Samedi, 25 mars 2017

  • Vayakhel - Pekoudeï
Editorial

 Sur le chemin de la Liberté

Cette fois, toute une semaine est passée depuis la Fête de Pourim. Autant dire que l’allégresse si caractéristique du moment s’estompe trop rapidement, comme par nature. Et pourtant, ne rêvons-nous pas tous d’un Pourim qui ne s’achèverait pas ? Hélas, force est de constater qu’il s’agit aussi d’un jour comme les autres, qui s’inscrit dans le temps et se soumet, même contraint et forcé, à son inexorabilité ? Pourtant, nos Sages ont su exprimer une réalité plus profonde en une de ces formules qui changent tout ce qu’elles touchent, faisant comme une perception renouvelée du monde : «On rapproche», enseignent-ils, «une Libération d’une autre, de Pourim à Pessa’h». Même si ces deux fêtes commémorent des événements séparés par plusieurs siècles et même si, dans l’histoire, Pessa’h arriva en premier alors que, dans le calendrier, il se présente en deuxième, ces jours nous offrent un message commun. Et celui-ci est éternel : c’est de Libération qu’il s’agit.

La Libération de Pourim fut telle qu’elle sauva miraculeusement la vie du peuple juif dans l’ensemble du monde de l’époque et qu’elle élimina ses ennemis ancestraux. Cependant, l’exil ne s’acheva pas là. Les Juifs restèrent encore de longues années en Perse après cette victoire avant de pouvoir enfin retourner en Israël et y construire le second Temple. La fête de Pessa’h présente un autre degré. La Libération qu’elle incarne fut celle, concrète, d’un peuple qui quitte la servitude sous la conduite de D.ieu afin de pleinement mettre en œuvre la mission qui lui a été confiée depuis la création de l’univers : faire de ce monde Sa demeure. Passer de Pourim à Pessa’h, c’est, d’une certaine manière, s’élever de niveau en niveau. C’est aller de Liberté en Liberté comme on va de monde en monde, émerveillés de toujours découvrir des horizons nouveaux et enthousiastes à la pensée de s’approcher à chaque pas de l’accomplissement ultime.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Libérés à Pourim, nous avançons vers Pessa’h avec la liberté chantant dans notre cœur et notre esprit. Cette liberté-là ne nous abandonne jamais. Elle peut parfois résonner plus sourdement, étouffée par le poids du quotidien. Elle peut même sembler  menacée par nos ennemis du dehors. Elle reste cependant présente. Avec Pourim, elle fait entendre sa grande voix, qui a déjà bousculé les barrières, écarté les obstacles. Avec Pessa’h, elle sera le chant majeur et, sur le chemin qui nous y conduit, nous sentons monter ce dernier dans toute sa puissance et sa grandeur. Il ne faut pas s’y méprendre : cette Liberté en marche n’est pas celle d’un temps ou celle d’un lieu. Elle est la Liberté éternelle du temps de Machia’h. Elle est celle qui commence, dès à présent, en nous. Si nous le voulons.

Etincelles de Machiah

 D.ieu sera Un

Parlant du temps de Machia’h, le prophète (Zacharie 14 :9) annonce : “En ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un”. Il convient de préciser ce qu’une telle idée apporte à la grandeur de la nouvelle ère.

En fait, aujourd’hui, l’unité de D.ieu et son Omniprésence ne sont pas manifestes. Ainsi l’univers peut sembler être une entité indépendante de la Divinité et autonome par rapport à Elle. En revanche, lorsque le Machia’h viendra, chacun verra que l’univers s’efface devant la Lumière Divine qui le pénètre et le fait vivre constamment. A ce moment, la réalité profonde du concept d’Unité Divine apparaîtra à tous.

(d’après Torah Or, Vaéra, p. 55c) 

Vivre avec la Paracha

 Vayakhel-Pekoudé

Vayakhel

Moché réunit le peuple d’Israël et réitère le commandement d’observer le Chabbat. Il transmet alors les instructions de D.ieu concernant la construction du Michkan (le Tabernacle). Le peuple fait don, en abondance, des matériaux requis, apportant de l’or, de l’argent et du cuivre, de la laine teinte en bleu, violet et pourpre, des poils de chèvre, du lin tissé, des peaux de bête, de la laine, du bois, de l’huile d’olive, des herbes et des pierres précieuses. Moché doit leur demander de cesser leurs dons.

Une équipe d’artisans au cœur sage construit le Michkan et son mobilier (comme cela a été décrit dans les Parachiot précédentes : Teroumah, Tetsavé et Ki Tissa) : trois couches pour les couvertures du toit, 48 panneaux muraux plaqués d’or et 100 socles d’argent pour les fondations, la paro’hèt (voile) qui sépare les deux chambres du Sanctuaire et le Massa’h (écran) pour le devant, l’Arche et son couvercle avec les Chérubins, la Table et ses Pains de Présentation, la Menorah à sept branches avec son huile tout spécialement préparée, l’autel d’or et les encens qui y sont brûlés, l’huile d’onction, l’autel extérieur pour les offrandes que l’on doit brûler et tout son équipement, les cintres, les poteaux, et les socles de fondation pour la cour et enfin le bassin et son piédestal, fait de miroirs de cuivre.

Pekoudé

On procède au décompte de l’or, l’argent et le cuivre donnés par le peuple pour la fabrication du Michkan. Betsalel, Aholiav et leurs assistants fabriquent les huit habits sacerdotaux : le tablier, le pectoral, le manteau, la couronne, le chapeau, la ceinture et les pantalons, selon les instructions communiquées par Moché dans la Paracha Tétsavé.

Le Michkan est achevé et tous ses composants sont présentés à Moché qui l’érige et l’oint avec la sainte huile d’onction. Il initie à la prêtrise Aharon et ses quatre fils. Une nuée apparaît au-dessus du Michkan, signifiant que la Présence Divine est venue y résider.

Vayakhel évoque Moché réunissant le Peuple juif pour lui donner le commandement de construire un Sanctuaire et dans Pekoudé nous sont relatés la façon dont ce travail fut mené à terme, un recensement du peuple et l’offrande de sacrifices.

Une question se soulève puisque l’on sait que la Torah ne renferme pas un mot ou une lettre inutile. Or force nous est de constater ici que les détails concernant la construction du Michkan ont déjà été énoncés dans Teroumah et Tétsavé. Pourquoi donc ne pas simplement dire que Moché donna le commandement et que les Enfants d’Israël l’accomplirent, sans en répéter tous les détails ?

La réponse à cette question s’appuie sur le principe de l’éternité de la Torah. Tout ce qui y est mentionné sert de leçon constante, s’appliquant en tout temps et en tous lieux. Cela s’applique également à tout ce qui concerne la construction du Michkan et du Beth Hamikdach, quand bien même ils n’existent plus. Les trois récits différents représentent trois étapes dans le service de D.ieu.

Au premier niveau, D.ieu commanda à Moché de construire un Sanctuaire. Il lui montra, sur le Mont Sinaï, une vision spirituelle du Tabernacle. Au second niveau, Moché relaya cette injonction au Peuple juif. L’on pourrait penser qu’après avoir enseigné, en y mettant toute l’emphase nécessaire, le commandement de D.ieu, il ne serait pas nécessaire de le répéter. La Torah nous dit le contraire et juge bon de le réitérer, lors d’un troisième récit, mettant l’accent sur l’importance de l’accomplissement concret de cet acte.

Cette leçon s’applique tout au long de la vie d’un Juif. Nous devrions commencer en suivant « la bougie de la mitsva et la lumière de la Torah ». Elles servent de flambeaux, illuminant le chemin et la direction de notre activité. C’est l’étude de la Torah qui nous montre que faire. Plus encore, l’étude et la connaissance de la Torah nous motivent à agir selon ses injonctions. Son étude possède une qualité unique : elle nous permet de mettre en pratique ce que nous avons étudié en théorie.

Les connaissances profanes ne possèdent pas une telle qualité. Bien au contraire, un fossé sépare souvent la connaissance et l’action. Nous en avons eu un exemple probant dans les événements qui ont marqué les générations précédentes. La nation qui se tenait au summum de la sophistication intellectuelle et culturelle, le peuple qui était considéré comme le plus raffiné, éthiquement et philosophiquement, se métamorphosa complètement et démontra une cruauté et une brutalité extrêmes. Ce qui est encore pire est que cette brutalité fut exaltée comme le but de la vie.

Par contre, la Torah est appelée « vérité » et « vie ». L’étude de la Torah mène à l’action. Nos Sages commentent la demande de D.ieu : « Que les Juifs M’oublient mais qu’ils se rappellent de Ma Torah. Pourquoi ? Parce que la lumière de la Torah les fera revenir vers le bien ». Même celui qui est si étranger au judaïsme qu’il a abandonné D.ieu sera influencé par la Torah s’il y goûte. La Torah qu’il étudie l’élèvera et le conduira au niveau du Baal Techouvah, un niveau de service divin supérieur à celui du Tsaddik parfait.

Les trois étapes que l’on a décrites servent à illustrer le processus selon lequel « l’étude conduit à l’action ». Le Juif commence à Teroumah-Tétsavé, entendant le commandement de D.ieu. Puis il se dirige vers Vayakhel, il l’enseigne à quelqu’un d’autre. Même s’il n’est qu’un enfant, qu’il n’a pas encore atteint l’âge de la Bar Mitsva, il peut chercher un enfant plus jeune que lui et lui raconter ce qu’il a entendu de Moché (qui a répété le commandement de D.ieu). Il rassemble (sens de Vayakhel) tous les Juifs sous son influence et leur dispense son enseignement. Autant d’importance est attribuée au fait d’enseigner à autrui qu’à étudier soi-même. Ensuite, il va vers Pekoudé, la tâche qui consiste à accomplir le commandement et à faire le compte des activités, ce dont la Torah souligne également l’importance.

L’un des principes fondamentaux de la Torah est que « D.ieu ne demande qu’en fonction de tes forces ». Nous devons donc comprendre que nous avons tous le potentiel de sentir la présence divine dans ces trois niveaux du service.

Et grâce à cela, bien qu’ « une nuée couvre le Sanctuaire », D.ieu ouvrira « un chemin pour Moché au milieu des nuages » et donc un chemin pour chaque Juif. Cela hâtera l’accomplissement de tout ce qui précède dans le troisième Beth Hamikdach, rapidement de nos jours !

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que la Matsa Chmourah ?

En hébreu, « Chmourah » signifie « gardée » et ce terme décrit parfaitement ce qu’est cette Matsa. La farine utilisée pour sa fabrication est gardée, protégée de tout contact avec de l’eau, depuis le moment de la moisson. En effet, si elle venait à être mouillée, elle pourrait lever et devenir impropre à la consommation pendant Pessa’h.

Ces Matsot sont rondes, pétries à la main et ressemblent à celles que les enfants d’Israël consommèrent lorsqu’ils quittèrent l’Egypte. Elles sont cuites en moins de dix-huit minutes sous stricte surveillance rabbinique, afin de s’assurer qu’elles ne puissent en aucune façon augmenter de volume et devenir levain pendant la fabrication. La Matsa Chmourah doit être utilisée pendant les deux nuits du Séder, c’est-à-dire lundi soir 10 avril et mardi soir 11 avril 2017, en particulier pour les trois Matsot posées sur le plateau. Chaque convive à la table du Séder mangera de la Matsa Chmourah. Certains ont la coutume d’en consommer pendant toute la fête.

Le Zohar appelle la Matsa Chmourah : l’aliment de la foi et l’aliment de la guérison.

Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé son ménage de Pessa’h pour acheter les Matsot ; il suffira de les stocker à l’abri de tout ‘Hamets et de toute humidité.

(d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)

Le Recit de la Semaine

 Nous étions en Thaïlande et les médicaments étaient restés au Cambodge…

Cela faisait déjà quelques années que, sur la suggestion d’un ami, j’avais pris l’habitude de fréquenter le Beth ‘Habad de Savoy à Johannesburg. J’avais appris à aimer le lieu, la communauté et le rabbin, Rav Ash – toujours à la recherche de bonnes actions et prompt à nous encourager à répandre le bien : fidèle à la pensée du Rabbi, il répétait que même un peu de bien peut illuminer beaucoup d’obscurité.

Dernièrement, nous avons entrepris un beau voyage qui nous a menés de l’Afrique à l’Asie, de Johannesburg au Cambodge puis de là, à Koh Samui en passant par Bangkok. A notre arrivée en début d’après-midi, ma femme me demanda où j’avais rangé les médicaments de notre fille. Je lui rappelai qu’elle les avait elle-même administrés à notre fille le matin à l’hôtel de Phnom Penh (Cambodge) avant de prendre l’avion. Elle réalisa alors qu’elle les avait sans doute oubliés là-bas. Nous avons téléphoné à l’hôtel et reçûmes la confirmation qu’on y avait retrouvé les précieux médicaments. A partir de là, que faire ?

Nous avons contacté notre compagnie d’assurances : il a fallu une heure d’attente pour parler à un « responsable » qui, absolument désolé n’est-ce pas, nous conseilla de nous rendre à l’hôpital le plus proche. Quand j’expliquai qu’on ne pouvait pas trouver ces médicaments en Thaïlande et que je suppliai qu’on m’en envoie d’autres, on m’informa que, contrairement à ce que j’avais cru comprendre en souscrivant mon contrat, il n’était pas possible d’envoyer des médicaments d’un pays à l’autre.

J’appelai mon agent de voyage à Phnom Penh : il proposa de récupérer les médicaments à l’hôtel et d’essayer de les envoyer par la poste à Koh Samui. On venait de me signaler que ce n’était pas possible, ce qu’il me confirma, dépité, une heure plus tard. Je proposai de lui payer le voyage aller-retour, avec une nuit d’hôtel sur place mais il demanda une heure pour réfléchir. Deux heures plus tard, après bien des textos, il signifia son refus.

Que faire ? L’un de nous deux devait-il entreprendre le voyage au Cambodge ?

Puis j’eus une IDEE géniale.

Mais bien sûr ! Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ?

Là où il y a le fameux soda, il y a Loubavitch, n’est-ce pas ? Google me donna le nom et le numéro de téléphone :

- Ici Rav Butman de Phnom Penh. A votre service !

Soulagé, je lui expliquai la situation. Il comprit vite l’urgence et déclara qu’il était prêt à récupérer les médicaments et à les apporter à l’aéroport. Il connaissait un des agents en charge là-bas. Une demi-heure plus tard, mon agent de voyage me téléphonait pour m’annoncer que « mon ami » était venu prendre les médicaments et se chargeait de les acheminer. Une heure plus tard, Rav Butman téléphona depuis l’aéroport où il essayait de trouver un voyageur prêt à prendre les médicaments pour les apporter à Koh Samui. Malheureusement, une demi-heure plus tard, il m’annonçait que la sécurité lui avait refusé l’accès à la zone des voyageurs (inutile de préciser que, si quelqu’un déguisé en rabbin m’avait demandé de prendre un paquet, j’aurais moi aussi certainement refusé tout net !).

Ce qui arriva ensuite me stupéfia.

Rav Butman avait téléphoné à son ami et collègue, Rav Mendy Goldschmidt de Koh Samui. Tous deux avaient convenu qu’il suffisait, n’est-ce pas, que Rav Butman prenne un vol pour Bangkok, confie le paquet au bureau de Thaï Airways qui le remettrait au centre Loubavitch de Koh Samui. Rav Butman me demanda de me rendre le lendemain matin au Centre Loubavitch de cette ville où je me trouvais et Rav Goldschmidt me le remettrait.

Effectivement, le lendemain matin, je reçus un texto de Rav Goldschmidt : les médicaments étaient bien arrivés ! J’envoyai un texto à Rav Butman (je vous rappelle que je ne le connaissais pas) et il mentionna qu’il n’avait pu obtenir un vol de retour depuis Bangkok que le lendemain matin : il avait donc passé une nuit certainement inconfortable à l’aéroport ! Je ne pouvais plus parler tant son geste dépassait toute mesure de gentillesse. De plus, il avait fait tout cela sans être sûr qu’il serait jamais remboursé de ses frais !

Je me rendis bien sûr au Centre ‘Habad de Koh Samui et me présentai. Rav Goldschmidt m’accueillit avec un grand sourire et me demanda si je pouvais lui rendre service en complétant un Minyane (office de dix Juifs) pour un endeuillé qui devait réciter le Kaddich. J’acceptai bien entendu.

Ma femme connaissait les usages chez Loubavitch et savait qu’un simple Minyane pouvait se poursuivre avec quelques paroles de Torah et un petit verre de Le’haïm. Donc quand j’arrivai à notre hôtel seulement deux heures plus tard, elle ne fut pas surprise…

J’envoyai un email à Rav Butman pour lui demander ses coordonnées bancaires afin de lui rembourser ses frais et participer modestement à ses activités bienfaisantes.

J’ai l’impression que je vais rester en contact avec Rav Butman. Le Cambodge a une histoire difficile. Dans les années 70, des millions de gens innocents y ont été massacrés par leur propre gouvernement et nous, les Juifs, nous savons que l’horreur de ces événements est indélébile. Je suppose que Rav Butman est en contact avec des survivants et qu’il pourra peut-être en amener quelques-uns en Afrique du Sud afin que nous puissions apprendre d’eux les capacités de résilience de l’être humain et la nécessité de répandre le bien.

A nous de prendre exemple sur l’aptitude de ces Loubavitch que j’ai rencontrés au cours de mes voyages et au cours de ma vie à répondre présent chaque fois qu’on peut aider un Juif.

Jeffrey Shankman – Chabad.org Magazine - Terouma

Traduit par Feiga Lubecki