Semaine 14

Editorial
La liberté au bout de la fête !

Toutes les fêtes résonnent dans notre conscience et chacune y produit sa sonorité particulière. Pourrait-il, du reste, en être autrement alors qu’elles sont intimement liées non seulement à notre histoire mais aussi à notre âme ? La fête de Pessa’h est, pourtant, peut-être différente. Est-ce parce que, comme l’affirme le prophète Ezéchiel, elle est le moment de «la naissance du peuple juif» en temps que peuple ? Force est de constater que chacun y est attaché et que nul n’a ménagé ses efforts, spirituels et ménagers, pour en faire un de ces temps forts de l’année dont l’effet ne disparaît jamais.
C’est que l’enjeu est de toute première importance. Certes, c’est la sortie d’Egypte dont nous allons, une fois de plus, nous souvenir et que nous allons célébrer. Mais se contenter d’y voir un événement historique – même fondateur – serait, sans doute, commettre une grave erreur. Le texte de la Haggada, que nous disons le soir de la fête, s’empresse de nous mettre en garde : «Chacun est tenu de se considérer comme s’il était sorti ce jour-même d’Egypte» ! Pourtant, tout cela paraît si ancien…
Mais il existe plusieurs sortes d’Egypte. Celle du pharaon a irrévocablement disparu, engloutie par son orgueil. Il en subsiste une autre : notre Egypte intérieure qui nous retient en servitude spirituelle aussi sûrement que la première nous avait asservis matériellement. C’est de cet oppresseur intérieur qu’il faut, à présent, nous délivrer. La bataille est d’importance car c’est notre liberté qui est en jeu : liberté de s’attacher à D.ieu, d’accomplir Sa volonté, liberté aussi de décider pour soi malgré les faux-semblants que, parfois, le monde nous propose. C’est une liberté chèrement acquise et d’autant plus précieuse.
Pour la découvrir, tous se retrouvent à la table de la fête, celle du Séder où monte le chant de la liberté. Ils sont, dit la Haggada, «sages ou impies, naïfs ou ne sachant pas poser de questions» mais ils sont tous présents. Quant à ceux qui ne voient pas encore leur place dans cette liberté nouvelle, ils savent que la porte leur est ouverte, aussi grande que les plus beaux des arcs de triomphe. Car, nous le savons, la fête s’écoule et, avec elle, la liberté avance. Elle se répand telle une belle et puissante marée jusqu’à culminer au moment où se conclut la semaine de fête, selon la tradition ‘hassidique, par le repas de Machia’h. Comme le matin d’une liberté nouvelle.
Etincelles de Machiah
La coupe du Prophète Elie

Le soir du Séder, la coutume, respectée dans toutes les communautés, veut que l’on verse une coupe de vin pour le Prophète Elie. Cet usage est connu, il est même un des moments particulièrement attendus de la célébration de Pessa’h. Pourtant il n’est pas enseigné par le Talmud ou les premiers décisionnaires. Il a été instauré plus tardivement et cela n’est pas le fait du hasard.
En effet, cette coupe de vin se rattache à la foi en la venue de Machia’h et en celle du Prophète Elie qui sera son annonciateur. Or, plus on se rapproche du temps de cet avènement, plus la croyance en sa survenance et le sentiment d’attente grandissent dans le cœur de chacun.
C’est la raison pour laquelle la coutume de verser cette coupe s’est répandue dans les dernières générations. Elle est la traduction de cette avancée.
(D’après Likouteï Si’hot, vol. XXVII, p. 55)
Vivre avec la Paracha
Pessa’h La fête de l’enfant

Quand, pour la dernière fois, vous êtes-vous sentis libres ?
Pour bon nombre d’entre nous, ployant sous le poids de notre travail, de notre famille et des responsabilités sociales, la liberté semble aussi rare qu’elle est essentielle, aussi inaccessible qu’elle est désirable. Nous la désirons, nous en avons besoin, mais comment y parvenir ?

Mais regardez un enfant. Observez-le alors qu’il joue, qu’il est plongé dans son livre préféré ou qu’il dort souriant à ses rêves. Il est tranquille. Il sait que son père et sa mère le nourrissent, le protègent et prennent soin de tout. L’enfant est libre. Libre de révéler sa véritable personnalité, libre de grandir et de se développer, de s’ouvrir aux joies et aux promesses de la vie.

C’est la raison pour laquelle, Pessa’h, la fête de la libération, est tant la fête de l’enfant. Car c’est l’enfant qui nous permet de réaliser que nous aussi sommes les enfants de D.ieu et donc profondément et éternellement libres. C’est l’enfant qui ouvre nos yeux sur le sens profond de Pessa’h : en nous sortant d’Egypte pour faire de nous Son peuple élu, D.ieu nous libéra de tous les esclavages et de toutes les soumissions de tous temps.

L’enfant est donc le participant le plus important du Séder de Pessa’h. De nombreuses coutumes du Séder ont tout particulièrement pour but d’étonner l’enfant, de stimuler sa curiosité, de l’obliger à demander : Mah Nichtana Halaïlah Hazé ?» «Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ?» Car la Haggada tout entière, ce «récit»de l’histoire de notre rédemption d’Egypte que nous lisons au Séder, est construite autour du concept «Quand ton enfant te demandera… Tu diras à ton enfant». A Pessa’h, nous désirons pénétrer dans l’esprit de l’enfant, voir la réalité à travers sa perspective. Car sinon, comment goûter à la liberté?

Quatre fils
Mais les enfants, comme l’attestera chaque parent, se présentent sous de multiples personnalités. Si l’on observe de plus près la discussion de la Torah dans le dialogue du Séder, l’on peut constater qu’elle comporte plusieurs versions des questions des enfants et des réponses des parents. La Haggada explique que «la Torah s’adresse à quatre fils : le sage, l’impie, le simple et celui qui ne sait pas poser de questions».
Selon la façon dont l’enfant pose sa question, le cas échéant, la Torah offre quatre approches différentes pour expliquer le message de la fête et la signification de notre liberté.
L’enfant «sage» pose des questions intelligentes, bien structurées qui reflètent la droiture de ses observations et son désir de connaissance, d’appréciation et de participation. Le père, fier, répond par une explication détaillée des observances du Séder, du commencement jusqu’à la fin, jusqu’à la loi selon laquelle «on ne doit pas consommer de dessert après la viande de l’offrande pascale», pour que son goût s’attarde dans nos bouches longtemps après le Séder.
Le fils «impie» observant les efforts et les dépenses impliqués dans l’organisation de la soirée du Séder, demande : «Qu’est-ce que ce travail qui est le vôtre ?». «Ce travail qui est le vôtre» souligne la Haggada. C’est quelque chose à laquelle il ne veut pas participer. «C’est à cause de ce que D.ieu m’a fait», répond le père sur le même ton, «quand j’ai quitté l’Egypte». «M’a fait… quand J’ai quitté l’Egypte», impliquant par là, commente la Haggada, que «s’il [l’enfant impie] s’était trouvé là-bas, il n’aurait pas été sauvé».
Au fils «simple» qui ne peut que questionner «Qu’est-ce que c’est ?» le père répond par une réponse appropriée sur le sens de cette soirée. Et au père de «l’enfant qui ne sait pas poser de questions », la Torah instruit : «Dis à ton enfant». C’est à lui à initier la discussion, à l’amener à parler et à participer.

Là-bas et ici
De toutes ces réponses diverses, c’est celle adressée au «fils impie» qui demande clarification. Pourquoi devons-nous lui dire qu’il aurait été laissé en Egypte à l’époque de ’Exode ?

Et de fait, c’est ce qui eut lieu. Nos Sages nous disent que seul un cinquième des Juifs quittèrent l’Egypte en direction du Sinaï, lors du premier Pessa’h. Les quatre autres cinquièmes refusèrent de s’en aller, préférant l’esclavage du Pharaon à l’engagement pour D.ieu. Ces Juifs ne furent pas sauvés. Car bien que D.ieu acceptât les Juifs en Egypte, comme ils étaient, dans leur statut spirituel dépravé après deux siècles d’esclavage dans la société la plus immorale de la terre, Il émettait cependant une condition : il fallait désirer la liberté pour la mériter.
Cependant, quel intérêt y a-t-il à dire au fils impie que «s’il avait été là-bas, il n’aurait pas été sauvé» ? Voulons-nous repousser encore davantage un enfant déjà éloigné ?
En réalité, notre message à cet enfant n’est pas celui d’un rejet ou d’un bannissement mais celui d’acceptation et de promesse. S’il avait été là-bas, lui disons-nous, il n’aurait pas été sauvé. L’Exode d’Egypte eut lieu avant la Révélation Sinaïtique, avant que D.ieu ne choisisse chacun des enfants Juif pour être le Sien. Là-bas, en Egypte, la Rédemption était une question de choix individuel. Mais il n’y était pas, il est ici.
«Ici», c’est après le Sinaï. Ici, libres, c’est ce que nous sommes et non ce que nous pouvons rejeter ou refuser d’être. Il est vrai que nous sommes en exil, mais «en ce jour, prophétise Yichayahou, vous serez rassemblés, un par un, Ô enfants d’Israël». Quand D.ieu reviendra nous délivrer, pas un seul Juif ne sera laissé derrière.

Le Cinquième fils
Aussi différents que puissent paraître les «quatre fils» de la Haggada, ils ont tous un point commun : impliqués, défiants, incapables ou indifférents, ils sont tous présents à la table du Séder. Ils ont tous un lien, bien que tous différemment, avec notre célébration annuelle de l’Exode et de notre naissance en tant que nation. La communication est ouverte ; le potentiel d’ «enfant sage» qui réside en chaque enfant Juif est accessible.
Mais aujourd’hui, dans notre exil spirituel, il existe un cinquième fils : le Juif qui est absent de la table du Séder. Il ne pose pas de questions, ne lance aucun défi, ne montre aucun intérêt. Car il ne sait rien du Séder, rien du sens de l’Exode, rien de la Révélation du Sinaï où nous avons assumé notre mission et notre rôle en tant que Juifs.
C’est à ces enfants de D.ieu que nous devons nous consacrer longtemps avant la première nuit de Pessa’h. Nous ne devons pas oublier un seul enfant Juif, nous devons investir toute notre énergie et toutes nos ressources à ramener tous les «cinquièmes fils» à la table du Séder de la vie juive.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le compte de l'Omer ?

C'est une Mitsva de la Torah de compter les 49 jours de l'Omer à partir du 2ème soir de Pessa'h (mardi soir 3 avril 2007) jusqu'à la veille de Chavouot (lundi soir 21 mai 2007 inclus). Si on n'a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu'à l'aube. Si on ne s'en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.

Quelles sont les lois de cette période du Omer ?

Hommes et femmes ont l'habitude de ne pas entreprendre de « travaux » (tels que ceux interdits à 'Hol Hamoèd) depuis le coucher du soleil jusqu'à ce qu'ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l'épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Aquiba à cette époque du Omer. Les Sefardim respectent ces lois de deuil jusqu'au 19 Iyar (lundi 7 mai 2007) au matin ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (jeudi 19 avril 2007) jusqu'au 3 Sivan au matin, (dimanche 20 mai 2007) à part la journée de Lag Baomer (dimanche 6 mai 2007).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté 'Habad, veut qu'on ne prononce pas la bénédiction de Chéhe'héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer, même Chabbat, et qu'on ne se coupe pas les cheveux jusqu'à la veille de Chavouot (cette année mardi matin 22 mai 2007).
Un garçon qui aura 3 ans après Pessa'h, fêtera sa première coupe de cheveux à Lag Baomer, (6 mai 2007), et celui qui aura 3 ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (mardi matin 22 mai 2007).
Il n’y a aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade. On évite cependant musique et danses joyeuses.
Dans de nombreuses communautés, on étudie chaque jour du Omer une des quarante-neuf pages de la Guemara Sotah.

F. L.
De Recit de la Semaine
Histoire
«Oui, mon commandant !»

Comme il se sentait seul, Youri, ce soldat juif qui effectuait son service militaire dans une base russe ! Un soir, après une dure journée de manœuvres et d’entraînement, il s’assit avec ses compagnons dans la salle de détente pour regarder la télévision.
Le programme s’arrêta un moment pour les publicités. Cette musique… Youri la reconnut immédiatement : mais oui, c’était «Dayénou», la mélodie familière et familiale, celle qu’on chante joyeusement autour de la table du Séder… La publicité continuait : on annonçait la prochaine fête de «Pascha», de Pessa’h. Rav Dan Krishevski, émissaire du Rabbi et représentant de la Fédération des Communautés juives de CEI à Oufa apparaissait dans un clip et annonçait la prochaine fête de Pessa’h ; il invitait les Juifs à le contacter pour obtenir de la Matsa Chemoura.
Le numéro de téléphone apparut alors brièvement sur l’écran et Youri le mémorisa immédiatement. Dès qu’il eut un moment libre, il téléphona et entra ainsi en contact avec le centre communautaire d’Oufa. Timidement, Youri demanda au rabbin s’il était possible qu’on lui envoie une boîte de Matsot : «Bien sûr ! Avec plaisir !» répondit le jeune rabbin qui accepta de lui faire parvenir les Matsot par courrier spécial de l’armée : il s’en portait personnellement garant.
Youri était enfin heureux. Quelqu’un pensait à lui et allait s’occuper de ses besoins spirituels.
Mais bien vite, sa joie fit place à de l’appréhension : quelle serait la réaction de ses camarades de régiment ? Ils étaient soit russes orthodoxes, soit musulmans : comment pourrait-il manger de la Matsa devant eux ? De plus, Youri s’inquiétait surtout par rapport à son commandant : un officier de carrière rude et strict qui, dès le début de son service, l’avait pris en grippe.
Pessa’h arriva. Nul n’avait procédé à un nettoyage particulier. Nul ne s’activait particulièrement à la cuisine et on n’entendait évidemment pas des enfants chanter à tue-tête «Ma Nichtana». Youri décida que ce soir-là, il n’irait pas manger au mess avec ses compagnons mais il se mettrait seul dans un coin pour manger ses Matsot. C‘est alors que le commandant s’approcha de lui avec son air soupçonneux habituel. Cette fois – Youri en était persuadé – le commandant ne lui ferait pas de cadeau : il lui reprocherait certainement de manger à part ou peut-être de manger de la Matsa… ou les deux… Mais jamais Youri n’aurait pu imaginer la conversation qui allait suivre. Ce commandant qui ne parlait d’habitude que pour aboyer des ordres s’approchait de lui.
«Pourquoi manges-tu cela ?» demanda-t-il, presque tranquillement. Puis il baissa la voix et, comme dans un rêve, Youri l’entendit murmurer : «Ma grand-mère aussi mangeait des galettes semblables… Je ne devrais pas te le dire mais moi aussi, je suis Juif !»
Vraiment cette nuit était différente de toutes les autres. Une telle révélation, de la part d’un officier si haut gradé… Youri proposa au commandant un morceau de Matsa mais celui-ci déclina l’offre poliment. Il regrettait sans doute d’en avoir trop dit et il s’éloigna. Etait-il soulagé d’avoir révélé son secret ou le regrettait-il déjà ? Nul ne le sut jamais mais le reste de la nuit se déroula sans problème.
Surtout… le commandant ne mentionna plus rien de ses origines devant Youri. Et il ne le tourmenta plus non plus.
A la fin de son service militaire, Youri avait eu le temps de réfléchir à tout ce qui lui était arrivé et s’était posé de nombreuses questions sur son identité juive.
Il rentra chez lui à Vladikavkaz, la capitale de la République d’Ossétie du Nord. Il avait été si touché par la gentillesse de Rav Krishevski qu’il se mit au service de la communauté juive de son pays pour organiser un Séder communautaire.
Et chaque année, à l’approche de Pessa’h, Youri n’oublie pas d’envoyer une boîte de Matsot à son ancien commandant, un Juif isolé dans une base militaire de Russie…

La Fédération des Communautés Juives de CEI est à la pointe du combat pour la renaissance du judaïsme dans l’ancienne Union Soviétique. Plus de mille émissaires du Rabbi de Loubavitch s’activent dans 454 villes disséminées dans les 15 Républiques de l’Est.

Le’haïm
Traduit par Feiga Lubecki