Le voyage de Melbourne à Queenscliff avait été long et fatigant. Le Chalia’h (émissaire du Rabbi) avait achevé sa conférence, il était tard mais il était ouvert à la discussion. Ses auditeurs l’avaient écouté attentivement et les questions fusaient. Malgré son épuisement, il tentait de répondre à chacun avec patience et intelligence.
Alors que les gens se pressaient autour d’un buffet bien garni, une dame s’approcha du rabbin et demanda à lui parler en privé.
«Mes parents étaient des survivants de la Shoah, commença-t-elle. Nous sommes arrivés en Australie après la guerre, sans un sou en poche : vous pouvez imaginer combien mon enfance a été difficile, je ne voyais aucune joie dans le judaïsme. Je ne peux en blâmer mes parents : ils luttaient pour gagner de quoi manger tout en tentant de se remettre des horreurs qu’ils avaient vécues. Notre éducation juive était pratiquement inexistante et je ressentis que je n’étais pas obligée d’épouser un Juif. Je me suis donc mariée avec le premier venu, j’ai mis au monde deux enfants mais me sentais malheureuse. J’ai divorcé puis j’ai rencontré celui qui est mon mari actuellement. C’est un homme charmant, nous nous entendons à merveille mais j’ai besoin de votre conseil. Voyez-vous, il est chrétien.
Entre temps mon premier mari s’est converti à l’Islam et mes deux fils sont fortement influencés par ses convictions.
J’ai toujours essayé de rappeler à mes enfants qu’ils sont juifs (puisque le judaïsme se transmet par la mère). Maintenant je voudrais accomplir davantage de Mitsvot. Mais comment puis-je le faire sans causer plus de tension et de bouleversement dans mon foyer ? »
Surpris par cette requête, le jeune rabbin réfléchit un moment : dans son esprit défilèrent les discours que le Rabbi avait prononcés en diverses occasions. Finalement, il proposa : «Pourquoi ne consacreriez-vous pas une pièce de votre maison – où même juste un coin – pour en faire un «Mikdach Méat», un mini-sanctuaire ? Vous fixerez une Mezouza à la porte et placerez une boîte de Tsedaka (charité) ainsi qu’un livre de prières et d’autres livres saints. Le vendredi après-midi, vous y allumerez les bougies de Chabbat avec la bénédiction. Avec l’aide de D.ieu, cette lumière et cette sainteté se répandront dans le reste de la maison ! »
Le conseil du Rabbi amena un rayon d’espoir dans le cœur de Ruth : «Oui, exactement ! Je vais commencer avec juste un coin de la maison qui deviendra un sanctuaire en miniature où il sera évident que D.ieu est Un !»
Elle ne perdit pas de temps et établit dans un coin de sa maison un endroit où elle alluma ses bougies en priant de tout son cœur pour que cette lumière illumine son foyer et les vies des membres de sa famille.
Les changements intervinrent progressivement mais dans la bonne direction et le «sanctuaire» s’étendit petit à petit.
Les années passèrent et Ruth rencontra à nouveau le rabbin qui n’était plus si jeune : ses cheveux et sa barbe avaient grisonné mais elle le reconnut immédiatement.
Toute la famille de Ruth pratiquait maintenant le judaïsme sans complexes. Son mari, après avoir observé les changements graduels dans sa maison, s’était intéressé au judaïsme puis s’était converti sincèrement.
«Merci mille fois pour votre conseil, Monsieur le rabbin ! Votre idée de mini-sanctuaire dans un coin de la maison s’est révélée fantastique ! Vous m’avez convaincue de la puissance d’un peu de sainteté !»
Le rabbin pensa qu’il y avait une erreur sur la personne. Il ne se souvenait ni de Ruth ni de son «idée fantastique». Elle lui rappela alors gentiment tous les détails de leur conversation, des années auparavant, et il se souvint.
- Je vois maintenant, confia-t-il plus tard à son épouse, la force des mots qu’a prononcés le Rabbi ! 
- Et moi, conclut-elle, je reste émerveillée devant la force de volonté d’une femme juive !

Mina Gordon – Melbourne, Australie
N’shei Chabad Newsletter n°7105
traduite par Feiga Lubecki

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