Le 10 Nissan, se produisit, en Egypte, un grand miracle. C'est à cette date que le peuple d'Israël reçut l'Injonction de prendre un agneau et de le conserver à la maison dans le but de l'égorger, à la veille de Pessa'h(1).

A leurs voisins égyptiens, les enfants d'Israël devaient expliquer qu'ils s'apprêtaient à sacrifier cet agneau pour D.ieu, afin qu'Il tue les premiers-nés de l'Egypte. Ces derniers(2), apprenant ce qui allait se passer, exigèrent de leurs parents que les enfants d'Israël soient libérés.

Quand les parents refusèrent de libérer les enfants d'Israël, les premiers-nés les combattirent et ils en tuèrent un grand nombre. C'est à ce propos que nous disons, dans le grand Hallel de la Haggadah de Pessa'h : «Il frappe l'Egypte par ses aînés»(3).

Ce miracle est commémoré, chaque année, durant le Chabbat précédant Pessa'h(4), qui est appelé Chabbat Ha Gadol, le grand Chabbat, à cause du grand miracle qui se produisit alors. Cette année-là, le 10 Nissan était effectivement un Chabbat.

Ceci soulève la question suivante : pour quelle raison(5) la commémoration de ce miracle a-t-elle été fixée au jour de la semaine en lequel il se passa, le Chabbat et non en la date du mois, le 10 Nissan, comme ont été instaurées toutes les fêtes d'Israël ?

La raison simple en est énoncée dans le Choul'han Arou'h(6) : «Le 10 Nissan est le jour de la mort de Myriam. C'est un jeûne, quand il survient dans la semaine(7)». Toutefois, une telle explication semble réellement accessoire, alors que tout ce qui figure dans la Torah est particulièrement précis.

Il faut bien en conclure que le miracle qui est commémoré de cette façon est plus clairement lié aux jours de la semaine qu'aux jours du mois(8). C'est pour cette raison qu'il est commémoré durant le Chabbat précédant Pessa'h.

On peut donc proposer l'explication suivante. Il existe une différence fondamentale entre les jours de la semaine et ceux du mois. Les premiers sont liés aux sept jours de la création, fixés selon les circonvolutions du soleil. En revanche, les mois n'appartiennent pas à la nature même de la création. Ils ne furent instaurés qu'à l'issue de celle-ci et ils dépendent des circonvolutions de la lune(9).

Ces deux révolutions(10), celle de la semaine et celle du mois, correspondent aux deux manières dont D.ieu dirige le monde, la nature et le miracle(11). Les jours de la semaine et les mouvements du soleil correspondent au comportement naturel, qui a été fixé au début de la création et qui reste immuable.

A l'inverse, les mois et les mouvements de la lune représentent le comportement miraculeux, qui est un fait nouveau. De fait, 'Hodech, le mois, est de la même étymologie que 'Hidouch, le fait nouveau. Des changements peuvent donc se produire, de temps à autre, tout comme la nouvelle lune réapparaît chaque mois(12).

C'est la raison pour laquelle les fêtes sont instaurées en fonction des jours du mois. A ces dates, les enfants d'Israël ont eu le mérite que D.ieu accomplissent des miracles pour eux, en révélant une sainteté particulière, au-delà de la nature du monde. Les fêtes sont donc liées aux jours du mois, qui représentent les miracles(13).

Le miracle du Chabbat Ha Gadol, en revanche, appartient à une autre catégorie. Il ne remit pas en cause les voies de la nature. Ce grand miracle fit que la nature elle-même lutte contre le mal. Les premiers-nés de l'Egypte adoptèrent un comportement totalement naturel. Après avoir vécu en leur chair les neuf plaies précédentes, ils craignirent pour leur vie et ils entrèrent en lutte pour obtenir la libération des enfants d'Israël de l'Egypte.

Telle est précisément la grandeur de ce miracle, qui se produisit au sein même du processus naturel. Un tel miracle est lié aux jours de la semaine, car il ne remet pas en cause la nature. Bien au contraire, il introduit en elle la Lumière surnaturelle de D.ieu. Il est donc commémoré le Chabbat, non pas selon le jour du mois.

Une telle situation, révélant la Lumière surnaturelle de D.ieu dans le cadre de la nature et de la création se révèlera, dans toute sa perfection, lors de la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia'h. Alors, tous verront, par leurs yeux de chair, que la nature elle-même est divine(14).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 27, page 44)  

Notes :
(1) Pour en faire le sacrifice de la fête.
(2) Qui étaient particulièrement nombreux en Egypte, pays dans lequel les femmes avaient plusieurs maris et donc plusieurs premiers-nés, un de chacun de ces maris.
(3) Tehilim 136, 10. Cela veut dire qu'il y eut une guerre civile, en Egypte, avant la libération des enfants d'Israël. On verra aussi, sur ce point, le Midrash Tehilim, le commentaire de Rachi et celui du Metsoudat David, à cette référence.
(4) Selon le Choul'han Arou'h de l'Admour Hazaken, Ora'h 'Hahn, au début du chapitre 430.
(5) On consultera, sur ce point, les longues explications des commentateurs du Tour et du Choul'han Arou'h, Ora'h 'Hahn, au chapitre 430. Ora'h 'Hahn, au chapitre 430.
(6) A la même référence. C'est l'explication qui est donnée par le Maguen Avraham.
(7) Et, même si ce jeûne n'est plus pratiqué, il était difficile de faire de ce jour une commémoration joyeuse !
(8) On rapprochera tout cela du commentaire de Rachi sur le verset Béréchit 1, 14 : «les fêtes : celles dont les enfants d'Israël devaient recevoir l'Injonction et qui sont fixées en fonction de la nouvelle lune».
(9) Bien plus, la Mitsva de la proclamation du nouveau mois ne fut instaurée qu'avec la sortie d'Egypte !
(10) Solaire et lunaire.
(11) L'aspect récurent et l'intervention directe.
(12) Après avoir été totalement cachée.
(13) Lesquels sont bien des faits nouveaux, des interventions directes.
(14) C'est la finalité de la création, son stade le plus parfait.

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