Il y a quelques semaines, des dizaines de milliers de personnes ont participé à la Marche des Vivants, en hommage aux millions de Juifs assassinés à Auschwitz Birkenau. Le ‘Hassid, Rav Nissan Mangel est un des plus jeunes survivants de plusieurs camps d’extermination, c’est aussi un puissant conférencier. Il a raconté ce qu’il a vécu lors de cette marche.
J’ai été interviewé par un reporter d’une des plus grandes chaînes de télévision polonaises. Il avait été convenu que la conversation se déroulerait en anglais et serait traduite simultanément en polonais, avec des sous-titres. Ce fut assez long et, à la fin, le modérateur posa une dernière question :
- Rav Mangel, pensez-vous que le judaïsme a un avenir en Pologne ?
- Le Talmud, répliquai-je, raconte qu’une matrone romaine posa un jour la question suivante aux Sages d’Israël : « Votre religion croit dans la résurrection des morts. Cela peut se comprendre pour des morts récents dont le corps n’est pas encore décomposé. Mais comment cela est-il possible pour des personnes qui ont vécu il y a longtemps et même il y a des milliers d’années ? ». Les Sages répondirent : « Il existe un os en haut de la colonne vertébrale (qu’on appelle Louz) et qui ne se décompose jamais, ni dans le feu, ni dans l’acide. Et c’est à partir de cet os Louz que les corps reviendront à la vie !
Et c’est à partir de cela que je vais répondre à votre question.
La cheminée du crématorium mesurait au moins 14 mètres de haut. Je l’ai vue ! Parfois le feu était si puissant que ce n’était pas de la fumée ou des cendres qui sortaient de cette cheminée mais des flammes – ce qui est un indicateur du degré de chaleur incroyable qui régnait dans cet enfer. Cependant, à la fin de la journée, quand nous devions déblayer les cendres, il subsistait de petits os et nul ne pouvait comprendre comment ils avaient pu résister à la puissance du feu. Quand après la guerre, j’ai pu étudier le Talmud, j’ai compris de quel os nos Sages parlaient.
Avant la guerre, il y avait environ trois millions de Juifs en Pologne. Après la Shoah, on n’en comptait plus que sept mille. Cela signifie qu’environ 98 % ont disparu.
Parmi les 2 % restants, la plupart d’entre eux ont peur de s’identifier en tant que Juifs car ils craignent l’antisémitisme. Mais ce petit os, lui, ne peut pas être détruit. 70 ans plus tard, le judaïsme renait en Pologne, donc oui, la résurrection des morts est possible !
Alors si vous me demandez quel est l’avenir des Juifs en Pologne, je vous réponds qu’il refleurira ! J’en suis persuadé ! Nos Sages l’ont affirmé !
Le lendemain, une journaliste d’un prestigieux magazine voulut m’interviewer elle aussi. Au cours de la conversation, elle laissa échapper quelques expressions hébraïques et je lui demandai si elle était juive. Elle répondit que non mais qu’elle s’était déjà rendue en Israël et avait enregistré quelques mots.
Alors que l’interview prenait fin, le journaliste de la veille arriva et me demanda de répéter devant cette dame la réponse que je lui avais adressée la veille. Bien qu’il fût tard et que je m’écroulai de fatigue, je répétais mes paroles.
Tous deux me remercièrent très courtoisement.
L’homme me ramena là où je devais aller et, en route, murmura : « Monsieur le rabbin, je dois vous avouer qu’après vous avoir rencontré hier, j’ai dû rester assis cinq bonnes minutes tant j’étais secoué par des émotions contradictoires ! Je suis l’enfant de ces Juifs qui ont caché leur identité. Personne ne la connaît dans mon travail et tous mes collègues juifs cachent eux aussi leur ascendance. Mais ce que vous m’avez dit hier a allumé une flamme dans mon cœur, à partir de ce petit os Louz que vous avez évoqué. J’ai décidé d’annoncer à tout le monde que je suis juif et que, dorénavant je vivrai pleinement mon judaïsme. La dame qui vous a interviewé est juive également ; elle a été baptisée dans son enfance et c’est pourquoi elle vous a honnêtement répondu qu’à son avis, elle n’était pas juive. C’est pourquoi je tenais à ce qu’elle vous entende parler de cet os qui ne meurt jamais pour qu’elle aussi comprenne que juive elle est et que juive elle restera. Je sais qu’elle inclura votre réponse dans son article et, comme elle est honnête, elle déclarera elle aussi qu’elle est juive de naissance !
Nous pouvons espérer que des milliers de nos frères et sœurs vous verront à la télévision ou liront l’article qu’elle publiera. Et eux aussi seront certainement inspirés par vos paroles. Merci Rav Mangel !
Rav Avtzon – Shmais News Service
Traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 9 mai 2020