Semaine 29

Editorial
Il faut construire…

Temps de commémoration, temps où l’on se souvient que des événements dramatiques se produisirent… Entre le 17 Tamouz et 9 Av, les jours s’écoulent comme autant d’étapes d’une chute annoncée : de la première brèche dans la muraille de Jérusalem à la destruction du Temple. Certes, voilà qui n’incite guère à la gaîté. Comment, après le début de notre trop long exil, peut-il y avoir encore une place pour le bonheur ? Et pourtant, la tristesse n’est jamais une solution. Elle n’est généralement qu’abandon. Parce qu’elle conduit au désespoir, même si elle est réelle, légitime et compréhensible, les Sages l’ont toujours rejetée avec la plus grande fermeté. Ordre n’est-il pas donné : «Servez D.ieu dans la joie» ? Les commentaires n’indiquent-ils pas que D.ieu «ne réside que sur l’homme joyeux» ? Mais où sont donc les sources du bonheur retrouvé ? En cette période où l’histoire même parle de destruction, comment faire vivre l’espoir ?
Le judaïsme nous livre parfois de ces intuitions fulgurantes : «Celui qui étudie la structure du Temple, Je le considérerai comme s’il l’avait construit». Ainsi le Talmud fait-il s’exprimer D.ieu. C’est dire qu’en cette période de toutes les destructions, il est possible de vivre la reconstruction. En cette période de début d’exil, chacun a le pouvoir immense de la plus vraie des libérations, celle qui passe par l’étude et par la pensée, formes premières de l’action. Bien sûr, il est loisible de s’interroger : l’étude peut-elle vraiment être cet instrument libérateur ? Est-elle autre chose qu’une démarche intellectuelle, évidemment précieuse mais limitée par sa propre nature ? C’est précisément le sens de l’affirmation talmudique citée. L’étude d’un texte ne vaut pas que par la recherche de connaissance qu’elle incarne. Elle est littéralement créatrice. Lorsque l’homme s’y consacre, qu’il y investit ses facultés intellectuelles, sa pensée fait aussi œuvre de création. Dès lors, il n’est plus un simple spectateur de cette architecture prodigieuse qui fut celle du Temple, il en est le bâtisseur.
Il est difficile de décrire le sentiment de plénitude qui pénètre alors celui qui, élevé par l’étude, en ressent tout l’apport, pour lui et pour le monde qui l’entoure. Sans doute est-ce quelque chose qu’il faut vivre… Aujourd’hui, les textes sont accessibles à tous, y compris, souvent, en traduction française. Traités talmudiques Midot ou Tamid, prophétie d’Ezechiel etc., à lire comme on vit : avec joie.
Etincelles de Machiah
L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 11) expose les lois relatives à Machia’h. Il y souligne notamment l’importance de l’attente de la venue de Machia’h et relève : «Celui qui ne croit pas en lui ou n’attend pas sa venue, renie non seulement les autres prophètes mais également la Torah et Moïse notre maître».

L’insistance sur Moïse est chargée de sens. En effet, sa prophétie présente une solidité particulière dans la mesure où elle fut confirmée par le fait qu’au mont Sinaï, où elle retentit, chacun fut le témoin direct de la révélation Divine. Comme Maïmonide le souligne : «Chacun vit et entendit». Ce fait confère à la prophétie de Moïse une «fiabilité qui dure éternellement» et donne à tous une confiance absolue dans l’avènement final de Machia’h.

(d’après Likoutei Si’hot, vol. XVIII, p. 281) H.N.
Vivre avec la Paracha
MATOT MASSE : Le bâton de l’éducation

Les noms des deux Parachiot que nous lisons cette semaine nous enseignent un principe fondamental pour une éducation réussie.
La lecture de la Torah consiste en deux sections : Matot, qui signifie «tribus» ou «bâtons» et Massé, «voyages».
La Torah se réfère aux tribus d’Israël soit comme chevatim, «branches» ou matot, «bâtons». Les deux termes expriment le concept que les douze tribus d’Israël sont toutes des branches ou des ramifications de la même racine. Cependant, il existe une différence, qui n’est pas si subtile, entre ces termes. Un chévèt est une branche souple, ployable. Dans notre cas, la Torah choisit le mot maté qui évoque un bâton ferme, inflexible.
La base d’une éducation réussie consiste à établir des principes fermes, inflexibles, comme des maté, grâce auxquels nous guidons nos enfants. Les enfants aspirent à la cohérence et à la stabilité dans leur vie. Ils discerneront intuitivement quels sont les valeurs que nous considérons comme essentielles et immuables et quelles sont celles qu’ils peuvent contester voire rejeter.
Cela est tout particulièrement vrai dans le monde précaire qui est le nôtre, celui où nos enfants cherchent en nous des codes de moralité qui ne cèdent pas à la pression extérieure ou à l’opinion publique. Si nous les instillons dans nos enfants, dès les premières étapes de leur développement, alors, quand ils seront confrontés à des choix inadéquats, ou quand on se moquera de ce qu’ils sont et de ce qu’ils croient être justes, ils seront capables de tirer de la force des valeurs absolues de leur éducation. Ils auront le courage et la ferme détermination des matot, des bâtons inflexibles.
Le roi Salomon enseigne dans les Proverbes : ‘hossé’h chivto, sonéh béno, ce qui signifie littéralement : «celui qui retient son bâton hait son fils». Le message de cette parole de sagesse, pour nos jours, est qu’un parent aimant, chaleureux, doit donner à son enfant des bastonnades virtuelles, c’est-à-dire des principes fermes et inflexibles pour le guider dans les chemins déconcertants de la vie.
Mais en même temps, dans certaines circonstances, il est nécessaire pour l’éducateur et pour permettre à l’enfant de grandir et de progresser, d’élargir les frontières et d’ignorer certaines nuances ou certains détails.
Les enfants ne sont pas des êtres stagnants : ce sont des individus vibrants, émotionnels, possédant leurs propres points de vue, leur intelligence en développement, des besoins et des désirs innés. Les règles se doivent d’être constructives, d’obtenir des résultats positifs, tout en guidant nos enfants pour qu’ils avancent dans le chemin de la vie. S’ils étouffent et qu’ils ont un comportement destructeur, cela en soi indique que quelque chose ne va pas dans ce qui est enseigné et appliqué.
La seconde partie de la lecture de la Torah est Massé, «les voyages» qui relate les voyages du Peuple Juif, dans le désert du Sinaï et à destination de la Terre Sainte.
Contrairement au bâton, un voyage est par définition quelque chose qui n’est pas fixe, qui n‘est pas rigide mais qui représente un mouvement fluide, une avancée vers un but.
A la lumière de ce qui précède, il semblerait donc que les deux principes de matot et massé soient contradictoires. Matot nous instruit d’établir de la cohérence et de l’immuabilité, comme le solide et imployable bâton, alors que massé nous encourage à aller de l’avant, à changer et transformer. Mais par le fait que ces deux sections soient combinées pour ne constituer qu’une seule lecture, la Torah nous dit que les deux peuvent et doivent être intégrées à notre propre approche de la vie et dans la manière d’éduquer nos enfants.
Dans notre rôle de parents, il est de notre devoir d’établir, d’abord et avant tout, des valeurs solides et sans compromis. La Torah nous guide avec des règles définies du bien et du mal, du permis et de l’interdit.
Mais en même temps, la Torah accorde un espace et de la flexibilité pour assouvir les besoins particuliers de notre enfant. Notre enfant n’est pas un être immobile mais il vibre d’émotions et veut relever des défis. Parfois, de petites exceptions, des détours ou une approche différente peuvent être explorés pour assurer une progression optimale, sans bien sûr déroger, dans quelque mesure que ce soit, à nos principes essentiels.
Il nous faut réfléchir prudemment et avec sensibilité à l’approche à adopter, à quel domaine de la vie de l’enfant l’appliquer. Mais plus que tout, il nous faut intégrer les deux perspectives dans l’expérience quotidienne que nous partageons avec l’enfant, pour rester fermes dans les domaines cruciaux et plus conciliants dans ceux qui sont périphériques.
Parce que nous ne devons jamais oublier que notre but est de permettre à notre enfant d’aller de l’avant.
Le Coin de la Halacha
Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année vendredi 20 juillet 2012), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.
On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).
On évite de passer en jugement.

Qu’est-ce qu’un Siyoum ?

Un «Siyoum» est une fête que l’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des «neuf jours» puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum sur certains sites Internet ou en écoutant chaque jour à la radio juive une personne qui achève l’étude du traité Midot ou Moëd Katane par exemple. Restez à l’écoute !

F. L.
De Recit de la Semaine
Des Téfilines dans le Sinaï ?

En 1972, je faisais partie d’un groupe international de jeunes gens accourus en Israël pour participer à la défense du pays et du peuple. La communication entre nous était rudimentaire : nous venions d’Afrique du sud, d’Angleterre, d’Australie, de Pologne, d’Argentine, des États-Unis, de France et de Russie. La plupart d’entre nous parlaient ou lisaient à peine l’hébreu.
On m’attribua la fonction de soldat du Na’hal – un mélange de pionnier et de fermier combattant. Notre base était située à mi-chemin entre la ville poussiéreuse d’El Arish (ses maisons en brique jaune, sa misère, ses moustiques…) et le célèbre Canal de Suez.
Nous évoluions dans le sable et les broussailles du désert, attentifs aux moindres signes de la présence de mines ou d’intrus de toutes sortes. J’aimais assumer la tâche de guetteur. Personne ne me dérangeait et j’adorais contempler les montagnes et les merveilles de la nature dont l’endroit regorgeait ; je me demandais, fasciné, laquelle de ces montagnes avait bien pu être le célèbre mont Sinaï dont j’avais tant entendu parler au Talmud Torah…
La plupart du temps, c’était le calme absolu. Notre plus grande fête fut le passage d’un avion Phantom rugissant à 30 mètres au dessus de nos têtes en direction du Canal.
Durant l’entraînement, j’obtins un petit Talit (châle de prières) ainsi qu’un livre de prières en hébreu avec traduction en anglais. Le Chabbat, je m’éloignais un peu du groupe pour prier tout seul. Ce que je voulais vraiment, c’était des Téfilines, les petites boîtes en cuir noir contenant les parchemins sacrés du Chema Israël. J’aurais voulu sentir le lien sur mon bras et le poids des Téfilines sur ma tête. J’aurais aimé avoir un rappel que D.ieu est au-dessus de moi. Mais à Na’hal Yam, il n’y avait pas de Téfilines.
De temps en temps, le caporal choisissait un soldat pour l’accompagner en patrouille. Ce soldat devait porter le matériel radio – relativement lourd à l’époque – attaché sur son dos ainsi que son propre fusil.
Un jour, ce fut mon tour.
Tout en avançant et en suant profusément, nous avons parlé. Puis nous avons effectué une pause au hasard des dunes, à des kilomètres de toute trace de civilisation. Mais juste à cet endroit se trouvait un tuyau tout à fait incongru : qui l’avait posé là ? D’où venait-il ? Pour moi, c’était juste l’endroit idéal pour se reposer. J’en profitai pour demander au caporal s’il pouvait contacter quelqu’un qui me procurerait des Téfilines. Il me regarda comme si j’étais tombé de la planète Mars (après tout, nous étions dans un paysage lunaire…). J’ignore pourquoi la mention même du mot Téfilines l’incommodait mais la minute suivante, il m’abreuvait de toutes sortes d’injures auxquelles ma faible connaissance de l’hébreu m’empêchait de répondre. Je décidai donc de ne pas écouter et de ne pas me fatiguer à tenter de comprendre. J’avais mieux à faire : j’explorai machinalement l’intérieur du tuyau et remarquai qu’il s’y trouvait quelque chose : un fascicule ! Curieux, je dégageai le sable qui le recouvrait et commençai à le lire puis, sans un mot, le tendis à mon caporal qui continuait à proférer toutes sortes d’injures que je ne prenais plus la peine d’essayer de traduire.
C’était intitulé… : «Le commandement, la signification et l’importance des Téfilines», publié par le mouvement ‘Habad en Israël !
Le caporal s’arrêta net. Son visage pâlit et il me rendit le fascicule. Nous sommes rentrés à la base sans échanger un mot. La coïncidence avait été trop forte pour qu’il puisse m’expliquer son «point de vue». Qui avait placé ce fascicule dans ce tuyau ? Pourquoi avais-je regardé à l’intérieur de ce tuyau ? Je ne le saurai sans doute jamais. Mais j’avais besoin d’un peu d’aide et D.ieu me l’envoyait sous la forme d’une brochure éditée par les Loubavitch.
Je n’ai pas pu me procurer des Téfilines pendant mon service dans l’armée israélienne mais j’ai conservé précieusement ce fascicule maintenant jauni, venu de nulle part, un peu abîmé mais qui m’avait réchauffé le cœur. Quand je retournai aux États-Unis, je me mis sérieusement à m’intéresser aux Téfilines, en obtins une paire et depuis, je les ai mis fidèlement chaque jour ouvrable.

Jerry Klinger – www.chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki