Les philosophes anciens se référaient à l'homme comme à celui "qui parle" et personne encore n'a trouvé de meilleure dénomination pour qualifier notre espèce douée du langage.

Nous aimons parler. Témoins en sont les explications infinies dans lesquelles nous nous engageons, la conversation perpétuelle que nous nous sentons obligés de mener, les milliards de milliards de mots déversés chaque jour dans d'innombrables langues.

Pourquoi ce besoin insatiable de tout mettre en mots, comme si rien n'existait véritablement avant d'avoir été fixé dans du langage?

Parce que, nous disent les Maîtres 'hassidiques, il n'y a rien que l'être humain veuille davantage que de jouer à D.ieu. Or, Dieu "parla" pour créer ce qui est pour nous le réel.

Il dit "Que la lumière soit!" et la lumière fut. Il dit: "Que les eaux se rassemblent et que la terre apparaisse" et les océans et les continents se formèrent. Mais l'homme regarde la création de D.ieu et la voit comme quelque chose qui n'est pas encore achevé, à quoi il manque encore des définitions, des mots.

Ainsi nous parlons, catégorisant, quantifiant, qualifiant le monde de D.ieu dans un effort pour lui donner un sens voire un but. Bien sûr, la comparaison ne peut pas être menée bien longtemps. D.ieu est infini est omnipotent; nous sommes finis et faillibles.

Tout de même, si D.ieu créa la lumière par Sa parole, Il nous a pourvus de la force de donner à cette lumière encore plus de clarté , plus d'évidence. Mais nous pouvons aussi favoriser le règne de l'obscurité. Nous pouvons énoncer les continents en pays et en provinces d'un monde productif. Mais nous pouvons aussi les articuler en frontières de haine.

L'un ou l'autre, car c'est "un partenaire dans la création" que D.ieu désire; un partenaire indépendant et libre, dont les choix sont autonomes, qui assume donc complètement sa responsabilité personnelle.

Oui, D.ieu voulait de véritables partenaires pour Ses entreprises et non une équipe d'employés et de garçons de courses. De ceux-là, Il avait déjà pléthore: les anges!


Daniel COHEN