Pour l’anniversaire du monde
La coutume, répandue parmi tous les hommes, veut que l’on célèbre les anniversaires. Il en est sans doute de plus importants que d’autres et, pour cette raison, ils ne sont pas tous fêtés avec le même faste, comme s’il y avait une attention différente apportée à l’un ou à l’autre. C’est justement cette semaine que le monde est né, le 25 du mois d’Elloul. Un calcul simple nous en fait prendre conscience. Roch Hachana tombe le jour où D.ieu créa l’homme, le 1er Tichri. C’était le sixième de la création. Six jours avant, cela fait précisément le 25 Elloul, ce Chabbat. Il est clair que vivre un tel anniversaire concerne chacun en tant qu’habitant du monde et gardien de sa pérennité. C’est certainement un jour remarquable, et pourtant peu remarqué. Aucune cérémonie n’est prescrite à cette occasion et tout semble s’effacer devant la perspective toujours grandissante du rendez-vous de Roch Hachana.
C’est justement ce désintérêt apparent qui attire ici le regard. Certes, Roch Hachana – et le grand retour à D.ieu auquel il appelle – emplit notre conscience. Pourtant, penser au monde ne paraît-il pas naturel ? Celui-ci n’est-il pas notre indispensable demeure ? Certaines questions portent leur réponse en elles-mêmes. Le monde fut créé dans un but : en faire la résidence Divine. Pour cela, il fut confié à l’homme afin que ce dernier, dans les termes du verset, « le travaille et le garde ». C’est dire qu’il est, en quelque sorte, le couronnement de toute l’œuvre de la création. S’il y apparaît en dernier, c’est parce que ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il peut y entreprendre sa tâche. D’une certaine façon, la création du monde fait partie de lui-même, car c’est lui qui lui donne sens. Et sa responsabilité est immense. Lorsqu’il regarde autour de lui, il prend conscience que l’harmonie des choses ne dépend que de lui, que l’équilibre général est littéralement entre ses mains. Il comprend qu’il détient toutes les clés, confiées par le Créateur pour qu’il en fasse le meilleur usage.
Ce n’est pas que d’une vision collective qu’il s’agit ici même si elle nous est commune. Car cette responsabilité ne peut pas être diluée dans le plus grand nombre. Elle appartient, individuellement et à égalité, à chacun. L’idée est certes bien ambitieuse. Voici qu’à l’occasion de l’anniversaire du monde, il nous faut redécouvrir que nous en sommes les gardiens. En un temps où l’on entend de-ci de-là s’exprimer les inquiétudes et les interrogations sur l’avenir, voici un jour qui rappelle des choses essentielles : c’est de l’homme que tout dépend, c’est à lui qu’il appartient d’agir. Et il dispose de la force et de la volonté de le faire. N’est-ce pas aussi là toute l’histoire du peuple juif ?
Chaque prière est un progrès
Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.
Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.
(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17) H.N.
Nitsavim Vayélekh
«Vous vous tenez, en ce jour, tous, devant l’Eternel votre D.ieu : vos chefs de tribus, vos anciens et vos officiers et tous les hommes d’Israël ; vos plus jeunes, vos épouses et l’étranger qui est dans votre camp, depuis votre porteur de bois jusqu’à votre puiseur d’eau» (Devarim 29 : 9-10)
«Nos Sages ont dit : ‘Tout Israël est garant l’un de l’autre’ (Talmud Chavouot 39a). Mais une personne ne peut servir de garant à une autre que si elle possède, dans un certain domaine, plus de ressources que celle qu’elle garantit. Par exemple, un pauvre ne pourrait, de toute évidence, être accepté comme garant pour le prêt que contracterait un riche. Ainsi, si le Talmud énonce que tous les Juifs sont mutuellement des garants, cela signifie que dans chaque Juif existe une qualité où il surpasse tous les autres. »
(Extrait d’un commentaire du Rabbi)
Nitsavim
Choisissez la vie
«Je fais appel, en ce jour, au ciel et à la terre pour qu’ils soient témoins. J’ai placé devant vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Et vous choisirez la vie pour que vous et vos enfants viviez. » (Devarim 30 : 19)
Avons-nous vraiment besoin que la Torah nous enjoigne de choisir la vie ? Quelle personne sensée choisirait-elle la mort ?
Une des réponses possibles à cette question est qu’il nous faut prendre une décision consciente de vivre et pas seulement de végéter. Choisir la vie signifie choisir une vie qui a un sens, une vie engagée dans des valeurs supérieures. Ai-je fait la différence en ayant vécu si longtemps sur la planète Terre ? Quelqu’un verra-t-il une différence quand je m’en irai ? Ma vie est-elle productive, valable ?
Il est relaté que le premier Rabbi de Loubavitch, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, voulut bénir Rabbi Yekoutiel Liepler avec la richesse. Ce dernier déclina l’offre arguant qu’il craignait que cela ne le distraie de quêtes plus spirituelles. Quand le Rabbi lui proposa alors de le bénir de longévité, il répondit que cela ne devrait pas être «des années paysannes, avec des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui n’entendent pas, où l’on ne peut ni voir ni sentir la Divinité».
Rabbi Yekoutiel faisait le difficile, semble-t-il ! Le Rabbi lui offrait une bénédiction exceptionnelle et il posait des conditions ! Mais en fait, il avait choisi la vie et il avait choisi de vivre une vie qui aurait un but, qui serait productive et ferait réellement une différence tangible. Il n’était pas intéressé par une longue vie si, dans son essence, elle était une vie vide.
Au moment où nous nous tenons à l’approche de Roch Hachana, prenons la résolution de choisir la vie. Vivons une vie attachée aux valeurs et aux actions prônées par la Torah. Et soyons bénis d’une bonne et douce année.
Vayélè’h
Une vie précise
«Et Moché alla et dit les paroles suivantes devant tout Israël. Et il leur dit : ‘J’ai cent et vingt ans aujourd’hui…’ » (Devarim 31 : 1-2)
«Aujourd’hui mes jours et mes années ont été accomplis ; en ce jour je suis né et en ce jour je vais mourir… Cela vient nous enseigner que D.ieu accomplit les jours des Justes jusqu’au jour et au mois, comme il est écrit (Chemot 23 : 26) : ‘j’accomplirai le nombre de tes jours’. » (Rachi, ibid ; Talmud Roch Hachana 11a)
Une année constitue davantage qu’une quantité de temps; c’est un cycle, une suite de transitions qui ne suit son cours que pour se répéter encore et encore. Au niveau physique, une année marque l’accomplissement d’un cycle solaire et la répétition d’une séquence de saisons et des cycles vitaux qu’elles engendrent. Au niveau spirituel, chaque année apporte la répétition de diverses influences spirituelles révélées par les Fêtes (la liberté à Pessa’h, la joie à Souccot, etc.), selon leur position sur le calendrier hébraïque.
C’est la raison pour laquelle le mot hébreu pour «année» - Chana, signifie à la fois «changement» et «répétition». Car l’année incorpore toute une série de transformations qui constituent l’expérience humaine. Mais parallèlement, chaque année de notre vie ne fait que répéter ce cycle, parvenant ainsi à une année de maturité et d’accomplissements. En d’autres termes, nous pouvons dire que nous vivons tous un an et puis revivons notre vie autant de fois qu’il nous l’est permis, chaque fois à un niveau plus élevé, comme une spirale qui répète le même itinéraire à chaque circonvolution, mais de plus en plus haut.
C’est là que réside le sens d’une vie «accomplie» dans la mesure où elle consiste en des années de calendrier complétées. Moché était né le 7 Adar, jour où il quitta également ce monde.
Et que fit Moché le jour de son cent-vingtième anniversaire ? Il «alla» ! Il avança, il grandit, il inspira, il enseigna. Il bénit. Il accomplit.
Il y a 86 400 secondes dans un jour. Cela veut dire 86 400 occasions d’accomplir la volonté de D.ieu, dans l’esprit, dans la parole et dans l’action.
Moché, qui connaissait le sens de la vie et qui en appréciait chaque seconde, remplit son dernier jour autant que possible. Il avait encore un jour pour grandir et il en tira profit au mieux.
Qu’est-ce que les Seli’hot ?
Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte et l’humilité requises.
Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 24 septembre 2011 vers 1 heure 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 26 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les «bénédictions du matin» ainsi que les bénédictions de la Torah.
On ne commence les Seli’hot qu’en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les «Treize Attributs de Miséricorde» et le «Vidouy» (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les «Treize Attributs» ni les prières en araméen.
L’officiant s’enveloppe d’un Talit (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (mercredi 28 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.
Qu’est-ce que Erouv Tavchiline ?
On n’a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu’un jour de fête tombe le vendredi, on prépare, avant la fête, un aliment cuit au four et un aliment cuit à l’eau, pour montrer qu’on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.
Cette année, mercredi 28 septembre 2011 (ainsi que mercredi 12 octobre et mercredi 19 octobre), on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une Matsa ou un pain ainsi qu’un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction : Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Al Mitsvat Erouv. («Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv»). Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera pendant un des repas de Chabbat.
Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.
F. L.
Diplomatie discrète
J’ai été élu au Sénat américain en 1982. Quelques années plus tard, mon frère Marty Hecht et mon neveu, le Dr Haïm Hecht, m’emmenèrent à Brooklyn pour rencontrer le Rabbi lors d’un Farbrenguen (réunion ‘hassidique). Le Rabbi me dit, entre autres : «Votre mission prioritaire doit être de faire sortir des Juifs d’Union Soviétique!» Je mentionnai alors que ma mère – de mémoire bénie – avait émigré de Russie au début du siècle : sa famille avait ainsi échappé aux persécutions et aux massacres perpétrés par les Cosaques. «La clé de cette mission, continua le Rabbi, est la diplomatie discrète!» Il faut se rappeler qu’à l’époque, la guerre froide faisait encore rage entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis.
Trois ans plus tard, le Sénat américain devait se prononcer pour une élection importante. Le Président Ronald Reagan avait besoin de ma voix pour assurer sa majorité. J’avais toujours été un de ses plus ardents partisans car je trouvais qu’il était le meilleur ami qu’Israël avait jamais eu à la Maison Blanche.
Je rencontrai personnellement le Président et l’assurai de mon soutien. Puis j’ajoutai que j’avais une requête personnelle à formuler : je rappelai au Président que ma mère avait émigré de Russie et que c’était uniquement grâce à cet acte que j’étais né aux Etats-Unis et que je le représentais au Sénat américain. J’insistai pour qu’il évoque la liberté de quitter le pays pour les Juifs soviétiques lors de la prochaine conférence au sommet : «Par ailleurs, ajoutai-je, ceux qui seront autorisés à quitter l’Union Soviétique ne devront pas être seulement des personnes âgées ou malades mais aussi des enfants, des adolescents, des médecins et des savants. Chacun d’entre eux devrait pouvoir jouir du droit élémentaire à la liberté de mouvement!»
Le Président Reagan m’écouta attentivement et accepta ma suggestion.
De fait, je fus la dernière personne à qui il avait accordé un rendez-vous avant le départ pour Reykjavik, en Islande, pour la conférence qui eut lieu au début d’octobre 1986. Lors de cette réunion, je présentai au Président une liste de 1200 noms de Juifs soviétiques qui avaient demandé à quitter la Russie. Je fis remarquer qu’en fait, il faudrait y ajouter des millions d’autres noms, mais que cela représentait déjà un bon début. A cette occasion, j’agis avec «diplomatie discrète» puisque seul le Président, son aide de camp et moi-même nous trouvions dans le bureau ovale.
Il tint parole et tendit discrètement la liste au Président Mikhaïl Gorbatchev lors de la conférence de Reykjavik. Il expliqua que cela lui tenait à cœur. En quelques semaines, plusieurs familles juives furent autorisées à quitter la Russie. Bien vite, leur nombre fut multiplié par deux, trois, dix… et ce furent des centaines de milliers de Juifs qui purent quitter enfin le «paradis soviétique».
Après la fin de son mandat, le Président Reagan et son épouse me rendirent visite aux Bahamas où j’avais été nommé ambassadeur du Commonwealth. Ils m’invitèrent avec mon épouse à une petite réception qu’ils réservaient à quelques amis. J’en profitai pour remercier le Président en insistant sur le formidable service qu’il avait rendu au peuple juif en plaidant la cause de ces Juifs soviétiques ; je lui demandai alors pourquoi il n’avait jamais évoqué cet épisode en public. Madame Reagan expliqua que M. Gorbatchev les avait avertis qu’autour de lui, de nombreux apparatchiks n’étaient pas d’accord que les Juifs quittent le pays. Si le sujet avait été rendu public, cet exode aurait immédiatement été stoppé. Le Président Reagan avait utilisé la «diplomatie discrète» avec M. Gorbatchev.
L’histoire ne s’arrête pas là. Mon frère Marty eut un jour des problèmes au pied. En Californie, on l’adressa à un médecin qui l’envoya chez un spécialiste. Celui-ci l’examina puis lui demanda : «Vous vous appelez Hecht. Etes-vous en famille avec le sénateur Hecht?»
- Oui, c’est mon frère !
Le médecin était très ému et expliqua que j’avais sauvé la vie de sa famille et de ses beaux-parents. Leurs noms avaient figuré sur la liste. On leur avait juste demandé de se trouver à l’aéroport à une certaine heure. Ils n’avaient aucune idée de ce qui les attendait. Ils étaient montés dans un avion et avaient atterri à Vienne. Avec le peu d’argent dont ils disposaient, ils avaient envoyé un télégramme de remerciement au Président Reagan. Par la suite, je rencontrai de nombreux autres Juifs qui s’étaient trouvés sur cette liste. Le conseil du Rabbi - faire appel à une «diplomatie discrète» - s’était prouvé fructueux : des centaines de milliers de Juifs avaient été sauvés et l’état d’Israël s’était renforcé avec l’arrivée de nombreux savants soviétiques.
Chic Hecht fut sénateur du Nevada de 1983 à 1989 puis ambassadeur aux Bahamas de 1989 à 1994. Il décéda en 2006 à l’âge de 77 ans.
Yaakov Chic Hecht
Chabad.org Magazine
traduit par Feiga Lubecki