Rambam 1 Chapitre

Notons que bon nombre de ces lois ne sont pas la halakha, c'est-à-dire la pratique observée dans les communautés juives. Elles ne sauraient donc en aucun cas être prises comme référence. Veuillez noter également que cette version est un premier essai qui fera l'objet de corrections ultérieures.

9 Mena'hem Av 5782 / 08.06.2022

Lois relatives au vol (guézel) et à l’objet perdu (avéda) : Chapitre Onze

Rambam aborde maintenant le second thème de cette section : les lois relatives à un objet trouvé (avéda). La Thora dit :

«Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne égarés, ramener tu le lui ramèneras » (Ex. 23, 4).
« Tu ne dois pas voir le bœuf de ton frère ou son agneau égarés et t’en détourner. Ramener tu les ramèneras à ton frère. Et si ton frère n’est pas près de toi et tu ne le connais pas, tu recueilleras l’(animal) dans ta maison et il restera avec toi jusqu’à ce que ton frère le recherche et tu le lui rendras. Ainsi feras-tu pour son âne, ainsi feras-tu pour sa tunique et ainsi feras-tu pour tout objet perdu par ton frère, tout ce qui sera perdu de lui et que tu auras trouvé ; tu ne pourras pas te détourner » (Deut. 22, 1-3).
« Tu ne dois pas voir l’âne de ton frère ou son bœuf tomber sur le chemin et t’en détourner ; tu (le) relèveras avec lui » (Deut. 22, 4).

L’obligation de restituer un objet trouvé à son propriétaire est une mitsva de la Thora. Il est défendu non seulement de s’approprier l’objet trouvé, mais aussi de l’ignorer. Celui qui le trouve doit en prendre soin jusqu’à sa restitution.
Plusieurs questions se posent néanmoins : comment retrouver le propriétaire de l’objet, et surtout, comment être certain qu’il s’agit vraiment du propriétaire ? Ces questions vont être étudiées dans les chapitres qui suivent.

Le présent chapitre expose d’une façon générale les deux commandements de la Thora : l’obligation de restituer l’objet et l’interdiction de s’en dérober. Qui est concerné par cette obligation et à qui est-on tenu de restituer l’objet ? En quoi consiste la restitution et quels types d’objets sont visés par ce commandement ?


1. La restitution d’un objet perdu à un juif est un commandement positif, ainsi qu’il est dit [Deut. 22, 1] : « Ramener tu les ramèneras ».
Celui qui voit un objet perdu par un juif et l’ignore en le laissant [sur place] transgresse un commandement négatif – ainsi qu’il est dit [ibid.] : « tu ne dois pas voir le bœuf de ton frère [etc.] et t’en détourner » – et manque à un commandement positif. S’il le restitue, il accomplit un commandement positif.

2. S’il prend l’objet perdu et ne le restitue pas, il manque à un commandement positif et transgresse deux interdictions de la Thora [Deut. 22, 3] : « tu ne pourras pas te détourner » et [Lév. 19, 13] : « tu ne voleras pas ».
Même si le propriétaire de l’objet perdu est un racha qui mange [de la viande] nevéla [c'est-à-dire d’animaux non abattus rituellement] par envie [et non par révolte] ou [commet des actes] semblables, c’une obligation que de lui restituer ce qu’il a perdu.
Mais s’il mange [de la viande] nevéla par révolte , [son statut] est [celui d’]un mine. Or, les minim, les épikorsim et ceux qui profanent le chabbat publiquement, il est défendu de leur restituer un objet perdu, comme pour un gentil.

3. Un objet perdu par un gentil, [il] est permis [de le conserver], ainsi qu’il est dit [Deut. 22, 3] : « l’objet perdu par ton frère ». Celui qui le restitue commet une transgression, parce qu’il soutient les méchants du monde. Et s’il le restitue pour sanctifier le Nom [de D.ieu], afin que les païens louent les juifs et sachent que les juifs sont dignes de foi, cela est louable.
Dans un endroit où [le fait de ne pas restituer l’objet en question] entraîne une profanation du Nom [de D.ieu], il est défendu [de garder] l’objet perdu par le païen et on est tenu de le restituer.
En tout lieu [même quand il n’y a pas de profanation du nom de D.ieu], on rentre [dans un endroit gardé] leurs ustensiles [laissés à l’extérieur] à cause des voleurs, comme [on le fait pour] les ustensiles d’un juif, afin [d’entretenir] les voies de la paix [c'est-à-dire de bonnes relations avec eux].

4. Une erreur commise par un gentil [dans une transaction commerciale à ses dépens] est considérée comme un objet qu’il a perdu et il est permis [d’en profiter], à condition qu’il se soit trompé de lui-même. En revanche, l’induire en erreur est défendu.

5. Comment cela ? Par exemple, le gentil se tromperait-il en faisant un compte, il faut que le juif lui dise : « Vois que je m’appuie sur ton compte, et que je ne sais pas [moi-même ce qu’il en est] ; plutôt, je te donne ce qui tu affirmes [que je dois payer] ». [Tirer profit d’une erreur commise de] cette façon est permis.
En revanche, s’il ne lui dit pas cela, il [lui] est défendu [de tirer profit de son erreur], de crainte que le gentil ait [commis cette erreur avec] l’intention de le tester, et le Nom [de D.ieu] serait ainsi profané.

6. Soit une ville où habitent des juifs et des gentils. Si [la population comprend] une moitié de juifs et une moitié de gentils, et qu’on y trouve un objet perdu, on doit le prendre et [l’]annoncer [pour que son propriétaire puisse le récupérer]. Si un juif vient et donne les signes [distinctifs permettant d’identifier l’objet], on est tenu de [le lui] restituer.

7. La majorité [des habitants] de la ville serait-ils des gentils, si on trouve [un objet] à un endroit de la ville fréquenté par une majorité de juifs, on est tenu de [l’]annoncer.
Mais si on trouve [un objet] dans une voie publique ou dans une grande place, dans une synagogue ou dans une maison d’étude où se trouvent en permanence des gentils , ou dans tout lieu fréquenté par un grand nombre [de personnes], l’objet appartient à celui qui l’a trouvé. [Cela s’applique] même si un juif vient et donne les signes [distinctifs permettant d’identifier l’objet]. En effet, [on considère qu’]il a désespéré [de le récupérer] lorsqu’il est tombé, parce qu’il [se] dit : « un gentil l’a [sûrement] trouvé [et gardé pour lui] ». Bien que l’objet appartienne à qui le trouve, celui qui désire emprunter le chemin du bien et de la droiture, en agissant au-delà de la stricte exigence de la loi, doit restituer l’objet perdu au juif quand il en donne les signes [distinctifs].

8. Aurait-on trouvé dans cette ville [peuplée] d’une majorité de gentils un tonneau de vin, il est défendu de tirer profit du vin mais il est permis [de prendre] le récipient [c’est-à-dire le tonneau] en tant qu’objet perdu [comme tout objet trouvé en présence d’une majorité non juive].
Et si un juif vient et en donne les signes [distinctifs], le vin est permis à la consommation pour le juif qui l’a trouvé [à condition que le tonneau fut fermé lorsqu’il l’a trouvé].

9. Si un oiseau saisit de la viande et la jette dans une autre cour, bien que la ville soit à majorité juive, il est permis [de prendre] la viande en tant qu’objet perdu , parce que le propriétaire a désespéré [de la retrouver].

10. Aurait-on trouvé un objet perdu dans le reflux de la mer ou dans la crue d’un fleuve qui ne s’interrompt pas, bien qu’il y ait un signe [distinctif permettant à son propriétaire de l’identifier], il appartient à celui qui le trouve.
En effet, il est dit [Deut. 22,3] : « qui sera perdu de lui et que tu auras trouvé » ; [l’obligation de restituer un objet s’applique pour] ce qui est perdu de lui [son propriétaire] et [peut] se trouver chez tout homme, à l’exclusion de ce qui est perdu de lui et de tout homme. Car il est certain que le propriétaire a désespéré [de le récupérer].

11. Celui qui perd intentionnellement son bien, on ne s’en occupe pas.
Comment cela ? S’il laisse sa vache dans une étable sans porte et s’en va sans l’attacher, ou bien jette sa bourse dans le domaine public et s’en va, ou tout [cas] semblable, [on considère qu’]il a perdu son bien intentionnellement.
Bien qu’il soit défendu à celui qui observe le fait de prendre pour lui [la vache ou la bourse], il n’est pas tenu de [les] restituer, ainsi qu’il est dit : « qui sera perdu », à l’exclusion de celui qui perd [son bien] intentionnellement.

12. [Celui qui trouve] un objet perdu qui n’a pas la valeur d’une pérouta n’est tenu ni de s’en occuper, ni de le restituer.

13. [Un homme] aurait-il trouvé un sac ou une boîte, s’il est un sage ou un ancien honorable qui, d’ordinaire, ne prend pas ces objets dans la main, il n’a pas l’obligation de s’en occuper. Il estime sa propre raison [c'est-à-dire quelle aurait été sa conduite] si ces objets lui appartenaient : s’il les aurait restitués pour lui-même, il est également tenu de restituer tels objets qui appartiennent à autrui ; et s’il n’aurait pas renoncé à sa dignité, même si ces objets lui appartenaient, il n’a pas non plus l’obligation de restituer tels objets qui appartiennent à autrui.
S’il a l’habitude de restituer de tels objets dans un champ [où il est à l’abri des regards], mais non en ville et qu’il les trouve en ville, il n’a pas l’obligation de [les] restituer. S’il les trouve dans un champ, il a l’obligation de les restituer jusqu’à ce qu’ils parviennent dans le domaine de [leur] propriétaire, bien qu’il entre [ainsi] avec ceux-ci en ville alors que cela n’est pas dans son habitude.

14. De même, s’il trouve un animal et le frappe [pour le faire avancer et le ramener à son propriétaire], il devient obligé de s’en occuper et de le restituer, bien que ce ne soit pas de sa dignité, car il a commencé la mitsva [il doit donc la terminer].
Si on restitue un animal [à son propriétaire] et que l’animal s’enfuie, même [si le scénario se répète] cent fois, on est tenu de [le] restituer [indéfiniment], ainsi qu’il est dit [ibid., 1] : « ramener tu les ramèneras » ; [l’infinitif] « ramener » indique [qu’on est tenu de le faire] même cent fois [si nécessaire].
On est toujours tenu de s’en occuper jusqu’à ce qu’on le ramène dans le domaine de son propriétaire, dans un lieu gardé. Mais si on le ramène dans un lieu qui n’est pas gardé, comme un jardin ou une ruine [du propriétaire] et qu’il soit perdu à cet endroit, on en est responsable.

15. Si on a ramené le matin un objet perdu à un endroit où le propriétaire entre et sort le matin, on n’est pas tenu de s’en occuper. En effet, le propriétaire le voit, bien que cet endroit ne soit pas gardé.
Dans quel cas cela s’applique-t-il ? Pour une chose qui n’a pas de « souffle de vie ». En revanche, on a toujours l’obligation de s’occuper d’un animal jusqu’à l’introduire dans le domaine gardé de son propriétaire. Il n’est pas nécessaire que le propriétaire ait connaissance [de la restitution].

16. Si on a vu un animal qui s’est enfui de son parc et qu’on l’ait ramené à sa place, on a accompli le commandement [de restituer un objet perdu] ; il n’est pas nécessaire que le propriétaire en ait connaissance.

17. Celui qui [désire] emprunte[r] la voie du bien et de la droiture, en agissant au-delà de la stricte exigence de la loi, doit restituer un objet perdu en tout lieu, même si cela ne correspond pas à sa dignité.

18. Si un cohen voit un objet perdu dans un cimetière, il ne doit pas se rendre impur pour le restituer. En effet, au moment où il accomplit le commandement positif de restituer l’objet perdu, il manque au commandement positif [concernant les cohanim (Lév. 21, 6)] : « vous serez saints » et transgresse l’interdit de la Thora [ibid., 4] « il ne se rendra pas impur, lui qui est maître dans son peuple ». Or, un commandement positif [le fait de restituer l’objet perdu] ne repousse pas [à la fois] un interdit de la Thora [le fait de se rendre impur] et un commandement positif.

19. Si un homme voit un objet perdu et que son père lui dise : « Ne le restitue pas », il doit le restituer et ne pas obéir à son père. En effet, il se trouve, s’il obéit à son père, que tout en accomplissant le commandement positif [Ex. 20, 12] : « Honore ton père », il manque au commandement positif de « Ramener tu les ramèneras » et transgresse [l’interdit de la Thora :] « tu ne pourras pas te détourner ».

20. Qui voit de l’eau qui va faire une inondation et ravager la construction ou le champ d’autrui, est tenu d’ériger une barrière devant ceux-ci et d’empêcher [l’eau de passer], ainsi qu’il est dit [Deut. 22, 3] : « pour tout objet perdu par ton frère », ce qui inclut la perte de sa terre [son bien immeuble] .