Et les Enfants d’Israël marchèrent sur la terre sèche à l’intérieur de la mer (Chemot 14 : 29)

Tout ce qui existe sur la terre a sa contrepartie dans la mer (Talmud ‘Houlin 127a)

La terre et la mer se ressemblent et pourtant ce sont des mondes complètement différents. Toutes deux constituent des environnements qui permettent la vie, donnant subsistance et protection à des myriades de créatures. Toutes deux sont des écosystèmes complexes avec une grande variété de minéraux, de végétaux et d’animaux qui forment une chaîne de vie à niveaux multiples. Mais malgré leurs similitudes, la mer et la terre présentent également des différences dans de nombreux domaines et tout particulièrement dans les relations des créatures qui les peuplent avec leur environnement.
Nos Sages ont dit que «l’homme est un univers en miniature», un microcosme de toute l’existence créée. L’être humain inclut donc ces deux mondes, la vie humaine présente à la fois un aspect terrestre et un aspect aquatique.

Le secret des profondeurs
Les créatures terrestres se rencontrent sur la terre. Certaines espèces s’enterrent une partie du jour ou de l’année et il existe même sept espèces qui ne viennent que rarement, voire jamais, à la surface de la terre. Mais d’une manière générale, les créatures terrestres vivent sur la surface de la terre. Mais rien ne les empêche d’en quitter le contact direct pour de longues périodes.
Il n’en est pas de même pour les créatures aquatiques : elles vivent immergées dans leur environnement. Et pour la plupart des animaux marins, cette immersion est une question de vie ou de mort : un poisson hors de l’eau n’est pas seulement une créature en dehors de son élément mais une créature qui ne peut survivre plus qu’un bref moment.
Bien sûr, les créatures terrestres ne sont pas moins dépendantes de la terre que leurs sœurs aquatiques de l’eau : sans la terre et ses ressources, un animal terrestre ne pourrait survivre. La différence réside dans la façon dont cette vérité apparaît chaque jour, chaque heure et chaque seconde de leur existence. Pour la créature aquatique, cette dépendance est constante et évidente. L’animal marin ne peut se séparer de l’environnement qui le contient ; sa vie et sa source de vie sont inexorablement liées. Par contre, la créature terrestre peut recevoir sa nourriture de la terre et puis l’oublier et même le nier. On peut même concevoir une telle créature vivant sa vie entière sans reconnaître ou démontrer, de quelque manière que ce soit, d’où vient sa subsistance.
C’est là le sens des personnalités «terre» et «mer» dans l’homme. Une partie de son être est déconnectée de sa raison d’être et de sa source : un moi «terrestre» oublieux du fait que son âme est «une étincelle de D.ieu en Haut», qu’à chaque seconde le don de la vie lui est renouvelé par son Créateur, que son existence n’a de sens que dans le contexte de son rôle dans l’intention divine. Un moi «terrestre» définit son existence dans les termes étroits de l’ego et de ses aspirations et désirs individuels.
Mais l’homme possède également une personnalité «aquatique», un moi spirituel qui transcende l’ego et l’individualité pour faire correspondre chaque pensée et chaque action au but ultime pour lequel il a été créé. Quand cet aspect de sa personnalité est manifeste, rien dans la personne n’est distinct de son attachement à sa source : comme un poisson dans l’eau, chaque moment de sa vie vient attester son indépendance absolue et sa dévotion à la source de sa nourriture et de sa vie.
Les Maîtres de la Cabale nous disent que certains Tsadikim (individus justes parfaits) passent leur vie entière comme des «poissons de la mer» entièrement immergés dans une conscience perpétuelle de la réalité divine. Moché, dont le nom exprime la nature aquatique de l’ âme, («Et elle l’appela Moché et dit : «parce que je l’ai tiré de l’eau».), était un tel individu. C’est ainsi que la Torah atteste : «Moché était l’homme le plus humble sur la surface de la terre». Il est sûr que Moché était conscient de sa propre grandeur ; il est certain qu’il savait être le seul être humain choisi par D.ieu pour transmettre Sa sagesse et Sa volonté à l’homme. Mais Moché ne considérait pas ses qualités comme étant son propre aboutissement car il avait complètement annulé et immergé son moi dans la mer de la réalité divine. Sa propre vie n’était que le plan divin réalisé par un véhicule sans ego ; ses enseignements étant «la présence divine parlant à travers sa gorge».

Des poissons «terrestres»
Ce ne veut pas dire que notre moi «terrestre», notre sens d’identité et d’individualité, doit être déraciné ou supprimé. Se préoccuper de soi-même n’est pas, en soi, un trait négatif, mais simplement, quand il est livré à lui-même, il risque de développer des attributs très négatifs. Si l’homme ne parvient pas une conscience et un comportement «aquatiques», s’il perd de vue la source et le but de la vie, il est sûr que son moi deviendra égoïste, que son identité se verra exclusivement tournée vers elle-même et que son individualité s’en trouvera déconnectée et déracinée.
Ce n’est que lorsque nous nous immergeons dans la mer de la réalité divine que nous pouvons exploiter notre ego comme la force positive qu’il est réellement. Ce n’est qu’alors que nous pouvons correctement atteler notre valeur sans égale d’individu pour réaliser pleinement notre mission dans la vie.
C’est là l’idéal exprimé par Yaakov dans la bénédiction qu’il donna à ses petits-enfants, Menaché et Ephraïm : «Ils grouilleront comme des poissons au milieu de la terre». L’ultime défi pour l’homme n’est pas seulement d’être un «poisson» mais d’être un poisson «au milieu de la terre».
Ici réside le sens profond du passage de la Mer Rouge, sept jours après la sortie d’Egypte. Dans sa description du miracle, la Torah décrit les Enfants d’Israël «marchant sur la terre sèche au milieu de la mer». Après notre rédemption de l’Egypte et de sa culture païenne, à la fois au sens physique et au sens spirituel, nous gagnâmes la force de «marcher sur la terre sèche» en tant qu’êtres distincts et uniques et en même temps de marcher «au milieu de la mer», de nous immerger dans la mer qui embrasse et absorbe tout, celle de l’universelle vérité des vérités.
Nos Sages nous disent que le partage de la Mer Rouge fut le tout premier pas d’un processus qui englobe toute notre histoire, que le chant de Moché et d’Israël à ce passage fut le premier refrain d’un chant qui culminera à l’ère de Machia’h, le but ultime de la création. Le partage de la Mer Rouge fut ce précédent qui continue de permettre et guider notre quête millénaire pour cette synthèse parfaite entre la mer et la terre, synthèse qui se réalisera pleinement à l’âge messianique quand «la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux recouvrent la mer».

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