Cette histoire s’est passée avec le Rav Berel Lazar, Grand Rabbin de Russie, venait d’achever son discours dans la superbe synagogue rénovée Marina Rochtsa de Moscou. Un jeune garçon s’approcha de lui :

- Monsieur le Grand Rabbin, je voulais vous poser une question : je sais qu’il est interdit d’écrire un jour de fête juive. Mais s’il s’agit d’un sujet très important, peut-on néanmoins écrire ?

Rav Lazar comprit immédiatement ce à quoi l’adolescent faisait allusion mais il voulut s’en assurer :

- L’examen !

En Russie, tous les élèves qui terminent leurs études secondaires doivent participer à un examen très important qui clôture ce cycle et leur permet d’entreprendre des études supérieures.

Mais quand on apprit la date de cet examen, le vendredi 29 mai, les directeurs d’écoles juives s’alarmèrent : c’était justement le premier jour de Chavouot !

Rav Lazar envoya une lettre au Ministre de l’Éducation, expliqua l’importance de la fête et la sainteté du jour en demandant qu’on repousse l’examen. Mais la réponse fut négative.

Peu après, il tenta une seconde fois d’intervenir à ce sujet : invité à participer à une réunion du gouvernement, en présence du Ministre de l’Éducation, il évoqua à nouveau le problème. Le Ministre écouta attentivement, déclara qu’il comprenait le dilemme auquel les élèves faisaient face mais maintint sa décision : «Il est trop tard ! Nous prendrons ce problème en compte l’année prochaine !» promit-il.

Et maintenant un jeune garçon, sérieux et sincère, se tenait devant le Grand Rabbin et demandait que faire.

- Il est absolument interdit d’écrire un jour de fête juive ! confirma Rav Lazar.

En entendant la réponse, le jeune garçon pâlit. Il se tut un instant, digérant avec angoisse ce que cela signifiait mais il se reprit et affirma :

- Si c’est ainsi, je ne me présenterai pas à l’examen ! Puisque le Rav a dit que c’est interdit, c’est interdit !

La détermination de l’adolescent émut profondément le Grand Rabbin. Il était en admiration devant le sacrifice qu’il s’apprêtait à faire, à refuser tout compromis afin de préserver la sainteté de la fête. «Je dois trouver une solution !» se dit-il.

Après la prière du soir, Rav Lazar ouvrit un livre de Likouté Si’hot du Rabbi de Loubavitch et le livre s’ouvrit tout seul sur un discours que le Rabbi avait prononcé Roch ‘Hodech Sivan 1980. Oui, Rav Lazar s’en souvenait très bien, il avait justement assisté à ce discours très particulier. Alors que le Rabbi s’exprimait d’habitude en yiddish, il avait tout à coup commencé à parler en russe, comme s’il s’adressait aux Juifs soviétiques encore prisonniers derrière le Rideau de fer : «Comme nous sommes maintenant à la veille de la fête de Chavouot, tous les enfants juifs – où qu’ils se trouvent – doivent s’adresser à leurs parents et leur demander qu’à partir de Roch ‘Hodech Sivan, ils se préparent pour recevoir la Torah durant la fête de Chavouot, fête du Don de notre Torah par le Maitre du monde Lui-même ! Les enfants doivent demander à leurs parents de les accompagner à la synagogue le premier jour de Chavouot car la loi en Union Soviétique permet à quiconque veut prier ou écouter la lecture de la Torah de se rendre à la synagogue !

De plus, continuait le Rabbi, les policiers doivent veiller à ce que personne n’essaie de les empêcher de se rendre à la synagogue écouter la lecture des Dix Commandements et que personne ne les dérange quand ils reviennent de la synagogue, en toute sérénité, avec joie et dans une ambiance de fête».

Rav Lazar était stupéfait de constater que ces paroles correspondaient exactement à la situation actuelle et cela lui donna des forces renouvelées. Dès la fin de Chabbat, il téléphona au Président de l’état, Dimitri Medvedev pour solliciter une entrevue de toute urgence.

- Comment puis-je vous aider ? demanda tout de go le Président.

- Oui, vous pouvez justement nous aider, Monsieur le Président !

- De quoi s’agit-il ?

- C’est bientôt notre fête de Chavouot !

- En quoi consiste la fête de Chavouot ? demanda poliment le Président.

- C’est la célébration du Don de la Torah…

- Ah oui, le coupa le président, la Torah, c’est quelque chose de sacré, n’est-ce pas ?

- Et c’est ce qui m’amène à notre problème, continua Rav Lazar. Comment expliquer à un enfant juif que le concept le plus sacré à ses yeux n’a aucune valeur aux yeux du gouvernement ? Comment pourra-t-il grandir avec des principes quand le gouvernement foule aux pieds ce qui est pour l’enfant la chose la plus sacrée ?

- Que voulez-vous dire ? demanda le Président, étonné.

- Dans notre Torah, il est écrit qu’à Chavouot il est interdit d’accomplir tout travail. Or ici, on oblige les élèves à passer un examen important en ce jour !

Le président avait compris et, sans répondre directement, décrocha son téléphone pour appeler le Ministre de l’Éducation : après une brève conversation, il annonça : «Monsieur le Grand Rabbin, le problème est réglé !».

Quelques jours plus tard, le Ministère de l’Éducation annonça que chaque enfant juif de Russie avait le droit de repousser l’examen car la loi du pays permet la liberté de religion…

Ce Chavouot, la synagogue était remplie de jeunes qui avaient eu la permission de repousser l’examen. A la fin de l’office, quand Rav Lazar sortit de la synagogue, il fut stupéfait d’apercevoir près de trente policiers qui assuraient la sécurité de l’endroit : «Exactement comme le Rabbi avait prophétisé en 1980 !» reconnut-il.

Les années ont passé. Le Ministre de l’Éducation fut remplacé par un autre qui n’avait pas été informé de cette disposition. Quand, à l’approche de Pessa’h, Rav Lazar apprit qu’à nouveau, l’examen avait été fixé le jour de Chavouot, il sollicita immédiatement une entrevue auprès du Président Poutine qui signa sur le champ un report de la date de l’examen pour tous les élèves juifs de Russie…

Sichat Hachavoua N° 1430
Traduit par Feiga Lubecki