On raconte qu'un jour, un homme, qui se pensait Kabbaliste, voyagea dans le même carrosse que Rav Chmouel Mounkes, disciple éminent autant que facétieux du Baal Hatanya, fondateur de l'école de pensée Habad, hassidisme de l'intellect. Cet homme, donc, raconta à Ray Chmouel Mounkes qu'il allait voir le Baal Hatanya pour lui poser un certain nombre de questions sur des passages de la Kabbale qui lui semblaient obscurs. Rav Chmouel Mounkes le pria alors d'ajouter à ses questions l'interprétation d'un passage d'un livre de Kabbale qu'il avait eu sous ses yeux et qui semblait d'une profondeur qui dépassait ses connaissances. Le passage était le suivant : "Du blanc d'en haut sort le jaune d'en bas qui, grâce au fondement de la nourriture première, arrivait au niveau des cercles et, par le fondement du feu, prodiguait du plaisir". Rav Chmouel Mounkes ajouta qu'il devrait poser cette question avant toute autre car elle mettrait en valeur le niveau de ses connaissances. L'homme acquiesça et, lorsqu'il arriva chez le Baal Hatanya, posa cette question en premier. Le Baal Hatanya répondit alors : « C'est la recette des beignets : L'ceuf dont la coquille est blanche, donne du jaune lorsqu'on le casse en le projetant de haut en bas sur un récipient. Puis, en y ajoutant de la farine, nourriture de base de l'homme, on en fait des beignets qui, une fois cuits, deviennent source de plaisir ». Confias de s'être laissé prendre au piège, notre prétendu Kabbaliste n'osa pas poser les autres questions et se rendit compte de son ignorance.

La Kabbale est, de nos jours, devenue populaire. Elle répond à un besoin absolu de certains hommes voulant échapper au matérialisme effréné de notre société. Mais combien parmi ceux qui s'y intéressent, seraient capables de distinguer un enseignement kabbalistique de la recette des beignets ? Les textes de la Kabbale sont lus, les idées racontées, sans aucune relation avec leur sens premier. Un texte kabbalistique est aussi enivrant qu'un poème de St. John Perse, mais cela s'arrête là. Le problème vient du fait que l'on veut dépouiller la Kabbale de son caractère initiatique. Or, la Kabbale n'est pas, comme certains veulent le croire, une science réservée à une élite intellectuelle, mais une connaissance réservée à une élite spirituelle. Quand nous parlons d'élite spirituelle, nous voulons dire les Tsadikim ou Justes qui ont une perception de leur partie spirituelle appelée « âme divine », véritable partie de D.ieu selon le Tanya, qui porte en elle une vision directe du divin.

Car la Kabbale traite de processus divins qui resteront lettre morte pour ceux qui ne les perçoivent pas. Et si elle s'exprime à travers des mots humains, ces mots ne sont qu'un code cachant des processus indescriptibles tels quels dans le langage humain. Dire que l'on comprend les textes kabbalistiques parce que l'on comprend les mots reviendrait à dire que l'on comprend un langage informatique parce qu'on parle anglais. Un tel langage cache, derrière la simplicité de ses instructions, une myriade de processus électroniques insoupçonnés par le simple utilisateur. Cette remarque, d'ailleurs, ne s'arrête pas à la Kabbale. Lorsque la Bible parle de main ou de face de D.ieu, c'est là aussi un langage allégorique qui cache des processus divins d'une hauteur infinie.

Apparu au dix-huitième siècle le hassidisme a apporté à la connaissance de D.ieu un éclairage nouveau. Il se propose de décrire les processus divins pas analogie, comparant ces processus à des situations physiques directement perceptibles par l'homme. Cette déscription analogique est possible pour deux raisons. D'une part, parce que tout phénomène physique découle d'un processus spirituel dont il devient alors la « projection » dans notre univers. D'autre part, parce que nous pouvons affiner les notions en multipliant les exemples physiques afin de cerner au mieux l'abstraction divine. Par ce procédé, les processus divins les plus élevés peuvent alors être appréhendés par l'intellect humain.

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