Etudier la Torah : voilà un Commandement à ce point fondamental du judaïsme que nos Maîtres disent qu’à lui seul il équivaut à tous les autres.

Et pourtant, on explique interminablement, par ailleurs, l’importance primordiale de l’action c'est-à-dire de l’accomplissement concret, au sein du monde matériel, de l’ensemble des mitsvot. Comment résoudre cette apparente contradiction ?

La Torah est l’expression de la Sagesse divine et, en s’engageant dans son étude, l’intellect humain s’unit avec le Divin à la mesure de la compréhension qu’il en a. Et c’est dans cette forme d’unité, qui ne peut être autrement recherchée, que réside la supériorité de l’étude de la Torah. Pourtant cette étude est, au premier chef, celle de la hala’ha à partir du Talmud. Alors, interrogerons peut-être ceux qui ont une conception hollywoodienne de la spiritualité, comment dire qu’une telle unité peut-être poursuivie dans l’étude, par exemple, du cas célèbre entre tous, de deux individus qui se disputent un vêtement auquel, ensemble, ils se cramponnent ?

C’est seulement lorsqu’elle est ancrée en ce monde que peut être vécue une authentique spiritualité et la Torah a été comparée à l’eau qui descend d’un lieu élevé en demeurant inchangée jusqu’au niveau le plus bas. Exprimée ici-bas dans les termes qui peuvent être les plus matériels, ceux des hommes, elle n’en demeure pas moins la Sagesse et la Volonté de D.ieu.

Cependant, et malgré l’union avec le Divin qui peut être spécifiquement trouvée dans l’étude, les Maximes de nos pères le disent clairement : ce n’est pas l’étude qui est primordiale mais bien l’action.  Accomplir les mitsvot par lesquelles on agit concrètement sur le monde en même temps qu’on se lie à son Créateur telle est la raison première de notre vie en ce monde, voilà  pourquoi nos âmes ont été appelées à descendre ici-bas.

Cette primauté exprime le projet même de la Création : changer l’obscurité en lumière, faire de notre monde une demeure pour D.ieu. Certes, si l’étude atteint l’essence même de l’âme, l’accomplissement des mitsvot ne concerne d’abord que ce que la Tradition appelle ses « vêtements extérieurs », la pensée, la parole et l’action. Pourtant, quelle que soit sa grandeur, la connaissance, toujours, reste limitée, imparfaite, fragile. L’action engage absolument. A travers elle, c’est toute la vitalité du corps de chair qui est investie et élevée dans l’obéissance à la Volonté divine. C’est elle, d’abord, qui construit la Demeure.

Pour autant, l’accomplissement pleinement conscient, c'est-à-dire habité par une kavana, une intention profonde qui ne peut naitre que de l’étude et de la méditation, cet accomplissement-là est, à l’évidence, considérablement supérieur. Là, sans doute, à ce niveau précis,  peut-être envisagée une synthèse originale : l’action est absolument impérative et l’étude absolument nécessaire, la première ne prenant la plénitude de son sens que par la seconde et la seconde demeurant vaine sans la première.

David-Méir Krief