L’affaire éclata en 5747-1987 : des livres avaient disparus de la bibliothèque centrale du mouvement ‘Habad à New York, abritée dans la maison voisine du 770. La constatation en avait été faite : des ouvrages précieux, des manuscrits remontant jusqu’au Baal Chem Tov avaient été dérobés dans l’intention de les vendre à des collectionneurs.
Cela dépassait la simple idée de vol, même s’il était grave. Ces documents avaient été rassemblés par le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, et ses ancêtres. Au prix d’immenses difficultés, se mettant lui-même parfois en péril, il avait transporté avec lui ces textes au travers de toutes les tribulations qu’il avait connues en U.R.S.S. puis pendant la seconde guerre mondiale jusqu’à son arrivée aux Etats-Unis. Certes, ils représentaient une sagesse essentielle, une connaissance profonde nécessaire mais aussi, ils renfermaient une sainteté d’une puissance incomparable. N’avaient-ils pas été, pour beaucoup, rédigés de la main même du Baal Chem Tov ou de ses successeurs ? C’est dire que le drame dépassait largement celui, très réel, de l’acte criminel.
Une rapide enquête établit que le responsable était un proche qui revendiquait une sorte de droit de propriété sur les livres et comptait en tirer un profit personnel. C’est ainsi que le Rabbi fit état publiquement des événements en cours, soulignant leur gravité, montrant qu’ainsi on détournait la bibliothèque du but voulu par Rabbi Yossef Its’hak.
Faute d’autre solution, l’affaire arriva devant un tribunal civil new-yorkais. La question se posait en ces termes : Rabbi Yossef Its’hak avait-il possédé cette bibliothèque comme un bien propre – dans ce cas, une revendication personnelle pouvait être entendue – ou l’avait-il constituée et préservée dans un but plus général – et alors cette intention devait être respectée. La bataille juridique fut complexe. Le juge, non-juif, se rendait compte qu’il devait acquérir une perception nouvelle pour traiter un tel sujet. La salle du tribunal retentit ainsi, sans doute pour la première fois, de propos sur le ‘hassidisme, sur l’essence d’un Rabbi et la nature de son lien avec les hassidim.
La femme du Rabbi, la Rabbanite ‘Haya Mouchka, fut citée comme témoin : quelle avait été l’intention de son père, Rabbi Yossef Its’hak ? Les livres lui appartenaient-ils à titre personnel ? Elle fit cette réponse bouleversante, qui frappa le juge et contribua largement à la décision finale :
« Le Rabbi et les livres appartiennent aux ‘hassidim. »
Le juge trancha donc que tous les livres dérobés devaient être restitués. Le 5 Tévèt, ils furent ramenés à leur endroit légitime, dans la bibliothèque du mouvement ‘Habad, permettant de nombreuses rééditions et constituant un pôle de référence pour tous.
Depuis lors, le 5 Tévèt est un jour de fête, celui de la « victoire des livres ». Si un tel événement put se produire, souligna le Rabbi, c’est sans doute parce que l’étude des textes était insuffisante et il demanda que, chaque année, chacun enrichisse sa propre bibliothèque en achetant de nouveaux ouvrages pour les utiliser. Le 5 Tévèt est un jour dont il appartient à chacun de savoir profiter.
Le chant "Didan Natza'h" célébrant la victoire des livres
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- Publication : 5 décembre 2013