Mais que diantre était-il venu faire au Sédér celui-là, avec ses questions grincheuses ?
Petit coup d'œil utile dans le rétroviseur. Quatre questions que posent quatre enfants imaginaires, des enfants archétypaux censés être présent au Séder de Pessa’h. Le Rabbi s’inquiète d’abord du sort de celui qu’il a appelé le cinquième fils : celui qui n’est pas assis à la table de la célébration pascale. Mais il ne s’est pas désintéressé pour autant des quatre premier, des présents. Et notamment du second, le racha, le « méchant ».

Que dit-il ce racha ? « Qu’est donc ce culte pour vous ? » Et le texte de commenter ce propos « Pour vous et non pour lui » : il s’est détaché de la communauté de destin de son peuple. On lui répond alors : « L’Eternel a œuvré pour moi lors de ma sortie d’Egypte ». « Pour moi, commente le texte, et non pour lui. S’il s’était trouvé là-bas, il n’aurait pas été délivré ».

Alors, tout est dit ? Exit le racha ? Pas pour le Rabbi, bien sûr. Et il questionne donc le texte. Le racha y apparaît à la suite du sage et, qui plus est, il lui est comme attaché par un vav de liaison (rendu par la conjonction de coordination « et »). D’autre part, la présence même de ce fils là à la table du Séder intrigue : on vient d’affirmer que « S’il s’était trouvé là-bas, il n’aurait pas été délivré ». S’il est aussi radicalement exclu de la sortie d’Egypte, si elle ne le concerne pas, que vient-il faire dans le récit de cette sortie et que fait-il au Séder ?

Cette question est d’autant plus forte que, pour Rabbi Isaac Louria, les quatre coupes bues au Séder correspondent aux quatre fils. Ce qui veut dire que c’est la seconde coupe qui correspond au racha. Or, c’est précisément devant cette coupe que va être récitée la majeure partie de la Haggadah, le récit de la sortie !

Le Rabbi envisage ces questions dans leur complexité et leur profondeur et y répond point par point mais allons tout de suite à la conclusion essentielle à laquelle il parvient : quand au Sinaï, D.ieu s’adresse au peuple rassemblé, à tous et à chacun, nul de toute évidence n’est alors exclu. Or, que dit-on du racha : « S’il s’était trouvé là-bas », là-bas c’est à dire là-bas en Egypte, là-bas avant le don de la Torah. Mais justement, il ne s’y trouve pas ! Aujourd’hui, grâce à la Torah, lui aussi sera délivré !

Parce que nous prenons à cœur les quatre fils et aussi le cinquième, nous dit le Rabbi, nous mériterons l’ultime délivrance.


David-Méir Krief