Editorial
Pour qui brille le soleil ?Le soleil est un astre merveilleux. Il enchante tout ce qu’il touche, donne des couleurs à la vie et les hommes en recherchent, à juste titre, les bienfaits. Chaleur et lumière, n’est-ce pas ce qu’il incarne ? Ce n’est certes pas par hasard si la tradition juive l’utilise comme figure métaphorique de la Divinité ; il est ainsi écrit : «Le soleil et son bouclier correspondent à l’Eternel, D.ieu». L’idée est claire : de même que le soleil gratifie le monde des hommes de son rayonnement que rien n’arrête mais qui pourtant reste mesuré pour que ceux-ci puissent en jouir, ainsi D.ieu fait vivre l’univers dans Sa bonté infinie. Cette image n’est pas que poétique. En effet, un des principes de la mystique juive est que les éléments constitutifs du monde matériel sont l’expression de réalités spirituelles plus hautes. En d’autres termes, si nous observons un phénomène naturel ici-bas, l’analyse peut nous permettre d’en comprendre la nature profonde : l’événement spirituel qui le sous-tend.
Le texte cité établissait un lien particulier entre le soleil et D.ieu ? Il nous indique ainsi les voix de la réponse. Lorsque le soleil apparaît de manière plus forte, lorsque la saison veut que sa chaleur soit plus sensible, c’est que, dans l’ordre spirituel, la Présence Divine est comme plus révélée. Poussons le raisonnement jusqu’à son terme : la période d’été, avec son plus puissant soleil, doit être celle où la plus haute spiritualité devient plus accessible. N’y sommes-nous pas encouragés par Sa manifestation supérieure ? En suivant le calendrier hébraïque, on dira ainsi que le mois le plus chaud, celui de Tamouz, est aussi celui de cette manière de supplément d’âme. Pourtant, énonce le Talmud, «en Tamouz, l’âne a froid». Il existe des formes de l’être qui, enfoncées dans la plus grossière matérialité, ne sont plus capables de ressentir le spirituel : au plus chaud de l’année, elles ont froid. Et ce « froid » est de ceux qui paralysent le cœur, gèlent l’esprit et condamnent à l’oubli de l’essentiel.
Et pourtant le soleil continue de briller… Mais c’est qu’il est nécessaire d’en prendre pleine conscience. Il faut vouloir en jouir véritablement. Tout se passe comme s’il existait deux manières de le voir : celle du culte du corps et celle de la vigueur de l’âme. L’été est, en effet, bien précieux. Il donne le temps et la force de retrouver des ressources que l’année écoulée, les grisailles du quotidien et l’usure des choses ont peu à peu consommées. Sachons donc prendre du soleil tout ce qu’il nous donne : sans négliger le physique, toute la grandeur et la primauté du spirituel. Comme une leçon de bonheur pour tous les jours qui passent.
Etincelles
Etincelles de Machiah
Une pitié inconcevableLa grande pitié qui s’applique au peuple juif toujours en exil est bien plus grande que tout ce qui est concevable. C’est pourquoi nous demandons à D.ieu : «Dans Ta grande miséricorde, aie pitié de nous».
A ce degré de la Miséricorde de D.ieu, Qui sait l’étendue et la portée de l’authentique pitié, la longueur de l’exil est proprement inexplicable !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Vayigach 5746) H.N.
Vivre avec la Paracha
Masséi : l’élanDes signes de vitalité
Vie et activité sont des termes qui sont presque synonymes car le mouvement est l’un des signes fondamentaux de la vie. La matière simple, inerte est limitée à son emplacement ou à son cap spécifiques alors qu’une entité possédant une âme a l’aptitude de se mouvoir, selon ses choix, d’un lieu à un autre.
Bien plus, en ce qui concerne l’être humain, la tendance par rapport au mouvement physique, mental ou spirituel s’exprime par une direction «ascendante». L’homme cherche à grandir et à avancer. Cela se vérifie de manière évidente dans notre service divin. Car dans notre conscience de ce qui est spirituel, sont implicites notre reconnaissance d’un désir de nous dépasser, notre volonté d’aller au-delà de nous-mêmes et de gagner notre accomplissement en développant une relation avec notre source divine illimitée.
Les voyages personnels
Ces concepts ont leur écho dans la Paracha de cette semaine : Massei. Masséi signifie «voyages» et la Torah évoque 42 étapes différentes dans le voyage de la nation juive naissante depuis la terre d’Egypte jusqu’à son entrée en Israël. Le Baal Chem Tov explique que ces 42 étapes du voyage de notre peuple se retrouvent dans la vie de chaque individu lorsqu’il avance depuis sa naissance, son «exode d’Egypte» personnel jusqu’à son entrée dans la «Terre de la vie», la contrepartie spirituelle d’Erets Israël.
Tout ce voyage à travers le désert (et la vie) a pour but de renvoyer à une ascension spirituelle. Même les étapes associées à des événements négatifs ont, à leur source, un élan positif.
Pour donner un exemple, l’un des campements du Peuple Juif était appelé Kivrot HaTaavah, «les tombes de [ceux qui étaient possédés par le désir] », les Juifs y ayant enterré ceux qui avaient été punis pour leur appétit insatiable de viande.
Ce nom Kivrot Hataavah signifie littéralement «les tombes du désir insatiable» c'est-à-dire que dans ce lieu, les Juifs avaient atteint un tel degré de connexion avec D.ieu qu’ils y «avaient enterré» tous leurs désirs matériels. Néanmoins, puisque D.ieu désire que les entreprises spirituelles des Juifs soient réalisées par leurs propres efforts, le peuple avait reçu le libre-arbitre et dans cet exemple, ils échouèrent. Malgré cet échec, l’élan associé à ce lieu et le potentiel correspondant, qui peuvent être réalisés par chaque Juif, sont positifs.
Plus encore, même si une personne ne réalise pas d’emblée son potentiel, à une étape particulière de sa vie, et ne réussit pas à relever un défi spirituel, elle doit savoir que son «voyage» n’est pas terminé. Ce n’est qu’une étape et une descente temporaire peut finalement mener à une ascension, si elle corrigée par le service de la Techouva (retour à D.ieu).
Un campement ou un voyage ?
Ce qui précède soulève une question relative à la terminologie choisie par la Torah. Comme il a été mentionné, le mot masséi signifie «voyages» et pourtant dans le texte de la Torah le sens en est «campements». D’un point de vue linguistique, un tel usage ne pose pas de problème puisque, comme l’a précédemment commenté Rachi, «comme [les Juifs] allaient plus tard voyager du lieu de ces campements, il est approprié de les décrire par le terme maassaot [voyages]». Néanmoins, la question subsiste. Apparemment, le fait que chaque campement soit nommé semble mettre l’accent sur chacun de ces points d’arrêt, comme étant une entité à part entière.
Il est possible d’expliquer que l’intention est de mettre l’emphase sur le fait que tous ces campements constituaient simplement des étapes dans le voyage vers Erets Israël. Notre vision doit toujours porter sur le but ultime ; en aucune façon un lieu de repos temporaire ne doit être considéré comme quelque chose de plus que cela.
Sans nier les aspects intéressants d’une telle explication, elle n’apparaît pourtant pas appropriée dans le contexte de la Paracha. Car la Torah recense ces 42 étapes, avec l’intention de souligner les événements qui eurent lieu dans chacune d’entre elles, pour en tirer une leçon et selon les enseignements du Baal Chem Tov, les appliquer à nos propres entreprises spirituelles.
Etant donné que chaque pas de ce voyage représente une phase de sainteté, il possède une importance par lui-même. En fait, nos Sages statuent que parce que ces campements furent faits «selon la parole de D.ieu», chacun reçut une dimension d’éternité. Pourquoi donc la Torah se réfère-t-elle à eux d’une manière qui souligne plutôt leur nature temporaire ?
Le but de notre service divin
Il est possible d’expliquer que la Torah utilise le terme massaot parce que c’est l’expression ultime du potentiel humain. Comme nous l’avons dit, notre potentiel spirituel s’exprime en dépassant les circonstances immédiates. Ainsi la ‘Hassidout interprète le verset «Je t’accorderai [le potentiel] de progresser parmi ceux qui sont debout». «Ceux qui sont debout» se réfère aux anges dont le service spirituel reste toujours au même niveau. Par contre, l’être humain à la possibilité de s’élever et peut «progresser» bien plus haut que son état présent. C’est pour souligner ce potentiel et établir son expression comme l’un des buts du service divin que la Torah appelle ces campements maassaot.
Le voyage ultime
A propos du verset : «voici les voyages des Enfants d’Israël qui quittèrent la terre d’Egypte», Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi s’interroge : «C’est par un voyage de Raamses à Soukkot que les Juifs quittèrent l’Egypte. Pourquoi donc tous les «voyages» suivants sont-ils associés à l’exode d’Egypte ?
Il explique alors que la forme plurielle est utilisée car chaque voyage du Peuple Juif à travers les siècles se fait «depuis la terre d’Egypte» (un état où l’on se trouve limité) vers Erets Israël (l’état de la liberté ultime que nous vivrons avec l’Ere de la Rédemption).
Se concentrer sur ce but ultime rend tous nos accomplissements secondaires. Car quels que grands qu’ils soient, ils sont minimisés par la conscience du but final, la venue de Machia’h.
L’individu et le tout
Le macrocosme du voyage de l’humanité en tant qu’entité se reflète dans le voyage personnel de chaque individu. Car tout un chacun doit réaliser qu’il a sa propre mission et un rythme pour l’accomplir. Pour certains, le voyage implique d’aller au-delà de la conscience spirituelle déjà présente, alors que pour d’autres, cela signifie résister à une trop grande implication dans la matérialité et entreprendre de chercher un but spirituel.
Mais il y a un dénominateur commun à tous ces voyages individuels. Ils impliquent tous un «départ d’Egypte», car même l’état spirituel le plus développé est limité par rapport au but ultime. Et aucun de ces voyages n’a d’objectif pour lui-même : ils font tous partie de notre progression vers ce but.
Avec un seul voyage, un homme peut quitter son Egypte personnelle et se joindre à la progression de l’humanité vers la Rédemption. Et ce premier voyage en annonce le suivant, mettant en route une série qui continuera jusqu’à ce que le projet ultime soit atteint et que nous pénétrions tous à nouveau en Erets Israël sous la conduite de Machia’h.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le « rachat du premier-né » ?C’est une Mitsva pour chaque Juif de racheter son fils, premier-né de son épouse juive (Exode 13). Cette Mitsva s’accomplit le trentième jour de la vie de l’enfant, même s’il n’a pas encore été circoncis pour raison de santé. Si cette date a été dépassée, la Mitsva peut se réaliser par la suite. Si le père n’a pas du tout accompli cette cérémonie, l’enfant devra se racheter lui-même, à l’âge adulte.
Le père déclare au Cohen qu’il désire racheter son fils et lui donne cinq « Selaïm » d’argent (soit 102 grammes d’argent pur).
Il est d’usage de célébrer cette transaction au début d’un repas de fête, après la bénédiction sur le pain. Immédiatement après le rachat, le Cohen récite la bénédiction sur une coupe de vin puis bénit l’enfant avec la bénédiction sacerdotale.
Le fait de participer à ce repas de rachat du premier-né enlève l’obligation d’observer 84 jeûnes pour d’éventuelles fautes.
On ne rachète pas l’enfant s’il est né par césarienne ou si l’un des parents est Cohen ou Lévi.
F. L.
De Recit de la Semaine
Le minyane VolantVoyager réserve parfois des surprises, pour ne pas dire des difficultés quand on est dans l’année de deuil pour un parent et qu’on doit réciter le Kaddich matin, après-midi et soir en présence d’un Minyane (dix hommes juifs âgés de plus de treize ans).
Cela faisait déjà dix mois et demi que, depuis le décès de ma mère, je n’avais pas raté un seul Kaddich. En route pour la Terre Sainte, je devais d’abord me rendre à l’aéroport d’Orlando (en Floride) et changer d’avion à New York. Certainement, durant l’escale, je pourrais me rendre au Ohel (au tombeau du Rabbi, non loin de l’aéroport Kennedy), où je trouverais certainement un Minyane. J’avais même demandé à mon frère Rav Lévi Konikov de trouver quelqu’un qui pourrait m’y emmener en voiture sans que j’aie besoin d’attendre un taxi. Mais un proverbe yiddish affirme : “ L’homme pense et D.ieu rit ”. Rien ne se passa comme prévu...
Dès que nous eûmes pris place dans l’avion de la compagnie Jet Blue, à 16h15, le pilote annonça que tous les vols à destination de New York étaient retardés de quatre-vingt-dix minutes et, en attendant, nous devions rester assis.
Il serait donc trop tard pour prier Min’ha (la prière de l’après-midi) à New York.
Pas de panique : là où j’habite, à Satellite Beach, Floride, j’avais toujours réussi à trouver les neuf hommes nécessaires, même s’il fallait les chercher à la sortie d’un cinéma le vendredi soir. Mais ici, j’étais en quelque sorte prisonnier et, malgré mes demandes insistantes, le personnel de l’avion ne pouvait me laisser descendre de l’appareil.
L’hôtesse distribua des boissons. Puis le pilote proposa aux passagers d’utiliser son téléphone s’ils avaient des appels urgents à passer. Trente minutes s’étaient déjà écoulées... Soudain j’eus une idée : peut-être y avait-il neuf Juifs dans cet avion ? Après tout, nous nous rendions à New York et il y avait des chances de trouver des Juifs à bord.
Je me levai et cherchai : “ Etes-vous Juif ? ” demandai-je aux passagers qui me semblaient pouvoir répondre oui. J’expliquai mon problème et, en quelques minutes, j’avais déjà quatre “ clients ” potentiels, d’accord pour m’aider si j’arrivais à en trouver d’autres. Un couloir, puis un autre et des réponses du genre : “ Moi non, mais mon ami oui ” ou “ Oui, mais je ne sais pas prier ”. Le steward proposa de m’aider avec son micro, mais je préférai ne pas trop attirer l’attention. Un autre passager s’excusa : “ Non, je ne suis pas juif, mais ma grand-mère l’était ! ”
- La mère de votre mère ?
- Oui, mais cela ne me rend pas juif, n’est-ce pas ?
- Mais si !
- Eh bien ! Voilà que je me découvre juif ! Après tout, peut-être que cela valait la peine d’être en retard rien que pour ce scoop !
Encore quelques “ interviews ” et nous étions neuf. Le pilote me demanda où j’en étais. Quand je lui répondis qu’il m’en manquait un, il demanda au personnel de l’avion : “ Y-a-t-il un Juif parmi vous ? ” Non, il n’y en avait pas.
Quelqu’un proposa d’appeler au téléphone un de ses amis juifs en Georgie qui participerait par téléphone interposé. Mais cela ne m’était d’aucun secours.
Désespéré.
C’est alors qu’un passager juste à côté de moi s’éclaircit la gorge et avoua : “ Je suis désolé, mais tout à l’heure je vous ai dit que je n’étais pas juif. Mais c’est faux. J’étais juste intimidé. En fait je suis juif ! ”
Voilà qui paraissait suspect. Je me résignai à l’interroger davantage : oui, sa mère était juive, elle s’appelait d’ailleurs Horowitz et il connaissait même des bénédictions qu’il se mit à chantonner gaiement.
“ Nous sommes dix ! ” criai-je, tout excité, au pilote. On aurait cru que j’avais gagné au loto !
Le steward nous guida au fond de l’appareil. L’atmosphère était électrique. Tous mes “ fidèles ” se saluèrent joyeusement. J’expliquai brièvement ce qu’il fallait faire. Ceux qui n’avaient pas de couvre-chef mirent une serviette sur leur tête. Comme j’avais besoin qu’ils répondent à ma prière, même s’ils n’y comprenaient pas grand-chose, nous avons convenu que dès que je lèverai le doigt, ils sauraient qu’il faut répondre Amen.
L’hôtesse demanda si elle pouvait prendre une photo. J’acceptai, bien sûr. La scène était mémorable. J’ai rarement prié avec une telle ferveur, en remerciant D.ieu vraiment avec chaque mot. Les “ Amen ” étaient loin d’être timides. D’un coup, j’eus l’impression d’être à nouveau un moniteur de colonie de vacances, quand tous les enfants crient et chantent à tue-tête leur prière. Ces Juifs-là n’étaient ni timides ni honteux de leur héritage.
Même si l’humeur était joyeuse, les hommes étaient émus. Ils restèrent concentrés durant la prière (entre sept et huit minutes...). Je remerciai chacun du fond du cœur et nous retournâmes nous asseoir.
C’est à ce moment-là que le pilote annonça le départ !
Durant le vol, plusieurs de mes “ fidèles ” vinrent me voir, un à un, pour discuter du judaïsme... Une Mitsva mène à une autre Mitsva...
Par la suite, j’ai raconté cette histoire à ma femme qui l’a racontée à ses sœurs qui l’ont racontée à leurs maris... L’un d’entre eux, Rav Lévi Baumgarten s’occupe du camion (“Tank”) des Téfilines à Manhattan. Un des hommes d’affaires qu’il contacte régulièrement lui raconta que son associé revenait justement d’Orlando et : “ Savez-vous ce qui lui arrivé dans l’avion ? ”
- Oui je sais ! Il a complété un Minyane !
- Mais comment le savez-vous ?
- Voyons ! Tous les Juifs sont connectés. Le monde juif en général (et le monde Loubavitch en particulier) est très petit. Nous sommes tous frères. Au fait le rabbin qui avait besoin d’un Minyane sur l’avion Jet Blue était mon beau-frère... ”
Rav Zvi Konikov
Traduit par Feiga Lubecki