La langue hébraïque ne manque pas de synonymes et plusieurs verbes auraient pu être choisis pour commencer le premier verset de notre Paracha : «Et Moché rassemblales Enfants d’Israël». Le terme employé «Vayakhel » est significatif car il implique la fusion des gens en un Kahal, une entité communautaire, plus qu’un ensemble d’individus.

Un groupe qui rassemble peut également séparer et même lorsque ses membres sont réunis, l’union n’est pas totale. Un Kahal, par contre, représente une entité éternelle qui réunit les individus dans un même cadre, mettant l’accent sur le lien fondamental qui les unit.

La raison pour laquelle Moché convoqua le peuple était de collecter des dons pour la construction du Michkan, le Sanctuaire. En effet, le Michkan ne pouvait être édifié à partir de ressources émanant de dons privés. Il était indispensable que l’argent nécessaire soit donné par la collectivité. C’est ainsi que l’unité établie par Moché au sein du peuple juif s’étendait même à leurs ressources financières.

Nous sommes tous, par nature, préoccupés par ce que nous possédons. Nos Sages nous ont accordé de nombreuses concessions parce que «l’homme est anxieux à propos de ses possessions.» Et il est vrai que l’argent est souvent source de conflit. Cependant, dans le sujet qui nous concerne, le peuple mit en commun, et de plein gré, ses ressources pour la construction d’une structure qui reflétait elle-même leur unicité.

L’unicité comme dynamique

Le fait que le Sanctuaire fut construit par le peuple juif dans un esprit d’unicité rendit possible qu’il soit imprégné d’unité. (Contrairement aux Parachiot de Terouma et de Tetsavé qui évoquent l’ordre de D.ieu à Moché de construire un Sanctuaire, notre Paracha se concentre sur sa construction effective. Puisque cela impliquait des activités concrètes et que bien souvent ce type d’activités se caractérise par un manque d’harmonie, le besoin se fait encore plus sentir d’insister sur cette idée d’unité).

La construction du Sanctuaire est une continuation de la synthèse entre le matériel et le spirituel, commencée au Don de la Torah. Lors de la préparation à cet événement, les Juifs avaient campé devant le Mont Sinaï «comme un seul homme avec un seul cœur». Et de la même façon, avant l’édification du Michkan, y avait-il encore une fois la nécessité de souligner leur unité.

Cela transparaît par le fait que la construction de ses divers composants, c’est-à-dire l’Arche, l’Autel, la Ménorah, n’était pas considérée comme des mitsvot indépendantes mais plutôt comme faisant partie de la tâche générale de construire une demeure pour D.ieu. Bien que chacun de ces éléments constituât un objet à part entière, leur particularisme discret était subordonné au Sanctuaire en tant qu’entité.

Notre service de la prière correspond au service du Sanctuaire et du Beth Hamikdach. Ainsi, le concept de subordination de l’individu au collectif se reflète également dans la prière.

Prier consiste essentiellement à demander que soient exaucées des requêtes personnelles. Pourtant, ces demandes s’adressent toujours à la première personne du pluriel, ce qui souligne l’idée que l’on se joint à tous les Juifs.

Une coutume instaurée par Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi met également en lumière le concept de l’unité. Il indiqua que soit prononcée, au tout début de la prière du matin, la déclaration : «Je prends sur moi l’accomplissement de la Mitsva de ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’».

La Présence de D.ieu se révélait dans le Sanctuaire. Là, il était visiblement manifeste que le monde est Sa demeure et que tous les divers éléments existants sont pénétrés de Son unité. Et depuis le Sanctuaire, la lumière se répandait dans le monde entier.

Cela nous mène à une seconde idée. Les Juifs constituent «une nation sur terre». L’implication en est que nous sommes tous attachés par un lien interne et que cela nous permet de répandre l’unité de D.ieu dans le monde. Cette union du peuple juif est en effet une force active plutôt qu’un état de fait, passif. Etablir l’unité dans notre peuple stimule la manifestation de l’unité de D.ieu dans toute existence.

De l’intérieur vers l’extérieur

Qu’est-ce qui motive notre peuple à s’élever au-dessus des identités personnelles le constituant ? L’appel de Moché Rabbénou. Moché représentait l’incarnation du dépassement de soi. Chaque aspect de son être était au service d’autrui. Et c’est ainsi que lui-même était apte à transmettre et inspirer cette capacité à se dépasser.

L’on décrit Moché comme «le berger fidèle». Il imprégnait le peuple juif de connaissance, permettant ainsi que s’établisse l’harmonie entre les différentes dimensions de notre être.

De tels efforts sont essentiels pour établir l’unité au sein de notre peuple. Car lorsqu’un individu développe son harmonie intérieure, il s’ouvre davantage aux autres, les considère comme ses alter ego et c’est cela même qui rend possible l’expression du lien intrinsèque que tous les Juifs partagent.

Le service divin de l’homme commence par la tâche de rassembler les différents composants de son propre être. Ensuite, il s’unit avec les autres hommes et prolonge cette unité jusqu’à ce qu’elle gagne chaque élément de la réalité existante, démontrant ainsi que le monde entier existe pour révéler la Gloire de D.ieu.

La réunion ultime

L’expression la plus absolue de cette unité viendra avec l’Ere de la Rédemption quand une grande congrégation (Kahal Gadol) se retrouvera. Les Juifs du monde entier afflueront vers Erets Israël. Cette réunion ne sera pas exclusivement de nature géographique. D.ieu «nous rapprochera depuis les  quatre coins de la terre.» Mais, et ce qui est plus important encore, régneront parmi nous l’harmonie et l’unité et elles embrasseront toute forme d’existence. «Le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu, tout comme les eaux recouvrent le lit de l’océan».

Ce ne sont pas simplement des promesses pour le futur mais des potentiels qui se révèlent déjà aujourd’hui. Les vagues massives d’immigration qui ont atteint Israël ces dernières décennies sont les signes avant-coureurs évidents du rassemblement ultime de notre peuple. Et tout comme se produira la réalité matérielle de la Rédemption, nous avons un avant-goût de son aspect spirituel. Nous avons le potentiel d’établir une harmonie nouvelle avec nous-mêmes et de diffuser cette harmonie chez autrui. Et c’est par ces efforts pour anticiper la Rédemption que nous contribuerons à en faire une réalité.