Avec le commencement de chaque nouvelle année du calendrier juif nous reprenons, chaque semaine dans nos synagogues, la lecture de la partie " événementielle " de la Torah : la création, le déluge, les patriarches…

Or, ce récit paraît poser un redoutable problème logique. Selon, toutes les sources de la Tradition, la Torah était connue des Justes dont les actions nous sont rapportées. Ainsi, s'il est dit que Jacob demeurait sous la tente, c'est, devons-nous comprendre, qu'il y étudiait la Torah.

Et si l'on veut une preuve, tirée littéralement du texte biblique, il suffit de rappeler que Noé reçoit l'ordre de faire entrer sept couples de chaque espèce d'animaux purs dans l'Arche, ce qui signifie nécessairement qu'il connaissait déjà les signes permettant de les reconnaître.

Mais la difficulté n'est pas ici. Noé, a fortiori Jacob, par leur exceptionnelle stature spirituelle pouvaient avoir accès à une connaissance qui n'avait pas encore été dévoilée en ce monde.

La question vient de ce que, comme il vient précisément d'être dit, la Torah contient le récit d' évènements qui ,pour Jacob par exemple, sont encore à venir. N'y voit-il pas, alors, que Léa sera substituée à Rachel à l'occasion du premier mariage conclut avec Laban ? N'y voit-il pas non plus le sort véritable de Joseph, vendu par ses frères?

En un mot, n'y apprend-il pas le récit déjà achevé de la vie même qu'il est en train de vivre.

Un ouvrage classique, le Chné Lou'hot Habreit de Rabbi Yechaya Horovitz (le Chela'h), aborde le problème. Pour résumer sa réponse, on pourrait dire que la Torah, telle qu'elle existe dans les mondes spirituels, ne se traduit pas par un seul possible. Son expression concrète dans les évènements qui font la vie et l'histoire de notre monde dépend d'une infinie pluralité de facteurs.

Pour prendre un exemple: si les juifs ne s'étaient pas abandonnés au culte du veau d'or moins de quarante jours après avoir entendu les Dix Commandements, il n'y aurait pas eu besoin d'un Tabernacle. Chacun d'entre eux aurait été un temple parfait pour la Présence de D.ieu (la Ché'hinah).

Autre illustration : si les explorateurs, de retour d'Israël, avaient eu une attitude différente, Moïse aurait pu entrer à la tête de son peuple en Terre Promise et le monde aurait immédiatement accédé à l'ère messianique.

Autrement dit, les hommes, par leurs actions, font que la Volonté Divine emprunte, pour se révéler ici-bas, tel ou tel canal différent.

Sans doute peut-on en conclure alors que ce que Noé, Abraham ou Jacob ont étudié serait cette Volonté et cette Sagesse d'en Haut. Mais ils ne savaient pas encore comment Elles se traduiraient concrètement dans l'Histoire : cela c'est Moïse qui, au Sinaï, l'apprendra en y recevant la Torah qui exprime véritablement l'essence de la Sagesse de D.ieu. pour la raison qu'elle est révélée ici-bas.

Ainsi que le disent les Maîtres de la Cabbale " ce qui est le plus haut trouve son expression achevée dans ce qui est le plus bas ".

B Ziegelman


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