En 1936, le NKVD, la police secrète soviétique avait malheureusement réussi à éradiquer en grande partie le judaïsme en Russie. Même les quelques ‘Hassidim qui restaient fidèles aux lois de la Torah se cachaient et vivaient dans une terreur perpétuelle : être découvert ou dénoncé, puis arrêté, torturé et envoyé en esclavage en Sibérie pour y mourir de faim et de froid. Certains trouvaient le moyen d’enseigner secrètement la Torah à leurs enfants, de cuire des Matsot pour Pessa’h ou de prier avec un Minyane (quorum de dix hommes). Mais la fête de Souccotn’était vraiment pas simple à respecter : comment peut-on construire une cabane à ciel ouvert, au plafond recouvert de branchages sans éveiller les soupçons du KGB ?
Mais Rav Yits’hak Elchanan Shagalov était résolu à accomplir cette Mitsva sans compromis, comme d’ailleurs toutes les autres Mitsvot : «La Torah est plus précieuse que la vie elle-même» répétait-il à ses enfants ; ou encore : «Une vie sans Torah n’a aucun sens ! Les Soviétiques ne pourront jamais réduire nos âmes en esclavage !»
A l’arrière de la synagogue des ouvriers, dans la cour, se dressait une petite cabane en ruines. Elle était remplie d’un incroyable fourbis : des planches usées, des vieux journaux, des outils rouillés, des chiffons déchirés, des piles d’objets hétéroclites. Rav Yits’hak Elchanan Shagalov décida d’utiliser cette cabane. Quelques jours avant la fête, il enleva exactement deux planches du plafond et les remplaça par du feuillage.
La première nuit de Souccot, il réveilla ses six enfants – le plus petit n’avait que quelques mois – qui étaient blottis dans la synagogue, là où la famille avait dû trouver refuge après avoir été expulsée de sa maison. Il serra les enfants les uns contre les autres pour qu’ils se trouvent exactement sous le feuillage : ainsi chacun d’entre eux accomplissait la Mitsva. 
Durant le «repas» - qui consistait en quelques croûtons de pain - Rav Yits’hak Elchanan enseigna à ses enfants la célèbre chanson yiddish : «A Soukelé A Kleine» («Une si petite Souccah»). Ce chant évoque des vents violents qui menacent d’abattre la frêle Souccah ; une petite fille angoissée s’écrie que la Souccah va s’effondrer et que les bougies vont s’éteindre ! Mais son père la console : cela fait des milliers d’années que la Souccah résiste et aucun vent ne peut la déraciner ! De fait, telle était l’éducation ‘hassidique qu’il désirait inculquer à ses enfants : «Les vents violents, ce sont les Soviétiques et leur police secrète. Ils tentent de toutes leurs forces de détruire notre Souccah. Les bougies, ce sont les enfants juifs que les communistes souhaitent assimiler à leur culture. C’est pourquoi ils interdisent toute pratique religieuse. Mais nos enfants resteront fidèles à l’enseignement de la Torah et le judaïsme ne s’éteindra jamais !»
Puis Rav Yits’hak Elchanan changea légèrement les mots : au lieu de chanter : «Les bougies vont s’éteindre», il affirma de sa voix mélodieuse : «Regardez ce miracle ! Nos bougies ne s’éteignent pas !» Il répéta le chant encore et encore, jusqu’à ce que les enfants le connaissent par cœur et s’imprègnent profondément de son message.
Actuellement, les enfants de Rav Yits’hak Elchanan et Maryasha Shagalov sont eux-mêmes arrières-grands-parents d’environ cinq cents descendants qui sont tous responsables communautaires, émissaires du Rabbi, Rabbanim, enseignants et abatteurs rituels dispersés sur les cinq continents, assumant fièrement la continuation de l’éducation juive : les vents violents n’ont pas réussi à déraciner la fragile Souccah du peuple juif. Les bougies allumées par ces ‘Hassidim dans une cabane abandonnée au fond d’une cour éclairent encore le monde d’une lumière pure et éternelle.

E. Lesches 
traduite par Feiga Lubecki

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