Quand mon mari et moi-même avons enfin concrétisé l’achat de notre nouvelle maison à Richmond, nous avons organisé «‘Hanoukat Habayit», une petite cérémonie pour l’inauguration de notre nouveau foyer. Devant tous nos amis, nous avons cloué nos 19 Mézouzot. Nous étions certains de la qualité de nos Mézouzot puisque nous avions fait vérifier la plupart d’entre elles par un scribe qualifié.
En préparation pour cet événement qui n’arrive pas si souvent dans une vie, j’avais effectué quelques recherches et m’étais bien documentée sur la signification des Mézouzot : cela me permettrait de tenir un petit discours devant les membres de notre communauté et de leur faire partager quelques idées.
Tandis que je consultais des livres à ce sujet, je tombais sur un livre contenant des récits incroyables à propos des Mézouzot. Par exemple des gens qui avaient eu des difficultés à avoir des enfants avaient trouvé des erreurs dans les parchemins de leurs Mézouzot, des mots qui manquaient et qui signifiaient justement «vos enfants» etc… Une fois que ces erreurs avaient été réparées par un scribe compétent, leur problème avait disparu. Ces récits m’étonnaient, mais, à vrai dire, me laissaient sceptique.
Aussi bien mon mari que moi-même, nous avons suivi un cursus scientifique : lui en médecine et moi en psychologie. A cause de cette éducation, nous avons tendance à regarder le monde avec une perspective cartésienne, rationnelle. Nous préférons aussi ne dépendre que de notre dur travail plutôt que de rechercher ou d’espérer des solutions miracles par les autres. C’est ainsi que durant un an, alors que nous étions confrontés à notre problème de fertilité, nous faisions confiance aux spécialistes et à la science. Nous faisions bien sûr appel à D.ieu mais c’était par nos propres prières. Quand la famille ou les amis nous suggéraient de demander l’intervention de rabbins aux pouvoirs particuliers par exemple, nous ignorions leurs conseils. Les rares fois que nous avions tout de même demandé une bénédiction à un «quelqu’un de très spécial !», nous n’avons été ni surpris ni déçus que cela ne donne aucun résultat.
Après de nombreux examens et de lourds traitements, je suis enfin tombée enceinte. Au fur et à mesure que la grossesse avançait, nous étions fous de joie, un peu effrayés et même submergés par ce que cela signifiait. Bien des fois, nous nous sommes personnellement tournés vers D.ieu avec des prières d’espoir et de remerciement.
Alors que ma grossesse se poursuivait sans problème, un couple de nos amis nous suggéra de demander au Rabbi de Loubavitch une bénédiction pour une naissance dans de bonnes conditions. Même si mon mari et moi-même avons toujours respecté le Rabbi et le travail de ses émissaires, nous ne nous étions jamais considérés comme des membres du mouvement ‘Habad. Au fond, à un certain degré, nous étions restés un peu sceptiques. C’est pourquoi l’idée de demander une bénédiction nous semblait bizarre.
Cependant, cette fois-ci nous avons écouté le conseil de nos amis. Pour cela, nous avons demandé à Rav Yosef Kranz de présenter notre requête au Rabbi. Quelques jours plus tard, il nous appela : il avait reçu pour nous une réponse tout à fait inhabituelle : le Rabbi nous conseillait de vérifier nos Mézouzot. Rav Kranz ajouta qu’il était étrange que le Rabbi réponde ainsi dans le cas d’une naissance.
Maintenant que nous étions confrontés à ce conseil du Rabbi et qu’il fallait prendre une décision, je repensais aux récits que j’avais lus auparavant. Nous étions si rationalistes que nous avions vraiment du mal à nous plier à cette demande. En effet, ceci nous semblait insensé puisque nos Mézouzot étaient vraiment très belles, à tous points de vue. Mais par ailleurs, puisque le Rabbi nous avait suggéré de vérifier nos Mézouzot, il fallait le faire.
Le dimanche suivant, nous avons enlevé toutes nos Mézouzot et nous sommes rendus à Silver Spring, chez le scribe le plus proche. Pendant toute la journée que nous avons passé là-bas à attendre le résultat, nous nous demandions si nous n’étions pas fous. Je raisonnai ainsi : soit il n’y aurait pas de fautes soit il y aurait des fautes dans les mots désignant les enfants.
Vous devinez la suite ? Le scribe trouva trois fautes dont l’une dans le mot «Beneï’hem» (vos enfants) et une autre dans le mot «Beite’ha» (ta maison, ce qui signifie aussi : ta famille). Le scribe montra les fautes à mon mari qui est un expert dans la lecture de la Torah. Nous avons donc constaté avec nos yeux ! D’ailleurs au moins deux de ces trois Mézouzot n’avaient pas été vérifiées quand nous les avions clouées aux portes de notre nouvelle demeure.
Pendant tout le chemin du retour, nous étions bouleversés. Il est difficile de mettre des mots sur ce que nous ressentions. Quand nous avons raconté notre histoire à nos amis, ils avaient deux sortes de réactions : certains, comme nous-mêmes, étaient stupéfaits et pensifs ; d’autres restaient sceptiques et tentaient d’expliquer toute la situation.
Cette dichotomie me fait toucher du doigt ce qu’est l’engagement religieux. Alors que j’ai une grande confiance dans ce qui est rationnel et scientifique, je crois fermement que la religion et la croyance en D.ieu obligent à un certain saut vers l’irrationnel. La religion vécue par l’esprit n’est pas suffisante. Nous avons besoin de ressentir D.ieu dans notre cœur et notre âme. Peut-être mon mari et moi-même faisions un peu trop confiance à ce qui est évident et avions oublié cette importante leçon.
Et j’ajouterai encore autre chose : nous ne mettons plus jamais en doute la parole du Rabbi.
Robin B. Zeiger, Ph. D.
Richmond Jewish News – Le’haïm
traduit par Feiga Lubecki
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- Publication : 8 janvier 2015