Semaine 12

  • Vayakhel - Pekoudeï
Editorial

L’appel du ‘Hamets

Pourim et ses fastes passés, voici Pessa’h et sa grandeur qui approchent. Il est vrai que l’on abandonne jamais vraiment une de nos célébrations et que le message de Pourim vibrera en nous jusqu’à ce que, l’an prochain, la fête brille de nouveau de tous ses feux. Cependant, alors que le temps avance, Pessa’h prend de plus en plus l’aspect d’une réalité concrète. Il emplit peu à peu le champ de nos préoccupations.
Chacun le sait : la période actuelle est celle des préparatifs. Certes, le moment n’est pas encore venu où nous raconterons l’éternelle histoire de nos retrouvailles avec la liberté et de notre rendez-vous avec D.ieu. Toutefois, dans chaque maison juive, règne déjà une atmosphère différente. L’effort a commencé, tout de tension vers le jour attendu. Et cet effort a un nom, il s’appelle recherche du ‘Hamets. Bien sûr, l’œuvre à accomplir est d’abord d’ordre ménager, le nettoyage minutieux est à l’ordre du jour. Ne s’agit-il pas d’éliminer de nos maisons tout levain ou tout produit en contenant conformément à la prescription de la Torah ? Cet impératif suffirait, par lui-même, à justifier un éditorial. Cependant, afin de vivre Pessa’h pleinement dans quelques semaines, c’est aussi à une véritable préparation spirituelle que nous sommes d’ores et déjà invités.
Le ‘Hamets est ainsi également symbole d’une réalité toujours indésirable. Il est cet élément qui fait gonfler ce qu’il touche en le remplissant de vide, d’air. Il y a là figure d’un travers de l’esprit humain. Trop souvent, pénétrés du sentiment de notre propre importance, nous laissons ainsi notre personnalité enfler, anxieux de prendre une place que nous jugerons enfin assez remarquable pour justifier l’arrêt de cette expansion. Nous savons aussi que cette enflure progressive ne pourra jamais prendre vraiment fin car elle ne parviendra pas à satisfaire ce qui devient vite un orgueil et un égoïsme hypertrophiés.
Pourtant, les hommes sont faits pour vivre en harmonie, pour comprendre et aimer l’autre, pour travailler ensemble à une œuvre d’autant plus belle et grande qu’elle est sereine et commune. C’est bien là l’enjeu de l’heure. D’une certaine façon, chasser le ‘Hamets, c’est se retrouver soi-même.

Etincelles de Machiah

Du nord

Le Midrach (Devarim Rabba, sec. 21) annonce : “le Machia’h viendra du nord comme il est écrit (Isaïe 41 :25) : ‘Je l’ai élevé du nord et il est venu’”. Il convient de comprendre le rapport particulier du Machia’h avec le nord. Pourquoi cette précision est-elle donnée ?
En fait, le nord est connu par ailleurs comme représentant, au contraire, un aspect négatif. C’est ce que le prophète Jérémie indique (1 :14) : “Du nord commencera le mal”. Précisément, la venue du Machia’h marquera l’achèvement du raffinement et de l’élévation de ce “nord”-là, c’est-à-dire la transformation du mal même en bien. N’est-il pas écrit (Psaumes 139 :12) : “Et la nuit brillera comme le jour” ? Le “nord” lui-même, malgré ses premières implications négatives, diffusera la lumière.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Likouteï Si’hot, vol. XVII, p. 514)

Vivre avec la Paracha

Vayakhèl Pekoudé :Le ciel et la terre


Les 79 976 mots et les 304 805 lettres du ‘Houmach (les « Cinq livres de Moché ») contiennent la Torah toute entière. Tout y est: toute la Hala’hah ( la loi de la Torah), les histoires du Midrach, la vaste mer homilétique de la Aggadah, les innombrables perspectives des travaux mystiques, philosophiques et éthiques de la Torah, à travers toutes les générations. En fait, pas un mot, pas une lettre ne sont superflus dans le ‘Houmach: si un verset se répète lyriquement, si deux mots sont utilisés alors qu’un aurait suffi, si un mot plus long est employé là où un plus court aurait été adéquat, c’est qu’il y a ici un message, un nouveau concept, une autre loi. Rabbi Akiva, nous dit le Talmud, déduisait «des montagnes et des montagnes de lois à partir d’une lettre» dans la Torah.

Et pourtant, deux sections de la Torah, Vayakhèl (Chemot 35:1-38:20) et Pekoudé (Chemot 38 :21-40:38) consistent pratiquement dans leur totalité en une répétition apparemment inutile. Dans les sections précédentes de Teroumah et Tetsavéh (Chemot 25-30), la Torah se livrait à un récit détaillé des instructions de D.ieu à Moché, concernant la construction du Sanctuaire, son ameublement et les habits sacerdotaux portés par ceux qui allaient y accomplir le service. Et puis, dans Vayakhèl et Pekoudé, nous est relatée la façon dont le Peuple Juif mit en pratique ces instructions. A nouveau, nous sommes informés de la construction du Sanctuaire dans ses moindres détails, jusqu’aux dimensions de chaque pilier, chaque panneau et chaque tapisserie, des matériaux de chaque habit et des figures sculptées dans l’or de la Menorah (vingt-deux gobelets, onze sphères et neuf fleurs). Une simple phrase, du type «et les enfants d’Israël exécutèrent le Sanctuaire exactement comme D.ieu l’avait ordonné à Moché» aurait «épargné» à la Torah plus d’un millier de mots!

La traduction

En fait, il existe deux sanctuaires: un modèle céleste et un édifice terrestre. Dans Ses instructions à Moché, D.ieu se réfère à «la forme qui t’a été montrée sur la montagne». Sur le sommet du Mont Sinaï, il avait été montré à Moché une image de la résidence dans laquelle D.ieu désirait demeurer ; au pied de la montagne, le peuple traduisit cette vision spirituelle en une structure matérielle de cèdre et d’or.

Jamais dans l’histoire, un traducteur n’avait eu à se mesurer au défi de deux «langues» si dissemblables! L’esprit est impalpable, la matière est concrète. L’esprit est infini, la matière est définie par le temps et l’espace. Mais plus essentiellement encore, l’esprit est, par nature, capable de se subordonner à une vérité supérieure alors que la matière ne reconnaît rien d’autre que sa propre immanence. Et pourtant, c’était une résidence dans le monde matériel que désirait D.ieu. C’était dans le Sanctuaire matériel que la Présence Divine vint résider et non dans le Sanctuaire en haut du Mont Sinaï.

Certes, l’univers matériel est la plus inférieure des créations divines, la plus inférieure dans le sens où c’est elle qui est la moins consciente de sa signification inexistante devant D.ieu, la moins expressive de sa source et son dessein divins. Mais c’est précisément à cause de leur «infériorité» que D.ieu désirait que les substances matérielles constituent un Sanctuaire pour abriter Sa présence. D.ieu désirait que le monde matériel, avec toutes ses limitations et ses imperfections soit sanctifié et élevé en servant un dessein divin.

C’est là que réside la leçon des deux Sanctuaires : ne vous découragez pas devant le fossé immense qui sépare l’esprit et la matière, entre la théorie et la pratique, entre l’idéal et la réalité. En réalité, il est virtuellement impossible de reproduire la perfection de l’esprit dans un monde matériel, mais ce n’est pas une reproduction que D.ieu veut. Il veut un Sanctuaire concret, un sanctuaire construit des matériaux finis de la vie matérielle.

Pour mettre l’accent sur ce fait, la Torah utilise près de deux cents versets «supplémentaires» dans son récit de la construction matérielle du Sanctuaire. Chaque panneau, chaque socle et chaque tasseau fabriqués par les Enfants d’Israël ressemblaient dans chacun de leurs détails, au modèle spirituel décrit plusieurs chapitres plus tôt; mais il s’agissait de quelque chose de différent, d’un Sanctuaire différent.
Oui, la terre doit être un miroir des cieux, pour y réfléchir, dans chaque détail, l’empreinte divine pour la vie. Mais elle reste matérielle dans sa nature et sa substance, une demeure concrète pour D.ieu, utilisant les caractéristiques spécifiques de la matérialité pour exprimer la vérité divine.

Le Coin de la Halacha

Qu'est-ce que la Matsa Chmourah ?

En hébreu, « Chmourah » signifie « gardée » et ce terme décrit parfaitement ce qu'est cette Matsa. La farine utilisée pour sa fabrication est gardée, protégée de tout contact avec de l'eau, depuis le moment de la moisson. En effet, si elle était mouillée, elle pourrait lever et devenir impropre à la consommation pendant Pessa'h.
Cet Matsots sont rondes, pétries à la main et ressemblent à celles que les enfants d'Israël consommèrent lorsqu'ils quittèrent l’Egypte. Elles sont cuites en moins de 18 minutes sous stricte surveillance rabbinique, afin de s'assurer qu'elles ne puissent en aucune façon augmenter de volume et devenir levain pendant la fabrication. La Matsa Chmourah doit être utilisée pendant les deux nuits du Séder, c'est-à-dire lundi soir 5 avril 2004 et mardi soir 6 avril 2004, en particulier pour les trois Matsots posées sur le plateau.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé son ménage de Pessa’h pour acheter les Matsots ; il suffira de les stocker à l’abri de tout ‘Hametz.

F. L.

De Recit de la Semaine

Le fruit de son labeur

Né en Ukraine en 1930, Rav Aaron Zakon y reçut une solide éducation ‘hassidique. Après avoir survécu aux horreurs de la guerre et du communisme, il arriva aux Etats-Unis en 1948 ; il s’y maria et fonda une grande famille.
En 1962, il devint professeur de « Talmud Torah », c’est-à-dire qu’il donnait des « cours de religion » aux enfants juifs qui fréquentaient l’école publique. Ces cours avaient lieu à la fin de la journée d’étude et, bien entendu à cette heure-là, les enfants étaient loin d’être motivés et intéressés. Pour eux, le judaïsme ne représentait pas grand-chose puisqu’il n’en voyait que peu de pratique dans leurs maisons.
Après plusieurs années, il se sentit si découragé qu’il écrivit au Rabbi : il décrivait sa frustration, combien il avait l’impression de perdre son temps (à ses proches, Rav Zakon disait : « J’ai l’impression de parler aux murs ! »)
Le Rabbi répondit : « Continuez ce travail et vous verrez les fruits des fruits de votre labeur ! »
Et c’est ainsi que pendant plus de dix ans, Rav Zakon continua ce travail ingrat. Parfois il invitait ses élèves à passer Chabbat chez lui : son épouse s’efforçait de les accueillir le mieux possible, préparait d’excellents repas, des histoires, des jeux etc… mais, après leur départ, elle aussi ressentait cette frustration : « Le judaïsme ne les intéresse absolument pas ! » En effet, quand les garçons arrivaient, ils acceptaient de mettre une Kippa sur la tête mais on sentait combien ils ridiculisaient cette pratique (les filles étaient plus respectueuses des usages de la maison).
En 1972, la population du quartier avait changé et le « Talmud Torah » ferma ses portes. Rav Zakon, qui n’avait presque plus de voix à force d’enseigner, devint un de ces commerçants typiques de Kingston Avenue, dans le quartier Loubavitch de Crown-Heights à Brooklyn.
Un jeudi soir, alors qu’il fermait son magasin, sa voisine, Mme ‘Hannie Hecht qui tenait un magasin de vêtements non loin de là, lui dit qu’elle avait un message important pour lui.
‘Hannie se fournissait depuis plusieurs années chez une grossiste, Renée Ripinski à Manhattan. Jusqu’à présent, leurs relations avaient été strictement commerciales mais ce jour-là, Renée avait ouvert son cœur : « J’avais un ami que je fréquentais depuis longtemps. Il voulait m’épouser, mais j’ai refusé : je ne pouvais pas l’épouser parce qu’il n’était pas Juif. Nous avons rompu ».
Curieuse, ‘Hannie lui demanda : « Et qu’est-ce qui vous empêche de l’épouser ? »
Renée expliqua alors que, trente ans plus tôt, elle avait étudié au Talmud Torah ; le professeur était un ‘Hassid de Loubavitch et il avait expliqué qu’un Juif reste toujours un Juif et ne doit se marier qu’avec un Juif pour que la nation survive et ne s’assimile pas. Il était intransigeant dès qu’il s’agissait d’assimilation. Pour lui, l’identité juive était très importante : « Vous devez savoir qui vous êtes » disait-il souvent.
« Et comment s’appelait-il ? »
« Oh, il n’est sûrement plus vivant aujourd’hui ! Il avait déjà une barbe blanche, il y a trente ans ! Il s’appelait Rav Aaron Zakon ! »
(De fait, les cheveux et la barbe de Rav Zakon avaient blanchi quand il avait vingt ans).
Bien que Renée n’ait plus eu aucun contact avec Rav Zakon ou d’autres rabbins, ces mots s’étaient gravés dans son cœur et elle n’avait pas pu oublier qu’elle faisait partie du peuple juif, au point de refuser une offre de mariage ! Et tout cela alors que Rav Zakon était persuadé qu’il parlait aux murs !
‘Hannie rassura Renée : Rav Zakon était bien vivant et, de plus, il était son voisin ! Renée en fut bien sûr très contente et la pria de transmettre à son ancien professeur son plus chaleureux souvenir. Ce qu’elle fit le jour même.
Rav Zakon rentra chez lui sur un nuage. Il se souvenait de la promesse du Rabbi, qu’il verrait les fruits de son labeur, un labeur qui lui avait semblé si inutile durant toutes ces années. Maintenant il voyait la réalisation de cette promesse : une de ses élèves avait bel et bien retenu son enseignement et l’avait appliqué concrètement des années plus tard !
Durant tout le Chabbat, il répéta à sa femme, ses enfants, ses petits-enfants, ses amis à la synagogue : « Vous voyez ! Le Rabbi a promis et cela s’est réalisé ! »
Ce devait sans doute être ses derniers mots. Le lendemain, il fut victime d’une crise cardiaque et rendit son âme à son Créateur à l’âge de soixante-douze ans.
Par la suite, ‘Hannie informa Renée qu’elle, Renée, avait contribué à faire passer un magnifique dernier Chabbat à Rav Zakon qui avait quitté ce monde avec une joie et une satisfaction toute ‘hassidiques. Renée décida alors d’écrire à Mme Zakon pour lui adresser ses condoléances. Une longue correspondance s’ensuivit.
Un jour elle raconta à madame Zakon qu’elle avait rencontré la mère de deux garçons qui avaient fréquenté le même Talmud Torah qu’elle. Bien entendu, Renée avait demandé des nouvelles de ses deux camarades : « Figurez-vous qu’ils sont devenus pratiquants, orthodoxes mêmes ! Leurs enfants fréquentent les Yechivot (instituts talmudiques) bien qu’eux-mêmes n’aient pas été élevés dans une famille pratiquante. Vous vous souvenez de votre professeur à l’époque, Rav Zakon ? C’est lui qui a éveillé l’intérêt de mes enfants pour le judaïsme. Ils avaient passé un Chabbat dans sa maison et ils avaient apprécié cette atmosphère. En grandissant, ils ont adopté cette façon de vivre. Et ils sont heureux ! »
Comme le dit Renée à Mme Zakon : « Non seulement vous voyez aujourd’hui les fruits de votre labeur, mais vous les verrez pendant des générations et des générations ! »

Braindy Naparstek – Rishe Deitsch
(N’shei Chabad Newsletter)
traduites par Feiga Lubecki

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