« Le Pharaon donna un ordre à toute sa nation : Chaque garçon qui naîtra, vous le jetterez dans la rivière, et chaque fille, vous la ferez vivre. » (Chemot 1 : 22)

Il ne pleuvait que très peu en Égypte. L’agriculture était totalement à la merci du Nil dont les crues créaient un réseau de canaux d’irrigation. C’est donc pour cette raison que les Égyptiens antiques déifiaient le Nil, le considérant comme la source ultime de subsistance et de vie.

Tel est le sens profond du décret du Pharaon de jeter les enfants hébreux dans le Nil. Il savait que si la future génération était engloutie dans le culte égyptien du Nil, si elle était élevée de sorte qu’elle considère les sources naturelles de subsistance comme des dieux, la foi d’Avraham serait effacée à tout jamais. Le message du D.ieu Unique, Créateur et Source de tout, tellement menaçant pour l’oligarchie égyptienne, serait tu pour toujours.

L’on peut affirmer, qu’aujourd’hui encore, le culte du Nil prévaut comme aux jours du Pharaon. Le « Nil » d’aujourd’hui peut être la réussite académique, la carrière, le statut social, en bref, tout ce qui peut être vénéré comme source de ressources et de vie. Mais en fait, ce sont des instruments de ressources tout comme le Nil était un instrument de D.ieu pour subvenir aux besoins de ceux qui résidaient le long de ses rives. Mais lorsque l’on confond l’outil avec la source, lorsqu’une personne noie tout son être dans le « Nil », investissant ses meilleures énergies pour perfectionner l’instrument plutôt que pour cultiver sa relation avec la Source Ultime, cela devient de l’idolâtrie.

Le Peuple d’Israël survécut au Galout (exil) égyptien parce que des mères juives refusèrent d’obéir au décret du Pharaon qui leur ordonnait de jeter leurs enfants dans sa rivière (c’est-à-dire dans sa culture).

Pour que nous survivions à l’exil présent, nous devons, nous aussi, résister aux diktats des Pharaons d’aujourd’hui. Nous devons établir que le développement moral et spirituel de nos enfants, plutôt que leur carrière et leur pouvoir futurs, sont la première des priorités dans l’éducation.

L’enfant berger

« [Quand] elle ne put plus le cacher, elle prit pour lui une boîte en papyrus et elle la recouvrit d’argile et de poix ; et elle y posa l’enfant. Et elle le plaça dans les arbustes sur la rive du fleuve. » (Chemot 2 :3)

Le Pharaon avait décrété que tous les garçons nouveau-nés hébreux seraient jetés dans le Nil. Dans l’espoir de le sauver de son sort, Yo’hévèd, la mère de Moché, installa le bébé de trois mois dans une corbeille et le cacha dans les buissons qui poussaient le long de la rivière. La sœur aînée du bébé, Miryam, se tenait à distance pour observer ce qui lui arriverait.

« La fille de Pharaon descendit se baigner dans la rivière et elle vit la boîte au milieu des buissons… Elle l’ouvrit et vit l’enfant… Elle eut pitié de lui et dit : ‘C’est l’un des enfants des Hébreux’. » (Chemot 2 :5-6)

La Torah poursuit en relatant comment la fille du Pharaon adopta l’enfant et l’éleva comme son propre fils. « Elle lui donna le nom de Moché… parce que je l’ai tiré (Méchitihou) de l’eau. »

Purifier le Nil

Ce récit présente un détail qui nous laisse perplexes. Où fut exactement placée la corbeille de Moché ? Au début du récit de la Torah, nous lisons qu’ « elle la plaça, sur la rive du fleuve ». Ainsi, Moché n’aurait-il pas été mis dans le fleuve lui-même mais sur la rive du Nil. Cependant, quelques versets plus loin, la fille du Pharaon déclare : « Je l’ai tiré de l’eau ».

Le Gaon de Ragadchov propose une explication hala’hique (suivant la législation de la Torah) pour expliquer le changement d’emplacement de la corbeille. Le Nil, dont l’Égypte dépendait complètement pour sa subsistance, était adoré comme un dieu. C’est pourquoi il est impossible que la mère de Moché l’ait a priori placé dans le Nil, puisqu’il nous est interdit d’utiliser tout ce qui sert aux pratiques idolâtres, quand bien même il s’agit de sauver notre propre vie.

En revanche, la Torah stipule également que si un idolâtre renonce à son idole, elle s’en trouve « annihilée » et l’on peut s’en servir.

Nos Sages enseignent que la fille du Pharaon « descendit se baigner dans la rivière », non pour prendre un plaisir physique mais pour « se purifier des idoles de son père. » Le fait qu’elle renonce aux pratiques païennes de l’Égypte annula le statut d’idole de la rivière et ses eaux pouvaient désormais recevoir et abriter Moché. C’est donc à ce moment précis que la corbeille de Moché pénétra dans le Nil.

Mais pourquoi était-il important que Moché soit dans le Nil plutôt que caché sur la rive, dans les buissons ?

Le Midrach relate que les astrologues du Pharaon lui avaient dit que « le sauveur d’Israël périra par l’eau », ce qui explique également la raison d’être du décret ordonnant que les garçons hébreux soient jetés dans le Nil. Quand la corbeille de Moché fut dans la rivière, les astrologues dirent au Pharaon : « Le sauveur du Peuple juif a déjà été jeté dans la rivière. » C’est ainsi que l’entrée de Moché dans le Nil mit fin au décret du Pharaon.

Le berger de la foi

L’on se réfère à Moché comme à un Raaya Méhemna, un « berger fidèle » d’Israël. Mais cette expression signifie également « le berger de la foi », c’est-à-dire, celui qui nourrit son troupeau de foi. Le rôle essentiel de Moché était de nourrir la foi de son peuple pour qu’ils soient imprégnés de la connaissance de D.ieu et de la prise de conscience qu’ « il n’y a rien en dehors de Lui », que tous les « Nil » du monde ne sont pas des forces ou des réalités autonomes mais simplement des véhicules pour la subsistance.

Moché avait quatre-vingt ans quand il sortit le Peuple d’Israël d’Égypte, les conduisit au Mont Sinaï et les imprégna de la connaissance divine ultime : la Torah.

Mais il était déjà un « berger de la foi » à l’âge de trois mois, quand il servit à détrôner l’idole maîtresse de l’Égypte et à mettre fin à l’exécution des enfants d’Israël dans ses eaux.