Nos Sages établissent que Moché livra le livre de Devarim «de sa propre initiative» (Meguila 31b). Le Tossafot ajoute qu’il fut «inspiré par roua’h hakodech» (esprit prophétique émanant de D.ieu).

Il existe de nombreux niveaux de roua’h hakodech. Toutefois, en ce qui concerne Moché, la Torah statue clairement : «Aucun prophète comme Moché ne se lèvera dans Israël», indiquant ainsi que la prophétie de Moché se situait au niveau le plus élevé possible.

C’est pour cette raison que le livre de Devarim est considéré comme faisant partie intégrante de la Torah Ecrite. Que Moché ait délivré ces enseignements «de sa propre initiative» n’altère pas le fait qu’ils furent donnés par D.ieu. Cela se perçoit dans la loi qu’énonce le Rambam selon laquelle celui qui dit qu’un seul mot de la Torah a été prononcé par Moché, de façon personnelle, est considéré comme niant la Torah tout entière. Il est bien évident qu’a fortiori cette règle s’applique à l’un des cinq livres dans son intégralité.

Ainsi, quand Moché donna le livre de Devarim, la Divinité s’unit-elle avec son être, au point que «la Présence Divine s’exprima par la gorge de Moché».

C’est pour cette raison que lorsque Moché prononça : «Je donnerai la pluie… Je donnerai la végétation», le pronom «Je» se référait à D.ieu. C’est la Présence Divine qui s’exprimait.

La différence entre le livre de Devarim et les quatre livres précédents de la Torah implique donc seulement un mode de communication dissemblable. Les quatre premiers livres avaient également été transmis par Moché. Seuls les deux premiers des Dix Commandements : «Je suis l’Eternel ton D.ieu…» et «Tu n’auras pas d’autres dieux…» furent directement émis par D.ieu. En ce qui concerne les 611 autres, nos Sages appliquent le verset : «la Torah (mot dont la valeur numérique des lettres est équivalente à 611) que Moché nous ordonna…», c’est-à-dire que ce fut lui qui nous la communiqua. Cependant, pour les quatre autres livres, Moché est considéré comme un intermédiaire alors que le livre de Devarim fut récité «de sa propre initiative».

La Présence Divine se revêtit dans son processus conceptuel au point qu’il Lui fut uni dans un lien si profond que «la Présence Divine s’exprima par [sa] gorge».

Un concept similaire s’applique aux perspectives que développèrent nos Sages du Talmud, et aux géants de la Torah dans les périodes suivantes. L’on se réfère métaphoriquement à tous ces hommes par le nom «Moché» et il est dit : «Chaque concept nouveau développé par un sage érudit a été donné à Moché à Sinaï» (‘Houlin 93a).

Ainsi, chaque concept novateur de la Torah est-il «la parole de D.ieu». C’est tout simplement que D.ieu s’est habillé dans l’esprit du Sage qui a développé cette idée. Il est inutile de dire qu’il existe différents niveaux et de types d’«habits» mais dans leur essence, tous ces enseignements sont la parole de D.ieu.

Le livre de Devarim n’introduit pas seulement plusieurs nouveaux concepts de la Torah mais il en renouvelle et clarifie de nombreux, déjà introduits dans les livres précédents. La même idée s’applique aux lois nées de «l’extension de Moché dans chaque génération», les dirigeants du Peuple Juif au cours des siècles. Les lois qu’ils ont promulguées sont «la parole de D.ieu». Celui qui les déconsidère faillit, non seulement dans l’observance de la loi particulière que les Sages ont instituée plus tard, mais également dans son adhérence à la Torah tout entière.

Par le même biais, la Me’hilta interprète le verset «Et ils eurent foi en D.ieu et en Moché Son serviteur» comme indiquant que la foi des Juifs en Moché est équivalente à leur foi en D.ieu Lui-même. Celui qui réfute l’autorité de Moché est considéré comme ayant réfuté l’autorité de D.ieu.

Des habits «sur mesure»

Moché communiqua le livre de Devarim aux Juifs avant qu’ils ne pénètrent en Israël. Cela implique que pour qu’ils puissent le faire, une nouvelle phase de la révélation était nécessaire. Tout ce qui précédait était insuffisant et Moché devait transmettre la Torah «de sa propre initiative», c’est-à-dire qu’elle devait passer par un intermédiaire. Cela ne créa pourtant pas de distance. Car Moché était un mimoutséh hame’haber, «un intermédiaire qui connecte».

La raison en est que l’entrée en Israël impliquait un nouvel aspect dans le Service Divin, qui devait bénéficier d’  «une terre d’installation». En Israël, la mission du Peuple Juif allait être d’élever l’existence matérielle. Dans le désert, le Service Divin se concentrait sur le spirituel, il n’était donc pas nécessaire qu’il y ait un intermédiaire. Mais après l’entrée en Israël, quand ils allaient devoir se consacrer à des préoccupations matérielles, les Juifs ne seraient plus aptes à recevoir directement la lumière Divine.

Ce mode se perpétua dans les générations suivantes. Le niveau spirituel s’abaissant, il devint nécessaire que «la parole de D.ieu» soit revêtue de plus en plus de vêtements. Cela explique la différence entre la Loi Ecrite et la Loi Orale, et au sein de la Loi Orale elle-même, la différence entre les Sages de la Michna, ceux de la Guemara, les Richonim, les A’haronim. Pour que la Torah puisse atteindre un peuple d’un niveau spirituel inférieur, elle devait être davantage «enveloppée».

Ce processus implique simplement la quantité de «vêtements». Mais l’essence de la Torah reste inchangée. Cela s’applique aux différences entre les quatre premiers livres de la Torah et le livre de Devarim, et, à une plus grande échelle, aux différences entre la Torah Ecrite et les concepts de la Torah développés par les Sages des générations présentes et acceptés par le Peuple Juif dans le monde entier. Tous constituent la parole de D.ieu «donnée par un Berger».

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