C’est un homme occupé, très occupé. Gary (Tsvi Hirsch) Logvinsky représente l’Ukraine, son pays natal au parlement européen à Strasbourg. Mais son parcours n’a jamais été évident et il a dû franchir de nombreux obstacles avant d’être aperçu serrant la main de dirigeants internationaux.

Né à Kiev en Ukraine dans les années 70, il subit les affres du communisme soviétique qui y régnait d’une main de fer surtout contre la communauté juive. Quand la centrale nucléaire de Tchernobyl explosa, elle dissémina quantité de particules radioactives dans toute l’Europe. Les enfants de la région étaient particulièrement sensibles à ces radiations et nombre d’entre eux en subirent de plein fouet les conséquences dramatiques : ils étaient, de fait, condamnés du point de vue sanitaire, leur santé était en jeu.

C’est alors que le Rabbi de Loubavitch demanda à ses émissaires de faire sortir un maximum d’enfants juifs de la région, de les amener en Israël pour les y soigner et pour qu’ils respirent un air pur, non contaminé. Ces opérations s’étalèrent sur plusieurs mois à cause d’une bureaucratie tatillonne mais aussi à cause des réticences des parents comme des enfants (sans compter les sommes énormes nécessaires pour ces transferts et l’accueil des enfants en Israël). Gary arriva en Israël et fut admis en internat dans le village ‘hassidique de Kfar ‘Habad. Ne connaissant pratiquement rien du judaïsme, il fut patiemment éduqué comme ses camarades aussi bien du point de vue religieux que séculaire et célébra sa Bar Mitsva : son plus beau cadeau fut… quelques bouteilles de boisson gazeuse, un luxe auquel l’Ukraine ne l’avait pas habitué… Il se jura alors que, que si un jour il gagnait de l’argent, il distribuerait des barres de chocolat aux enfants du village ! Et comment parvint-il à réaliser son rêve ? Grâce au Rabbi !

Gary n’était pas un enfant facile. Il écrivit au Rabbi, le Rabbi qui l’avait aidé à fuir Tchernobyl mais qui lui répondit en 1992 (par l’intermédiaire du secrétariat de Kfar ‘Habad) qu’il fallait qu’il retourne chez ses parents, en lui souhaitant bénédiction et réussite. Après l’avoir sauvé médicalement, le Rabbi le sauvait mentalement.

De retour en Ukraine, Gary retrouva ses parents, étudia le droit et devint avocat et homme d’affaire prospère. Il a même été nommé Avocat assermenté durant deux années de suite, un honneur rare accordé par le président de l’état. Voici par exemple comment il eut à gérer le cas kafkaïen de Vadim Rivkin, un cas digne du Livre des Records, sourit Gary : « Son avocat m’avait rencontré dans les couloirs du parlement et m’avait averti que, si je ne m’occupais pas de lui, il risquait de mourir en prison, à cause de sa tension artérielle très élevée. Personnellement, je ne voulais pas m’impliquer parce que Vadim était accusé de crimes terribles. Mais son avocat insista. Je lui demandai tous les documents que j’étudiai attentivement. Je proposai de parvenir à un compromis avec le procureur pour qu’il puisse sortir immédiatement de prison surtout en raison de son état de santé. L’avocat accepta mais son « client » ne voulut pas en entendre parler ! Cela me sembla étrange : un prisonnier qui refuse d’être libéré ?

« Je suis allé lui parler en prison et il m’expliqua que, s’il signait, cela équivaudrait à reconnaître des fautes qu’il clamait ne pas avoir commises ! Il parlait avec tant de conviction et de peine que je me mis moi aussi à douter de sa culpabilité. Mais que pouvais-je faire ? Sa santé se détériorait de jour en jour et j’exigeai donc un examen médical approfondi. Les autorités pénitentiaires refusèrent et je fus obligé de faire appel au tribunal qui refusa sa mise en liberté mais accepta de le faire examiner dans un hôpital. On le sortit donc de prison et il fut hospitalisé. Mais là, un nouveau problème surgit : c’était un hôpital « de luxe » où étaient soignées les plus hautes autorités de l’état et on ne voulait pas soigner ce repris de justice aux vêtements déchirés… Je m’interposai et m’adressai directement au directeur de l’hôpital : « Si je sors d’ici et que lui n’y entre pas, je me chargerai – dans le cadre de mes fonctions – que vous ne puissiez pas continuer à diriger cet établissement ! ». Il comprit l’allusion et Vadim fut immédiatement examiné sérieusement. On découvrit qu’il souffrait d’une hémorragie interne et qu’il perdait beaucoup de sang, ce qui expliquait sa tension si élevée. S’il n’avait pas été soigné dans les trois ou quatre jours, il aurait normalement perdu la vie.

Pendant ce temps, je m’intéressai à son dossier et je me mis à examiner les « preuves » contre lui. De fait, ces « preuves » étaient inexistantes : il avait soi-disant été reconnu seulement par sa voix car l’agresseur était masqué. Le témoin sur lequel reposait toute l’accusation avoua qu’il avait désigné Vadim parce qu’il était juif – tout simplement.

Vadim put sortir et fut condamné à une liberté surveillée à domicile. Mais il n’avait pas de domicile… Je réussis à persuader le juge d’accepter de le laisser séjourner dans la synagogue d’Oujhorod. Je pense qu’il mérite vraiment d’entrer dans le Livre des Records car il est le seul homme condamné à une liberté surveillée pendant deux ans alors que sa maison était, de fait, une synagogue. Finalement, il été blanchi de toutes les accusations, sa santé s’est améliorée et, à force de fréquenter la synagogue, il est devenu un Juif honnête, intègre et de plus en plus pratiquant.

De mon histoire personnelle, conclut Gary, je retiens qu’il n’existe pas de meilleur investissement que l’enfant. Et non les machines ou le pétrole. Le Rabbi et ses émissaires ont travaillé sans relâche pour nous sauver physiquement et spirituellement de notre affreuse situation à Tchernobyl et leurs efforts ont connu le succès. Je m’adresse à tous ceux qui ont la possibilité d’investir : vous ne voyez pas toujours de suite les fruits de votre générosité mais si vous aidez les institutions éducatives, vous pourrez être fiers de votre investissement dans dix ou vingt ans. L’argent qu’on a misé sur mon éducation a été bien employé, bien mieux que s’il avait été investi dans l’immobilier ou la bourse. Moi aussi, maintenant que j’en ai la possibilité, j’essaie d’améliorer l’éducation dans mon pays.

Et pas seulement en accomplissant mon rêve de distribuer des chocolats à tous les enfants de Kfar ‘Habad !

‘Haïm Gil - Kfar Chabad N° 1816

Traduit par Feiga Lubecki