Noa’h est un personnage qui pose un problème quant à son statut spirituel. D’un côté, il est absolument unique et digne de louanges. Après tout, c’est l’homme que D.ieu sauva des flots et à l’origine de toute l’humanité. Mais par ailleurs, quand la Torah cherche à le louer, elle en dit qu’ «il était un homme juste dans ses générations». Nos Sages relèvent que les mots «dans ses générations» semblent superflus. Certains les comprennent comme des paroles de louange. La génération de Noa’h était peuplée de gens dépravés, d’idolâtres qui ne respectaient pas les valeurs morales ou l’honnêteté dans les affaires. Bien qu’il ait vécût parmi eux, Noa’h était droit.

Cependant, d’après d’autres opinions, il s’agit ici de termes restrictifs. Dans sa propre génération, Noa’h était considéré comme juste. Mais s’il avait vécu à l’époque d’Avraham, de Moché ou de David, son service divin n’aurait attiré aucune attention.

Quelle est la différence entre Noa’h et ces géants spirituels ? Chacun d’entre eux se démarqua par ses efforts pour aller à la rencontre d’autrui. Avraham dissémina la conscience de D.ieu dans un monde de païens idolâtres. Moché pria pour les adorateurs du veau d’or. Et David, roi de la nation entière, sacrifia sa vie personnelle pour le bien de son peuple.

Noa’h, quant à lui, construisit son arche. Et si quelqu’un venait à passer et lui demandait pourquoi il la construisait, il en donnait l’explication : D.ieu était mécontent de l’état d’immoralité du monde et allait déverser un déluge. Mais, malgré les discours de Noa’h, ses mots ne semblaient pas sortir de son cœur. Car d’une manière générale, ses efforts étaient ignorés. Peut-être qu’un homme ou deux l’écoutaient parler mais pas plus. Ils continuaient leur chemin, ignorant ce que Noa’h leur avait dit.

Il faisait son devoir mais rien de plus. Quels que fussent ses sentiments pour ses semblables, quand le déluge commença, seuls lui et sa famille proche étaient dans l’arche. Personne d’autre ne méritait d’être sauvé. C’est son échec à influencer les autres à se joindre à lui qui incita certains Sages à parler en sa défaveur.

Mais d’un autre côté, quand on envisage le service divin de Noa’h dans la perspective de l’histoire spirituelle de l’humanité, il est évident qu’il joua un rôle important. Pourquoi donc son succès fut-il limité ? Parce que dans cette génération, rien de plus n’était possible. L’atmosphère morale de cette époque était telle que personne ne l’écoutait. Mais dans ce cas, pourquoi nos Sages parlent-ils de lui en termes négatifs ? Non pour le critiquer en tant qu’individu mais pour nous mettre en garde contre le fait d’imiter sa conduite à l’implication limitée. Si lui ne pouvait faire davantage, nous, nous le pouvons. Le climat spirituel du monde a changé et il est possible d’atteindre autrui et de le motiver à changer dans sa pensée et son action. Il ne faut donc pas nous contenter d’efforts semblables à ceux de Noa’h.

Chaque génération a son dessein et sa fonction pour conduire le monde à son état ultime, l’Ere de Machia’h. Noa’h put avancer vers ce but mais seulement un petit peu. Les générations suivantes le firent davantage et dans un futur proche, avec la venue de Machia’h, nous en verrons fleurir l’aboutissement.

Mais chacun de nous doit également prendre conscience qu’il y a des moments dans la vie où l’on ne peut accomplir que peu de choses. Tout comme Noa’h, nous pouvons avoir un projet plus grand mais il ne nous revient pas de l’accomplir. Tout en persévérant dans notre aspiration, nous ne devons pas perdre espoir si parfois nous échouons. Nous devons réaliser que, comme Noa’h, nous faisons partie d’une perspective plus large, un chef d’œuvre que D.ieu compose et nous devons être heureux d’accomplir le rôle qui nous a été attribué dans ce projet.

Perspectives

Dans l’arche de Noa’h, il y avait toutes sortes d’animaux domestiques et de bêtes de proie. Pourtant les prédateurs ne dévoraient pas les animaux dociles.

L’une des prophéties qui décrivent l’Ere de Machia’h indique que «le loup résidera avec l’agneau», que les bêtes de proie perdront leurs instincts destructeurs et vivront pacifiquement avec les autres êtres. Cette prophétie, toutefois, concerne le Futur ultime. A l’époque de Noa’h, cela n’était pas encore réalisé comme l’atteste le fait qu’une fois sortis de l’arche, les prédateurs s’attaquèrent aux autres animaux. Pourquoi ne s’étaient-ils pas conduits ainsi dans l’arche ?

La ‘Hassidout explique que l’arche de Noa’h était un microcosme de l’Ere de Machia’h. Il y régnait le même environnement de paix et de tranquillité que celui qui dominera à l’Ere Messianique.

Cela nous sert à tous de leçon. Bien que le monde dans sa globalité ne fût pas au niveau de la conscience messianique, Noa’h était capable de motiver son environnement le plus proche à atteindre ce niveau. De la même façon, dans notre propre existence, chacun de nous peut vivre dans l’esprit de la Rédemption, anticipant, dans notre expérience présente, la connaissance et l’harmonie de l’Ere Future.

Plus encore, le faire est le catalyseur le plus efficace pour que cette conscience se dissémine dans le monde en général. Entrer en contact avec quelqu’un dont les principes et les valeurs reflètent ceux de l’Ere de Machia’h donne envie de l’imiter et de faire de Machia’h un concept plus tangible pour chacun d’entre nous et pour nous tous.

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