?

Ce que désire D.ieu
Tout comme dans le cas de l'homme d'affaire conventionnel, il existe deux niveaux de "motivation" derrière l'acte divin de création.
Au niveau manifeste, le monde fut destiné et créé pour accomplir le plan indiqué par la Torah. Ce plan appelle l'existence d'une inclination au mal dans le cœur de l'homme pour que notre conformité à la volonté divine ait du sens et de la signification.
Selon les paroles de Maïmonide: “La liberté est donnée à chaque homme: s'il désire suivre le droit chemin et être une personne juste, le choix de le faire est entre ses mains; et s'il désire suivre la voie du mal et devenir un être vil, le choix de le faire est entre ses mains… C'est un principe majeur et une base de la Torah et des commandements… Car si D.ieu devait décréter qu'une personne soit bonne ou vile ou s'il existait dans l'essence de l'individu quelque chose qui le force à emprunter telle ou telle voie,… comment D.ieu aurait-Il pu nous commander par Ses Prophètes "fais cela" et "ne fais pas cela"? Quelle place aurait occupé la Torah tout entière? Et selon quelle justice D.ieu aurait-Il puni les méchants et récompensé les bons?”.
Ce plan ne requiert pas l'existence du mal, mais seulement le potentiel de son existence. Il nous est possible de violer la Volonté divine, pour que le fait que nous ne le fassions pas soit pour nous un triomphe moral et une source de plaisir pour D.ieu. Il faut qu'il nous soit possible de ne pas faire le bien, pour que nos bonnes actions aient une valeur et un sens. Les risques doivent être présents, ils sont ce qui rend l'aventure valorisante et jouable, mais le but de tout cela, c'est qu'ils soient évités.
Mais au niveau "subconscient" plus profond, D.ieu complote pour que l'homme succombe au péché. Ce n'est pas ce qu'Il désire et c'est même une déviance de Sa Volonté expresse. Mais quand cela arrive, cela libère une richesse de possibilités qui sont infiniment plus efficaces que tout ce que le plan "officiel" aurait pu permettre. Et ce sont ces possibilités se cachant derrière les calculs et les projets officiels qui constituent Sa motivation ultime pour laquelle Il s'est investi dans “l'affaire” de la vie humaine.
Le Coin de la Halacha
Qui allume les bougies de Chabbat ?

Les bougies de Chabbat apportent la paix dans la maison. Il est donc naturel que ce soit la femme, «le pilier de la maison», qui les allume chaque vendredi, 18 minutes avant le coucher du soleil.
Depuis 1974, le Rabbi de Loubavitch a demandé que les jeunes filles et même les petites filles allument leur propre bougie de Chabbat, avant leur mère (afin que celle-ci puisse les guider et les aider) avec la bénédiction :
«Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer les bougies du saint Chabbat.
Cette campagne mondiale reçut le nom de «Mivtsa Néchek» («Nérot Chabbat Kodech») car elle constitue l’arme («Néchek») spirituelle des femmes et filles juives. (Après son mariage, la jeune femme allumera deux bougies).
Voici ce que dit le Rabbi le 10 Chevat 1984 au sujet de l’allumage par la fillette et la jeune fille : «Même si son père est un Juste parfait et sa mère une Juste parfaite, si la petite fille se demande : «Que puis-je ajouter aux bonnes actions de mes parents ?», on lui expliquera que chaque bonne action que la petite fille effectuera dans le domaine de la Torah et des bonnes actions rajoute de la lumière dans le monde entier et peut (selon la loi tranchée par le Rambam, Maïmonide) : «Faire pencher la balance pour le monde entier du côté du mérite et amener la délivrance !»
Rabbi Chnéour Zalman (Choul’hane Arou’h Harav – Ora’h Haïm 263 – 1) écrit : «Plus il y aura, Chabbat, de lumière dans la maison, plus la paix et la joie régneront dans tous les coins» et donc dans le monde entier.
Le regretté Rav Moché Feinstein (Igrot Moché – 1976) écrivait : «Cette loi (selon laquelle chaque fillette doit allumer sa bougie de Chabbat) était déjà largement répandue dans de nombreuses communautés. Si le Rabbi de Loubavitch insiste pour la répandre dans tout le peuple juif, c’est certainement un moyen de ramener davantage de personnes à la pratique du Chabbat et de tous les commandements de la Torah…»
Rav Yéhouda Segal (de Tel-Aviv) ajoute : «Grâce à cela, on ajoute lumière et plaisir dans le Chabbat et la petite fille s’habitue à ce qui sera sa mission quand, le moment venu, elle se mariera et conduira sa propre maison. Elle sera bénie par des bénédictions spéciales et elle contribuera à l’honneur du Chabbat… Que chaque petite fille ressente qu’elle doit se préparer pour le Chabbat durant la journée de vendredi et que, par l’allumage de sa bougie, elle accepte la sainteté de ce jour selon toutes ses lois».
Le regretté Rabbi Israël Abouhassira (affectueusement appelé «Baba Salé») s’attacha également avec enthousiasme à propager cette «ancienne» tradition remise à l’ordre du jour : «Je supplie chacun d’éduquer ses filles, dès leur plus jeune âge, à allumer leur bougie chaque veille de Chabbat. Cette Mitsva «protégera le peuple saint et la terre sainte».
Le Rabbi de Pittsburgh, dès qu’il entendit parler de cette proposition du Rabbi, s’exclama : «Il est écrit que la bougie (éclaire) mon pied» : grâce aux bougies de Chabbat des petites filles, nous mériterons d’éclairer le chemin pour les pieds du Machia’h !»

F. L. (d’après Rav Morde’haï Menaché Laufer)
De Recit de la Semaine
La sixième dimension

Je me trouvais au coin de Grove et Baldwyn, à quelques minutes du bar où je prenais un café l’après-midi, quand ils m’arrêtèrent. Deux garçons, en strict costume sombre, avec de grands chapeaux qui protégeaient leur visage du soleil.
Ils voulaient que j’allume une bougie.
Mais pas simplement une bougie. Ils voulaient que je l’allume pour D.ieu. Pour changer le monde. Pour le mener vers la perfection. Je me demandai au fond de moi s’ils n’allaient pas bientôt m’annoncer que cela me rendrait riche.
Je refusai.

Je cherchais à donner un sens à ma vie. J’avais compris que l’argent n’était pas la clé. J’avais besoin de plus que cela. M’engager dans un idéal, une carrière. Me sentir utile. Avoir un cercle d’amis, influencer le cours de la vie de quelqu’un. Et j’avais obtenu tout cela mais ce n’était pas suffisant.
Ce jour-là, je savais que j’avais besoin de plus que cela. J’étais prête à m’investir davantage dans l’humanitaire. Mais pas pour D.ieu.
Je n’ai pas besoin de D.ieu dans ma vie.
Je vis dans ce monde, pas dans le nirvana. Je n’ai pas besoin de rites, de cultes répétitifs pour donner de la couleur à mon monde.
J’avais besoin de donner du sens à ma vie. Et j’ai donc refusé.

Des semaines plus tard, ils m’arrêtèrent à nouveau.
Cette fois, ils portaient des branches et un fruit qui ressemblait à un gros citron. Ils voulaient que je les secoue ensemble, dans toutes les directions. Pour D.ieu. Pour la paix dans le monde. Pour l’unité. Quelle façon ridicule d’éviter de considérer la réalité en face !
J’ai dit non.
Mais le lendemain, j’ai dit oui.

J’avais réfléchi : quel mal peut résulter d’un peu de culture étrangère ? J’ai donc secoué les branches et le fruit. Et je n’ai vu ni éclairs ni vision de D.ieu, je n’ai ressenti aucune extase du devoir accompli. Comme je m’y attendais d’ailleurs.
Mais plus tard, dans la soirée, il se passa quelque chose. Rien de grand, rien que je puisse toucher du doigt. Juste une légère satisfaction d’avoir bien agi.
Alors le lendemain, je secouai à nouveau leurs plantes. Je répétai ces syllabes étranges qu’ils me dictaient. Mais non plus pour la paix dans le monde. Juste pour ressentir encore cette sensation fugitive.

Maintenant, j’allume les bougies chaque vendredi après-midi. J’ai arrêté de verser du lait dans la sauce de mon poulet royal. Je lis chaque jour des mots de louanges dans un petit livre. Pour D.ieu.
Qu’est-ce qui a changé ?
Aussi étrange que cela puisse sembler, cela n’a pas changé mes activités ordinaires. Je poursuis toujours ma carrière. Je continue de voir mes amis. Je suis encore bénévole dans l’abri pour femmes seules de ma ville. Mais il y a plus.
Rien n’a changé. Rien n’a changé dans mon monde à cinq dimensions.
Mais j’ai découvert une sixième dimension dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
Je n’y aurais jamais cru si on m’en avait parlé. Lire à ce propos ne m’aurait pas ébranlée. Les sons ne peuvent être compris que dans un contexte d’autres sons.
Ce n’est qu’une fois que j’eus secoué ces végétaux que je pouvais comprendre cette dimension.
Et je ne pouvais en ressentir l’existence qu’une fois que je m’étais engagée à agir dans ce sens.
Ces jeunes garçons auraient pu passer des heures à me l’expliquer, mais cela n’aurait eu aucun impact. Il fallait que j’agisse moi-même.
Et maintenant je sais pourquoi, Souccot, ils m’ont arrêtée dans la rue.

Raconté à Nechama Dina Hecht
Des plaines, Illinois (Etats-Unis)
chabad.org Magazine
traduit par Feiga Lubecki