Semaine 19

Editorial
L’héritage de Lag Baomer

Comme chaque année, dans le monde entier, des milliers d’enfants se rassemblent pour Lag Baomer, la fête de Rabbi Chimon Bar Yo’haï. Chacun étant disponible en ce premier jour de la semaine, des parades colorées, des défilés de chars, se déroulent et font encore grandir l’allégresse particulière de cette journée. Décidément, Lag Baomer éclaire toute la période où il se trouve et, sans doute, au-delà. Il apporte une inspiration nouvelle chaque année et il faut s’en pénétrer afin de l’emporter ensuite avec soi, qu’elle ne nous abandonne pas. N’en ressentons-nous pas le besoin impérieux en un temps où, parfois, les nuages semblent s’amonceler au point de cacher le rayonnement du soleil ? Souvenons-nous : le jour de Lag Baomer est celui de Rabbi Chimon Bar Yo’haï dont on sait que, par son seul mérite, il faisait trouver grâce au monde entier.
Ce qui frappe dans les célébrations du jour, c’est la merveilleuse unité qu’elles soulignent. Voici des hommes, des femmes et surtout des enfants, venus de tous les horizons, de conceptions et de modes de vie profondément différents, qui se retrouvent avec une joie que l’on ne peut pas ne pas remarquer, pour un rendez-vous avec l’un des plus grands maîtres du judaïsme : Rabbi Chimon. N’y a-t-il pas ici quelque chose qui donne à réfléchir ? Le sage en question vécut il y a bien longtemps, à l’époque romaine, et ses enseignements sont bien profonds. Pourtant, chacun éprouve avec lui, en ce jour, une proximité inattendue. Et chacun vit sa présence dans les célébrations de cette fête non seulement comme un noble devoir mais surtout comme un bonheur que l’on ne voudrait manquer pour rien au monde. Tout se passe comme s’il y avait là un événement résolument de notre temps qui affecte la vie quotidienne de chacun.
C’est justement comme cela qu’il faut le prendre. Lag Baomer éclaire certes notre semaine par son apparition à son début mais il éclaire aussi notre année et, plus largement, notre vie, le monde qui nous entoure, par l’éternité qu’il incarne et l’enthousiasme qu’il exprime. Par cette journée, depuis de nombreux siècles, nous savons prendre énergie et espoir. Nous savons y trouver les ressources qui nous permettent ensuite de continuer notre chemin. Rabbi Chimon fut celui qui, par le Zohar, révéla au monde le plus profond de la Torah. Cette sagesse est aujourd’hui notre héritage, préfiguration de la connaissance nouvelle que Machia’h nous apportera.
Etincelles de Machiah
Lag Baomer et l’amour du prochain

Rabbi Chimon Bar Yo’haï déclara que ses qualités «viennent de celle de Rabbi Akiva», son maître. Il est donc clair que, puisque ce dernier mit l’accent sur l’amour du prochain, Rabbi Chimon en fut également imprégné.
Cette idée est soulignée de manière encore plus éclatante quand des enfants se rassemblent à l’occasion de Lag Baomer, la fête de Rabbi Chimon, et manifestent ainsi leur amour et leur unité. Cela amène l’unité et la paix dans le monde entier, parmi toutes les nations jusqu’à la paix complète et absolue que Machia’h apportera, lorsque tous les peuples se rendront «à la Maison de D.ieu, à Jérusalem» et y proclameront «qu’il est bon et agréable que des frères demeurent ensemble».
(d’après des enseignements du Rabbi de Loubavitch,Lag Baomer 5747, 5750) H.N.
Vivre avec la Paracha
Behar
La force du «Mah ?» (quoi ?)

Les fermiers de la terre d’Israël reçoivent de la Torah l’instruction de travailler leur terre pendant six ans et de la laisser en jachère, au repos, la septième. Mais quand toutes les terres d’un pays sont laissées en jachère une année entière, la nation ne risque-t-elle pas de faire face à une véritable famine ?
Dans les versets suivants, la Torah évoque ce problème : «Et si tu dis : ‘qu’allons-nous manger la septième année ?’… Je donnerai ma bénédiction sur la sixième année et elle donnera une récolte suffisante pour une période de trois ans».
Quand la Torah propose une réponse, elle nous laisse d’ordinaire déduire nous-mêmes la question sous-jacente. Dans ce cas précis, la Torah choisit de poser la question. Y a-t-il donc quelque chose d’unique à relever dans cette interrogation particulière ?

La moralité de la société ou de D.ieu ?
La société en général vit selon un code moral. Les gouvernements édictent des lois contre les actes immoraux comme le meurtre ou le vol et encouragent un comportement éthique comme la charité ou la pudeur. Si vous demandez : «pourquoi le meurtre est-il interdit», la réponse légale sera probablement : «parce que prendre la vie d’autrui est tout simplement commettre le mal».
Si vous persistez et insistez : «mais pourquoi est-ce mal ?», la réponse sera probablement «si vous ne le sentez pas intuitivement, alors rien ne sert d’essayer de vous l’expliquer».
Et c’est vrai que c’est la réponse correcte. Le meurtre est un acte vil parce que la société sent intuitivement la nature immorale de cet acte.
Mais la conception juive sent que l’autorité morale va plus loin que le simple consentement d’un peuple.
Si vous recherchez dans la Torah pourquoi le meurtre est mal, il est probable que vous trouverez pour réponse à votre question : «C’est l’un des Dix Commandements !». Si vous insistez et voulez savoir pourquoi c’est l’un des Dix Commandements, il est probable qu’il vous sera rétorqué : «Pensez-vous pouvoir chercher à expliquer les raisons du Divin et les comprendre ?»
Bien sûr, le Juif sent lui aussi intuitivement que le meurtre est un acte immoral. Mais pour lui, c’est plus qu’une simple intuition. Si D.ieu a ordonné cette interdiction en tant commandement divin, c’est qu’elle doit être immorale pour des raisons qui dépassent l’intuition humaine.

Au-delà de la raison de l’homme
Pourquoi un Juif croit-il que les commandements divins dépassent l’intuition des hommes ?
Les Mitsvot peuvent se diviser en deux grandes catégories : a) les commandements éthiques que l’on comprend facilement, comme l’interdiction de voler et b) les décrets inexplicables qui défient la compréhension humaine, comme la Mitsva de la Vache Rousse.
Ces deux types de commandements jouissent d’une relation en symbiose, chacun affectant notre perspective sur l’autre. Les commandements éthiques montrent qu’il est possible d’atteindre un semblant de compréhension des commandements de D.ieu. Les décrets démontrent qu’en dernière analyse, la sagesse de D.ieu dépasse la nôtre.
Si nous n’avions reçu que les décrets incompréhensibles, notre manque de compréhension totale nous aurait éloignés de la pratique des Mitsvot. Nous ne pourrions pas les intérioriser et serions alors empêchés de développer une affinité avec elles, de les accomplir avec enthousiasme.
D’un autre côté, s’il ne nous avait été donné que les commandements de portée morale, nous imaginerions que toute la Divinité est accessible à la compréhension humaine. Nous abandonnerions naturellement toutes les notions qui appartiennent au domaine de la foi et dépassent notre entendement.
Les décrets incompréhensibles enseignent au Juif à considérer les Mitsvot compréhensibles, elles-mêmes, à travers le prisme de la sagesse divine, à reconnaître que les commandements éthiques, comme l’interdiction du meurtre, ont une dimension qui va au-delà de notre connaissance ou de notre sensation intuitive.

Deux questions, un mot
C’est là le sens de la question posée par le «Fils Sage» (qui nous est présenté dans la Haggada de Pessa’h) : «Qu’est-ce que (MAH) sont les… décrets et les lois que l’Eternel notre D.ieu t’a commandé ?». Le Fils Sage comprend que même les «lois» qui se déduisent logiquement ont une dimension qui défie la logique humaine et il cherche ainsi à comprendre le sens véritable de toutes les catégories de Mitsvot, non seulement celui des «décrets» mais également celui des «lois».
Revenons à la question posée par notre verset, «et si tu dis: ‘Qu’ («Mah») allons-nous manger la septième année ?». La seule autre occasion où la Torah introduit ainsi une question se rencontre lors de l’apparition des Quatre Fils de la Haggadah. Il est donc vraisemblable d’affirmer que c’est aussi la question que pose l’un d’entre eux. Lequel ?
Cette question n’est citée dans la Torah qu’après qu’ont été soulignées les lois de l’année chabbatique. Nous en déduisons donc que cette question doit être posée par le Fils Sage qui a étudié le sujet dans son ensemble mais qui reste avec une question.
Ces questions sont posées à deux reprises dans la Torah. «Quel est le sens…» et «Que mangerons-nous ?». Bien que ces questions ne semblent avoir aucun lien, un mot les unit. Le mot hébreu Mah, «que, quel».

Le sens de «que»
Le Peuple Juif a l’habitude de ce mot. Nous demandons toujours : «Quelle est la raison ?». Comme le Fils Sage, nous posons cette question sur tous les Commandements et à toutes les occasions, même lorsque nous sommes supposés comprendre. Nous réalisons, en dernier ressort, que notre compréhension ne saisit pas le processus de la pensée divine.
«Que» n’est pas seulement une question : c’est également une réponse. Parce que finalement, la question peut rester posée et rester sans réponse. Nous demandons à D.ieu Ses véritables raisons, Ses explications mais nous n’exigeons pas toutes Ses réponses. Nous sondons les secrets dans les limites de l’esprit humain mais le reste est humblement laissé à D.ieu.
Le mot «Mah» démontre une humilité profonde. Nous le demandons, non dans un état d’esprit d’agressivité mais dans l’acceptation. Nous le demandons non par arrogance mais par soumission. Nous le demandons non dans la confusion mais dans une foi sereine.
Nous savons que les mots «que mangerons-nous la septième année ?» ne sont pas tant une question que l’affirmation d’un fait. Nous ignorons ce que nous mangerons mais nous avons confiance que nous mangerons. (Il est intéressant de relever que la Haggadah utilise le même verbe «dire» que dans notre verset: «Le fils Sage que dit-il ?» et non «que demande-t-il»)
La Torah nous assure que D.ieu ne nous ignorera pas si nous abordons cette Mitsvah avec l’humilité prescrite par le mot «Mah». «Il donnera Sa bénédiction sur la sixième année et Il accordera une récolte suffisante pour toutes les trois années».
Le Coin de la Halacha
Comment se comporter durant la période des fiançailles ?

Construire un foyer juif basé sur l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot est une entreprise sérieuse qui demande détermination et persévérance. La période qui précède le mariage est souvent tendue car plus l’enjeu est important, plus le «Yetser Hara» (le mauvais penchant) est actif. Il convient donc de diminuer les occasions de conflit. Pour cela :
- la période des fiançailles sera aussi courte que possible
- les fiancés éviteront de se voir trop souvent : il est recommandé qu’ils ne se trouvent pas dans la même ville. Ils se verront au maximum une fois par semaine.
- ils ne voyageront pas dans le même avion.
- ils ne se parleront au téléphone qu’une fois par semaine.
- on ne les photographiera pas ensemble.
- ils seront particulièrement attentifs aux lois de «Yi’houd», (l’interdiction de se trouver seuls dans une même maison ou voiture).
- le fiancé n’offrira pas de bague à la fiancée mais plutôt des livres de prières et de Hala’ha (loi juive) et, si possible, en passant par un intermédiaire : ses parents par exemple.
- les fiancés ne diminueront en rien leurs habitudes d’étude et de temps consacré à la diffusion de la Torah : au contraire, ils ajouteront à leurs activités l’étude des lois de pureté familiale et prieront avec encore plus de ferveur.
- le fiancé ne rendra pas sa fiancée quitte du Kidouch ou de Havdala.
- durant la semaine qui précède le mariage, les fiancés ne communiqueront directement d’aucune manière : ni en se rencontrant, ni par téléphone, lettre, e-mail ou Internet.
- durant cette semaine, ils ne sortiront qu’accompagnés.
Le Rabbi appelait les jours avant le mariage «des jours propices» car ils apportent bénédictions et paix au sein du couple.

F. L. (d’après les lettres du Rabbi)

Rectificatif : un lecteur attentif – qui a tenu à garder l’anonymat – nous a fait remarquer une erreur qui s’est glissée dernièrement dans un coin de la Hala’ha. En effet, contrairement à ce qui avait été écrit, il est tout à fait permis de réciter la bénédiction «Chéhé’héyanou» durant les Chabbat de la période de l’Omer.
Nous remercions nos lecteurs de leur vigilance et de la pertinence de leurs remarques.

F. L.
De Recit de la Semaine
On peut se fier à Rabbi Chimone

Myriam C. désirait s’inscrire au séminaire de jeunes filles de Kfar ‘Habad. Pour cela, elle devait d’abord passer le baccalauréat: ainsi elle pourrait alors se perfectionner et suivre les cours qui lui permettraient d’obtenir un diplôme. Elle savait que le Rabbi désirait que toute jeune fille ‘hassidique s’occupe de la façon la plus professionnelle possible de l’éducation juive des enfants.
Pour elle, le plus difficile était l’épreuve de mathématiques qui devait se dérouler quelques jours après Lag Baomer. Immédiatement après Pessa’h, elle se prépara sérieusement : il ne lui restait que très peu de temps pour apprendre des tables d’algèbre, des théorèmes de géométrie, la trigonométrie et bien d’autres cours plus ardus les uns que les autres.
Quelques jours avant Lag Baomer, on lui demanda de participer aux préparatifs de la parade. Elle hésita car cela signifiait qu’elle devrait y consacrer beaucoup de temps et d’énergie. Du temps ! Ce dont elle avait justement tant besoin en ce moment ! Tant de tables et de formules à apprendre !
Le problème, c’est qu’elle savait que les deux options étaient très importantes aux yeux du Rabbi : aussi bien son examen d’entrée que la parade de Lag Baomer.
Après avoir bien réfléchi, elle décida de se consacrer aux préparatifs de Lag Baomer. Pour elle, il n’était pas possible que sa participation à la parade – à laquelle le Rabbi attachait tant d’importance – lui cause un quelconque dommage personnel.
Effectivement, elle consacra toutes ses forces, toute son énergie et surtout tout son temps à la préparation de cette journée : des milliers d’enfants défilèrent fièrement dans les rues de Peta’h Tikva, sous les yeux émerveillés de leurs parents et des passants, peu habitués à ce genre de manifestation paisible. Là, nulle demande d’argent, nulle revendication politique : les banderoles que les enfants agitaient sous un soleil radieux affirmaient leur fierté d’être juif, leur foi tranquille en la venue du Machia’h et des slogans appelant à une pratique plus suivie du judaïsme.
Parmi les passants se trouvait justement un vieux monsieur qui avait vécu beaucoup d’événements douloureux dans sa vie. Il regardait avec stupéfaction les enfants qui marchaient deux par deux, en chantant joyeusement. Encore une classe, encore un jardin d’enfants… L’homme avait du mal à cacher son émotion et finit par éclater en sanglots. Inquiet, un des moniteurs s’approcha et lui demanda s’il avait besoin d’aide. L’homme le remercia et expliqua en s’essuyant le visage : «J’ai déjà vu des enfants juifs marcher deux par deux. C’était il y a cinquante ans. Sans le savoir, ils se dirigeaient alors vers les chambres à gaz ! Des centaines, des milliers d’enfants ! Je les ai vu marcher, effrayés en haillons et la tête baissée…
Mais aujourd’hui, j’ai le privilège de me trouver en Terre Sainte et d’embrasser du regard des milliers d’enfants juifs marchant fièrement tout en chantant à tue-tête des versets de la Torah!». Après la parade et les discours, les enfants purent jouer dans un grand parc où il fallait, bien entendu, les surveiller. Inutile de dire que Myriam passa une belle journée mais s’écroula de fatigue une fois rentrée chez elle.
Le lendemain, elle écrivit au Rabbi pour raconter sa participation à une des fêtes les plus réussies de Lag Baomer. Puis elle demanda une bénédiction pour la réussite à ses examens : pour elle, le Rabbi était comme un père auquel on peut confier tous ses problèmes. Mais dans sa lettre elle n’établissait aucun lien entre les deux événements et elle ne racontait pas ses hésitations quant à l’emploi de son temps si précieux.
Quelques jours plus tard, elle reçut un coup de téléphone urgent de son grand-père, le regretté Rav Yehouda S. qui lui demandait de venir immédiatement car il avait reçu pour elle un télégramme du Rabbi ! Celui-ci ne comportait que quelques mots : «On peut s’appuyer sur le mérite de Rabbi Chimone !»
Si peu de mots mais que d’émotion pour Myriam ! Pour elle, cela signifiait d’abord une bénédiction pour son examen ; mais c’était aussi comme l’approbation du Rabbi : il savait certainement combien elle avait hésité mais il approuvait son choix…
Le télégramme du Rabbi fit disparaître tous ses doutes et lui insuffla une énergie renouvelée pour perfectionner ses connaissances. Le matin de l’examen, elle reconnut, néanmoins qu’elle était loin de maîtriser les mathématiques. Inutile de paniquer, se dit-elle, la bénédiction est là, il suffit de faire un effort pour la mériter : en d’autres mots, comme le préconise la ‘Hassidout, il faut créer le réceptacle. Avant de partir, elle ouvrit son livre de mathématiques, choisit une page au hasard et l’apprit par cœur. L’examen se déroula sans problème. Quant aux mathématiques, il n’y avait qu’une seule question. Vous l’avez deviné: c’était justement sur le sujet qu’elle avait appris par cœur le matin même !
Oh oui ! On peut s’appuyer sur le mérite de Rabbi Chimone !

M. Zigelbaum - Sipouro Chel ‘Hag
traduit par Feiga Lubecki
Le nom des personnages a été modifié
par la Rédaction