Semaine 20

Editorial
Il y a 40 ans…

Il y a 40 ans, le soleil brillait en une fin du mois de mai ensoleillée. Tout, alors, semblait pousser à l’insouciance… sauf dans une région particulière du monde. Là-bas, aux frontières d’Israël, les immenses armées, suréquipées par leurs alliés soviétiques, se préparaient au combat. Les ondes retentissaient des appels au massacre des Juifs que lançaient leurs dirigeants. La presse annonçait la victoire inévitable et prochaine des fiers soldats qui défilaient dans les capitales arabes aux cris multipliés de «Mort aux Juifs!». Le monde attendait, préférant sans doute penser au joli mois de mai qu’à la menace qui planait sur le petit état d’Israël. Dans tous les pays, les commentateurs militaires, promus favoris des médias, expliquaient que, face aux puissances coalisées et décidées à en finir, l’armée israélienne, malgré toutes ses qualités, n’avait aucune chance. Et tous d’annoncer l’inéluctable drame dont le mécanisme s’était déjà mis en marche… sans que personne se décide à intervenir sauf pour donner à Israël des conseils de modération et de retenue. En Israël même, l’heure était aux exercices de défense passive et au rappel des unités. Chacun retenait son souffle : de quoi demain serait-il fait ?
Un homme se leva alors : le Rabbi de Loubavitch. Il affirma qu’au-delà de tous les préparatifs matériels nécessaires, il existait une chose indispensable à faire : que chacun mette les Téfiline. N’était-ce pas, apparemment, une idée surprenante ? L’heure était à la guerre et au danger, au décompte des forces en présence, si inégales, et voici que le Rabbi appelait à mettre les Téfiline partout dans le monde et particulièrement en Israël ? Le Rabbi cita l’enseignement des Sages : « ‘Tous les peuples de la terre verront que le Nom de D.ieu est appelé sur toi et ils te craindront’ – ce sont les Téfiline de la tête ». On vit alors les ‘hassidim, les disciples du Rabbi et ceux qui écoutaient sa voix s’engager dans l’entreprise : proposer de mettre les Téfiline à tous ceux qui, souvent ne sachant pas comment, ne l’auraient pas fait spontanément. Et on vit ces scènes bouleversantes de Juifs qui s’arrêtaient au coin des rues pour mettre les Téfiline, qui fondaient en sanglots, se souvenant tout à coup d’une identité longtemps enfouie.
Et on vit ce que l’histoire a enregistré : la défaite des puissants entre les mains des faibles et la libération de Jérusalem. On appela cela la guerre des six jours. Chacun sait aujourd’hui qu’un combat avait été engagé avant qu’elle commence et que les Téfiline furent son arme. Le combat n’a pas cessé, son arme est la même et la victoire est toujours à notre portée.
Etincelles de Machiah
Sur le mont des Oliviers

Le prophète Zacharie (14 : 4), parlant de la venue de Machia’h, déclare : «Et Ses pieds se tiendront en ce jour sur le mont des Oliviers». «L’huile», qui signifie généralement «huile d’olive», représente traditionnellement la sagesse. Cela fait référence au service de D.ieu fondé sur l’intellect et renforcé par le plaisir qui découle de la compréhension. Les «pieds», inversement, font allusion au service divin fondé sur la soumission à D.ieu. Ainsi le verset cité, «les pieds se tiendront… sur le mont des Oliviers», manifeste la supériorité du service de D.ieu fondé sur la soumission, le don de soi sur celui qui a la compréhension pour base. En effet, le premier est infini alors que le deuxième est limité à la portée de l’intellect humain, aussi grand soit-il. Au temps de Machia’h, l’infini montre sa grandeur.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. I, p. 103) H.N.
Vivre avec la Paracha
Bamidbar
Chavouot

Notre Paracha s’ouvre sur le commandement de D.ieu de faire un recensement des Juifs. En fait, à trois reprises, un tel compte fut entrepris durant les treize premiers mois suivant la sortie d’Egypte. Quelle est la signification spirituelle d’une telle démarche répétitive et en quoi ces trois recensements se différenciaient-ils l’un de l’autre ? Enfin quel en est le lien avec Chavouot qui tombe à proximité de la lecture de cette Paracha ?

La Sidra de Bamidbar a une relation très particulière avec la fête de Chavouot. En général, chaque Sidra a un lien avec la période au cours de laquelle la lecture en est faite et Bamidbar est généralement lue le Chabbat qui précède Chavouot. L’on se réfère également à Chavouot comme au mariage d’Israël à D.ieu. Et le Chabbat qui précède le mariage, le fiancé est appelé à la Torah en guise de préparation. Ainsi, si l’on peut s’exprimer ainsi, Bamidbar est une préparation pour cette union particulière entre D.ieu et Son peuple qui eut lieu lorsqu’il reçut la Torah.
Nous trouvons ce lien dès les premiers mots qui ouvrent la Paracha où D.ieu commande : «Compte le nombre de toute l’assemblée des enfants d’Israël». Il nous faut donc comprendre la véritable nature de ce recensement.
Rachi commente ainsi ce commandement : «parce qu’ils (les enfants d’Israël) lui sont chers, Il les compte tout le temps : quand ils sortirent d’Egypte, il les compta ; quand ils péchèrent à cause du Veau d’or, Il les compta ; quand Il fut sur le point de faire descendre Sa présence parmi eux (dans le Tabernacle) Il les compta. Car le premier Nissan, le Tabernacle fut érigé et le premier Iyar, Il les compta».
A première vue, ce commentaire pose problème. Quand on possède des objets qui nous sont précieux, on les sort souvent pour les compter, comme pour se les réapproprier. Mais D.ieu connaît le nombre des Enfants d’Israël sans avoir à en faire le recensement. Pourquoi donc l’ordonne-t-Il ?
De plus, pourquoi y eut-il un délai d’un mois entre le troisième recensement et l’événement qui l’avait suscité (l’érection du Tabernacle) ?
Enfin, quelle différence y a-t-il entre ces trois recensements ? La Torah ne nous dit pas qui entreprit le premier. Le second le fut par Moché. Mais le troisième fut ordonné à la fois à Moché et Aharon. Pourquoi ce dernier ne fut-il impliqué qu’ici ?
Essayons de comprendre ce que signifie un recensement. Quand des éléments sont comptés, ils se trouvent dans un rapport d’égalité. Le plus grand des hommes et le plus petit comptent chacun pour un, ni plus, ni moins. Et puisque, comme nous le dit Rachi, le recensement constituait une preuve de l’amour de D.ieu, il devait être un geste dans lequel chaque Juif est égal, non par son intellect ou sa stature morale mais par son essence : son âme juive. Mais c’est quelque chose que nous ne pouvons voir de l’extérieur. Ainsi le but du recensement était-il de mettre à jour, de faire jaillir l’essence de chaque Juif.
Nous pouvons, dès lors, résoudre l’une des difficultés posées par le commentaire de Rachi : il écrit que D.ieu compte Son peuple tout le temps ; et pourtant, il souligne lui-même qu’ils ne furent comptés qu’à trois reprises : la première année, (dont une un mois après avoir quitté l’Egypte) et par la suite seulement une fois encore (trente-huit ans plus tard) durant leur errance dans le désert. Par la suite, cela n’eut lieu qu’à intervalles irréguliers et peu fréquents (selon le Midrach, neuf fois jusqu’à aujourd’hui, la dixième devant subvenir avec la venue de Machia’h). On pourrait interpréter les mots de Rachi comme voulant dire «dans des moments particuliers» et pourtant il utilise précisément : «tout le temps», implication à laquelle on ne peut échapper. Mais en fait, nous pouvons à présent comprendre : si le but de compter est de révéler l’essence de chaque âme juive, cette révélation a une profondeur qui la place au-dessus de l’érosion due au temps, en fait, elle est opérationnelle «tout le temps».
Quand, à des moments de persécutions religieuses, le Juif est forcé à l’idolâtrie (et similairement dans le cas de chaque transgression, l’on peut dire qu’elle résulte de la persécution du penchant négatif), une ligne de pensée se trouve ouverte à lui. Il pourrait se dire : «puisque la Techouvah efface tous les péchés, que mon éloignement du Judaïsme n’est que temporaire et que la voie du retour me sera toujours ouverte, pourquoi me soucier de cette transgression unique ?»
Et pourtant, nous voyons, à toutes les époques et parmi toutes sortes d’hommes, que des Juifs ont voulu sacrifié leur vie plutôt que leur foi, même pendant un instant, sans s’arrêter pour réfléchir. Pourquoi ? Parce que le lien entre D.ieu et l’âme juive est au-delà du temps.
C’est là le sens de : «Il les compte tout le temps» ; l’amour qui s’exprime dans le fait de compter est plus profond que les vicissitudes du temps et des calculs. Il révèle qu’au plus profond de lui, le Juif est prêt à son propre sacrifice. Et c’est là la conséquence de l’héritage qui définit le Juif de «tout le temps».
Nous pouvons désormais comprendre la différence entre les trois recensements mentionnés par Rachi. Le processus de la Révélation se fit par différentes étapes. D’abord, l’âme juive fut réveillée par l’amour de D.ieu. Ensuite, elle commença à marquer de son influence la vie extérieure des Juifs et finalement elle imprégna toutes leurs actions.
Le premier recensement eut lieu lors du départ des Juifs d’Egypte et éveilla leur sens de sacrifice de soi au point qu’ils suivirent D.ieu dans un désert inconnu et aride. Mais leurs émotions restaient insensibilisées.
Le second se produisit avant l’érection du Tabernacle. Il toucha plus profondément l’intellect et les émotions des Juifs parce qu’ils se préparaient à faire descendre la Che’hina (la Présence Divine), en leur sein. Mais l’élan venait toujours de l’extérieur : c’était le commandement de D.ieu qui les avait mis au travail et non une aspiration intérieure.
Mais avec le troisième recensement, le service du Tabernacle à proprement dit, eux-mêmes, par leurs propres actions, apportèrent D.ieu parmi eux. Toutes leurs actions furent alors le témoignage de l’union de l’âme juive avec D.ieu.
Il est maintenant clair qu’il fallait ce délai d’un mois entre l’achèvement du Tabernacle (en Nissan) et le troisième recensement (en Iyar). Car Nissan est le mois de Pessa’h, le moment où nous recevons la Révélation d’En Haut : ce ne fut pas le mérite des Juifs qui leur valut l’Exode d’Egypte mais seules la miséricorde et la bonté divine. Mais Iyar est le mois du Omer, le mois de sacrifices particuliers et par le sacrifice nous occasionnons la «révélation qui vient d’en bas», celle qui répond à nos mérites et pas seulement à la Grâce Divine.
Une explication parallèle nous permet de comprendre la raison de l’implication d’Aharon exclusivement dans ce recensement. Car Moché était le porte-parole de la Révélation Divine, un lien du haut vers le bas. Mais Aharon, le Prêtre, était celui qui éleva le peuple d’Israël du bas vers le haut.
Et lors de ce troisième recensement, Israël atteignit enfin l’état où ses propres actions furent pénétrées de la conscience de l’âme.
Ainsi, le lien entre Bamidbar et Chavouot est clair. Quand la Torah fut donnée, Israël et les Juifs furent unis de telle sorte que D.ieu envoya Sa révélation d’En Haut et les enfants d’Israël eux-mêmes s’élevèrent.
Et nous lisons, en préparation à notre annuelle «re-création» de cet événement, la Sidra qui évoque le troisième recensement où les deux modes de révélations sont liés. Ainsi, en prenant à cœur le sens du recensement comme geste de l’amour de D.ieu pour Israël, nous pouvons restituer cette union qui eut lieu à Sinaï lorsque D.ieu prit Son peuple comme épouse de telle sorte que, par la Torah, Israël se trouva unie à D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Que fait-on à Chavouot ?

La veille de Chavouot tombe cette année le mardi soir 22 mai 2007. Il conviendra de préparer un nombre suffisant de bougies et de bougeoirs pour les deux jours de fête. Mardi soir 22 mai (à Paris avant 21 h 16), les femmes allumeront les 2 bougies de la fête (les jeunes filles et les petites filles n'allumeront qu'une bougie), avec les bénédictions : 1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chèl Yom Tov» («Béni sois Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du jour de fête» et 2) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vekiyemanou Véhigianou Lizmane Hazé») - («Béni sois Tu Eternel, Roi du Monde, qui nous as fait vivre exister et qui nous as fait parvenir à ce moment»).
Mercredi soir 23 mai, elles allumeront les bougies de la fête (à Paris après 21h 28), à partir d'une flamme allumée avant mardi soir (par exemple la veilleuse d'un chauffe-eau ou d'une cuisinière, ou une bougie spéciale de vingt-quatre heures) avec les mêmes bénédictions.
La fête se termine jeudi soir 24 mai après 22h 39 (heure de Paris).
Il est de coutume d'étudier toute la première nuit de Chavouot (cette année de mardi à mercredi).
Tous, hommes, femmes et enfants, même les nourrissons, se rendront à la synagogue mercredi matin 23 mai pour écouter la lecture des Dix Commandements. On marque ainsi l'unité du peuple juif autour de la Torah, et on renouvelle l'engagement d'observer ses préceptes.
On a l'habitude de prendre un repas lacté avant le vrai repas de viande mercredi midi.
Jeudi 24 mai, on récite à la synagogue, pendant l'office du matin, la prière de Yizkor pour le souvenir des disparus : on donnera, avant ou après la fête, de l'argent à la Tsedaka pour leur mérite.
De Recit de la Semaine
Derrière les combattants

Reb Mendel de Vilna était un Juif simple ; on ne racontait aucune légende autour de sa personnalité ; non, il n’avait accompli aucun miracle mais tous savaient que lorsqu’on mentionnait devant lui le nom de la ville sainte, il sautait de sa chaise comme saisi par un enthousiasme débordant : «Jérusalem !»
«Un jour viendra, disait-il souvent, je quitterai tout pour me rendre à Jérusalem !»
Quand on lui rendait visite le Chabbat après-midi, on le voyait enseigner l’hébreu à des jeunes gens de la ville mais surtout raconter des histoires sur Jérusalem. Et il ne s’arrêtait pas, il en connaissait tellement ! La ville du roi David et de son fils Chlomo (Salomon), la ville des rois et des félons, la ville qui résista désespérément devant des rois surarmés et décidés à la conquérir quel qu’en soit le prix… La ville qui avait abrité tant de personnalités juives à travers les siècles : Rabbi Yehouda Halevi, le Ramban, Rabbi Yehouda Ha’hassid… Les histoires se succédaient, les disciples l’écoutaient attentivement et Reb Mendel levait les mains au ciel, éclatait avec un chant ‘hassidique joyeux sur les paroles célèbres : «L’an prochain à Jérusalem !»
1944. Dans le camp de Treblinka, l’ange de la mort régnait en maître absolu. Là il n’y avait ni Chabbat ni fête.
Roch Hachana. Près des fils de fer barbelés et électrifiés, Reb Mendel se tenait avec deux de ses anciens élèves. Its’hak remarqua : «Qu’allons-nous demander à D.ieu ?» Et Reb Mendel de répondre, comme à son habitude : «L’an prochain à Jérusalem !». Il leur raconta alors comment les Juifs d’Espagne, pourchassés par l’Inquisition, comment les Juifs de Pologne, persécutés par les hordes de Cosaques de Bogdan Chmielnitzki, comment les Juifs asservis par les Tsars de Russie et tant d’autres n’avaient eu comme seul réconfort que le mot Jérusalem qui éclairait leur esprit et leur foi. Il tentait de parler encore et encore mais sa voix devenait inaudible : la faim, le froid et la maladie l’avaient affaibli physiquement mais son esprit continuait de rayonner de courage et d’espoir. Les deux jeunes gens à ses côtés se sentaient inspirés par ses récits et sa foi inébranlable. Soudain, comme s’ils s’étaient concertés, tous trois se levèrent et se mirent à danser : trois corps martyrisés esquissaient une danse ‘hassidique, une danse comme il n’y en avait jamais eu à Treblinka. Les yeux clos, ils parvenaient à bouger les pieds avec leurs dernières forces ; la bouche sèche, ils murmuraient plutôt qu’ils ne chantaient : «L’an prochain à Jérusalem !»
De ces trois-là, seul Its’hak survécut. Après la libération du camp, il put se rétablir et monta en Erets Israël. Il s’installa dans le quartier de Beth Hakerem à Jérusalem. Il se maria et tenta d’oublier les épreuves du passé. Mais les jours de fête, le soir, il s’isolait et montait sur le mont Sion : de là, il regardait avec nostalgie la vieille ville de Jérusalem où il n’avait jamais pu pénétrer, la vieille ville dont il avait rêvé en toutes circonstances. Elle était là, il la voyait mais aucun Juif ne pouvait s’y rendre et épancher son cœur auprès du Mur Occidental. Là il se réunissait en pensée avec Reb Mendel et se rappelait toutes ses merveilleuses histoires.
La nuit du 28 Iyar 1967. La Guerre qui allait être connue comme la Guerre des Six Jours venait de commencer. Un régiment de parachutistes se préparait, justement dans le quartier de Beth Hakerem. Dans quelques heures, ces soldats devraient défendre Jérusalem. Pour le moment, certains étaient assoupis ; certains écrivaient des lettres. Des mamans juives leur avaient préparé du café et des gâteaux pour les réconforter.
Un vieil homme s’approcha d’un parachutiste. «Je t’en prie, dit-il, viens avec moi dans l’abri !». Là ils firent connaissance : «Je m’appelle Its’hak, dit-il en le regardant droit dans les yeux. Dans quelques heures, tu vas libérer la ville de Jérusalem. Je vais te raconter une histoire». Et Its’hak, le rescapé de Treblinka, lui raconta sa vie, ou plutôt celle de Reb Mendel de Vilna. Quand il eut terminé, le parachutiste avait compris le sens du combat qu’il s’apprêtait à livrer pour protéger son peuple. Dans ses oreilles résonnaient les dernières paroles de Its’hak : «Mon fils ! Ton mérite est immense ! Quand tu iras libérer la ville sainte, tu ne partiras pas tout seul au combat. Des milliers de Justes, de Juifs qui ont été forcés de donner leur vie et qui ont prononcé le nom de Jérusalem avant de mourir t’accompagneront tout au long du chemin. Que D.ieu te garde et te protège, mon fils !»
Il était deux heures et demi ce matin-là. La troupe pénétra dans la vieille ville de Jérusalem. Les soldats avançaient avec difficulté ; le parachutiste atterrit par surprise, se cacha d’abord derrière des rochers puis s’élança. Dans sa tête, les mots du rescapé de Treblinka se bousculaient et la silhouette de Reb Mendel planait presque devant ses yeux. Il apparaissait devant lui comme pour le protéger des explosions, il se tenait derrière lui et l’encourageait : «En avant !» Reb Mendel le protégeait de ses mains et ne laissait pas les balles l’atteindre. Soudain des milliers de Mendel lui apparaissaient, enveloppés dans leurs Taletim (châles de prière) comme s’ils venaient directement de Sibérie et de Boukara, du Yémen et du Maroc, de Pologne et d’Allemagne, d’Auschwitz et de Maidanek, du dix-neuvième siècle et de l’époque du second Temple : tous se rassemblaient et partaient avec lui à la reconquête de la ville sainte.
La voix étranglée par l’émotion, les yeux embués de larmes à la vue du Mur Occidental libéré, le parachutiste murmura : «C’est par ton mérite, Reb Mendel ! Par le mérite de tes récits je suis ici aujourd’hui ! Par le mérite de Jérusalem, la ville que tu as tant désiré connaître, toi et tous les Juifs de toutes les générations passées qui ont rêvé de Jérusalem ! Merci Reb Mendel de m’avoir protégé et de m’avoir insufflé ta foi !»

Sichat Hachavoua – d’après «Chaar Haarayot»
Traduit par Feiga Lubecki