La loi du Talion? Et mon oeil! L’ignorance n’interdit rien, bien au contraire. Elle permet même les pontifiantes billevesées que s’autorisent à propos de notre foi d’éminents Diafoirus. Au palmarès des âneries, qu’il convient de relever avant qu’elle se trouve déclassée par de plus modernes sottises, la lecture par eux faite du célèbre passage du Lévitique : « Comme il a agit lui-même, ainsi lui sera-t-il fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ».

O gentils journaleux, commentateurs si peu partiaux de certaine actualité, généralistes en tous genres qui, de longue date, avez reçu en infusion la science, comme vous savez faire dire à cette sentence tout autre chose que ce qu’elle dit au juif observant !

Il faut vous concéder cependant que ce texte est bien à l’origine du droit juif de la réparation des préjudices corporels causés à autrui.

Aucun doute là-dessus ! Le problème est juste qu’aussi loin que notre Tradition (qui a la mémoire fort longue) s’en souvienne, il n’a jamais été question de l’application vengeresse de ces impressionnantes mutilations mais du paiement de leur valeur monétaire arrêtée par des juges.

La seule chose d’ailleurs qui frappe vraiment dans ce système est sa surprenante modernité. Que, sans à priori, on en juge : il prévoit en faveur de la victime des réparations matérielles et morales sous la forme de cinq catégories d’indemnités qu’il est parfaitement possible de désigner par des termes actuels de notre droit positif. Ainsi, à l’incapacité physique permanente s’ajoutent la perte de revenus, les frais médicaux, le prix de la douleur, le dommage moral(le prix de la honte subie).

Pouvez-vous, pesants contempteurs imaginer ce que représente, dans l’histoire humaine l’irruption d’une telle construction juridique ? Le conflit, la violence sont au cœur des sociétés humaines. Et c’est notamment par le traitement que ces sociétés sont capables de leur accorder que se révèlent leur force ou leur faiblesse. Cent fois, mille

fois les praticiens laborieux du dénigrement ont vu leur attention appelée sur ce que par bienveillance on nommera leur erreur. Sans grand effet. Que pourtant cette surdité apparente n’affadisse pas notre zèle pédagogique : avec chaque réitération de l’évidence vérifiable qui contredit leur véhément babil, leur responsabilité se trouve plus certainement engagée. Soyons optimistes : peut-être un jour quelques uns s’en trouveront-ils moralement incommodés ? Oui, soyons très, très optimistes.

Barouh Ziegelman