Quelques mois après la miraculeuse victoire de la guerre des Six jours, mon mari – un éducateur chevronné – fut envoyé par l’Agence Juive pour enseigner l’hébreu et le Talmud dans une des écoles juives de Toronto.
Conscients de l’importance de cette mission, nous avions accepté et, avec nos quatre enfants en bas âge – le bébé Milka n’avait qu’un mois – nous étions partis. A notre arrivée, nous n’avions pas encore de logement et avons dû passer quelques jours à l’hôtel. Là, nous ne disposions que d’une chambre assez petite et les enfants comme tous les enfants de cet âge – n’arrêtaient pas de bouger, sauter, crier… Mon mari passait ses journées avec les notables de la communauté pour chercher un logement tandis que je restais seule avec les enfants. Comme j’étais très occupée avec le bébé, je n’arrivais pas à bien surveiller et occuper les plus grands qui s’en donnaient à cœur-joie ; je me sentais épuisée et à bout de nerfs.
Un jour, alors que je donnais un bain au bébé, je remarquai soudain que ma vue baissait dramatiquement. (Par la suite, je réalisai que des plantes qui poussaient dans la cour provoquaient des allergies sévères dont la baisse brutale de la vue n’était qu’un des symptômes). Je me précipitai dehors sans oublier de fermer le robinet d’eau chaude de la baignoire.
Mais, apparemment, je ne l’avais pas fermé complètement et l’eau chaude continua de tomber à grosses gouttes sur la jambe de Milka…
Celle-ci se mit à hurler et je ne pus que constater l’ampleur des dégâts : la brûlure semblait superficielle et je la calmai du mieux que je pus. J’aurais pu fouiller dans mes valises pour trouver des pansements israéliens que j’avais certainement emportés mais je préférai emmener le bébé en taxi chez un pédiatre. A l’hôpital, celui-ci remarqua une zone infectée de pus mais déclara qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Il appliqua une crème sur la plaie, puis un pansement en ordonnant de ne pas l’enlever pendant deux semaines. A vrai dire, j’étais assez étonnée car, dans des cas pareils, en Israël, il est recommandé de changer le bandage tous les jours. J’évoquai timidement devant le docteur le cas de ma fille ainée qui s’était brûlée quelques semaines plus tôt mais le pédiatre se mit en colère : «Vous êtes dans un autre pays et je connais mon métier !» Je préférai ne pas polémiquer.
Au bout de dix jours, du sang suinta de sous le bandage. Un de nos amis s’inquiéta à ce sujet mais je n’y prêtai pas attention. Ce n’est que lorsque le bébé se mit à pleurer sans se calmer que je le ramenai au même hôpital. C’était le même docteur qui se trouvait de garde : il ouvrit le pansement et eut un choc. Il avait perdu sa superbe : il était clair que la situation était grave et j’éclatai en sanglots. Embarrassé, il reconnut qu’il ne pouvait rien faire et qu’il fallait emmener d’urgence le bébé dans un autre hôpital.
Là, le médecin de garde, horrifié, ne se priva pas d’exprimer sa colère contre son prédécesseur et nous prévint qu’il ferait tout son possible pour sauver la jambe : «Un jour plus tard et l’amputation aurait été l’unique solution !»
J’étais paniquée. L’enfant fut placée dans une chambre stérile, on ne pouvait y pénétrer qu’avec des vêtements stériles ; notre petite Milka souffrait terriblement quand on lui donnait des bains et je répétai les quelques chapitres de Tehilim (Psaumes) que je connaissais par cœur. Et comme si ce n’était pas assez, l’administration de l’hôpital m’informa que la santé avait un coût et me réclama une forte somme.
D.ieu merci, toute la communauté locale se porta à notre aide. Malgré notre peine et notre angoisse, nous étions réconfortés par toute cette sollicitude de la part de gens que nous ne connaissions pas mais qui s’impliquaient du simple fait que nous étions tous membres du même peuple juif.
Une femme Loubavitch, Malka Levy, m’encouragea à demander une bénédiction au Rabbi à New York. J’avoue que cette démarche m’était inconnue et je refusai, mais elle insista. Finalement, mon mari raisonna : «Même si cela n’aide pas, cela ne peut pas faire de mal !»
Le Rabbi nous répondit pendant ‘Hol Hamoed Souccot (on nous informa que, d’habitude, le Rabbi n’écrivait pas à cette période mais qu’il avait certainement considéré le problème comme urgent). Sa réponse me déçut, je l’avoue. Pas un mot de compassion ou de réconfort. Simplement : «Vérifiez Téfilines et Mezouzot. Je le mentionnerai sur le tombeau de mon beau-père !»
Nous étions déçus et étonnés car nous avions fait vérifier Téfilines et Mezouzot avant de quitter Israël. Nous avons donc négligé ce conseil mais, comme notre fille n’allait pas mieux, mon mari apporta tout de même ses Téfilines à vérifier auprès d’un Sofer (scribe) connu pour sa méticulosité.
Il s’avéra qu’en Israël, le Sofer qui avait vérifié les parchemins était d’origine marocaine alors que les Téfilines de mon mari étaient écrits selon la coutume achkenaze : la lettre «Tsadé» est écrite différemment et, au lieu de réparer, le Sofer israélien avait créé un plus grand problème !
Mon mari cessa immédiatement de mettre ses Téfilines et emprunta celles d’un ami jusqu’à ce que mes parents puissent nous envoyer d’autres parchemins d’Israël.
Les médecins tentèrent une greffe de peau mais les résultats furent décevants, la greffe ne prenait pas. Nous reprîmes le bébé à la maison en attendant une autre greffe.
Trois jours après que mon mari ait découvert le problème avec ses Téfilines, je découvris avec stupeur que des poils avaient commencé à pousser sur la peau greffée, ce qui signifiait que la greffe avait pris ! Je me mis littéralement à danser de joie et le médecin qui constata cela fut lui aussi frappé d’étonnement devant ce miracle évident.
Depuis ce jour, nous avons compris – à notre mesure – la puissance des mots du Rabbi. Trois ans plus tard, à la fin de notre mission au Canada, nous sommes passés par New York en route pour Israël. Le Rabbi nous reçut très chaleureusement, nous conseilla de suivre les directives des médecins quant à la cicatrice ; j’étais tellement fascinée que je n’arrivai pas à quitter le bureau à la fin de l’audience privée que le Rabbi nous avait accordée.
Aujourd’hui, Milka est l’heureuse maman de onze enfants et a déjà eu la joie de danser au mariage de deux d’entre eux… !
Esther Chaim
traduite par Feiga Lubecki
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- Publication : 27 janvier 2017