Samedi, 11 mai 2024

  • Kedochim
Editorial

 Une vie qui avance

Nous le savons tous sans toujours oser l’exprimer clairement : nous venons de vivre une période exceptionnelle du calendrier. Depuis le début du mois de Nissan, nous avons ressenti avec la plus grande force que la liberté chantait dans notre cœur. Et cette liberté avait de multiples facettes : libération de tous les éléments négatifs en nous et à l’extérieur, défaite de tous ceux-là qui veulent notre perte, en notre âme ou en notre corps, victoire ultime du Bien. Finalement, nous avons vécu, au plein sens du terme, la liberté majeure. Puis, après une ascension qui nous a entraînés beaucoup plus loin et plus haut que nous ne l’aurions cru possible, le quotidien a repris sa place. Rythmés par le compte de l’Omer, les jours ont recommencé leur défilé régulier, comme sans accroc…

Certains diront peut-être, en manière de réconfort, que cela s’appelle la vie, que c’est sa règle immuable et que nul ne peut rester toujours sur les sommets, y compris spirituels. Pourtant, l’avancée du temps a maintenant un autre sens, radicalement nouveau. C’est que, loin de toute nostalgie, la libération de Pessa’h ne s’est pas limitée au registre de la commémoration historique. Elle a suscité un effacement de toutes les limitations, souvent auto-imposées. Aussi, c’est un chemin neuf qui s’ouvre devant nous. La période de l’Omer, jusqu’à la fête de Chavouot, le Don de la Torah, est, également pour cette raison, une période d’infini. Dans ses quelques semaines, elle concentre les expériences et les degrés spirituels les plus divers. Elle nous donne à contempler le monde d’une façon à la fois plus juste et plus profonde. Car, en tant que créatures de D.ieu, nous avons l’immense privilège, et la puissance nécessaire, d’y réaliser Sa volonté jusqu’au niveau le plus concret.

C’est dire qu’est venu, non le temps de l’oubli et du regret, mais celui de l’action. C’est dire que mission est confiée à chacun : faire de ce monde la demeure de D.ieu et accomplir, de cette façon, Son dessein. L’homme rêve souvent de paix, de bonheur, d’accomplissement personnel et de félicité universelle. La période nous en indique la voie, il ne nous reste qu’à l’emprunter en hommes libres. Et si parfois la route paraît longue, n’oublions jamais que le but est au bout, plus proche que l’on imagine.

Etincelles de Machiah

 La soumission aux nations

Le Talmud (Bra’hot 34b) enseigne : « Il n’y a aucune différence entre l’époque actuelle et le temps de Machia’h sauf (notre émancipation) de la soumission aux nations ».

Le Baal Chem Tov donne une explication plus profonde de cette phrase : celui qui ne croit pas que la Providence Divine pénètre chaque aspect du monde est asservi par l’impureté qui dissimule la réalité de la création. C’est le sens de la « soumission aux nations ». Mais, au temps de Machia’h, l’esprit d’impureté sera chassé de la terre. Alors la Providence Divine deviendra manifeste et chacun verra que tout provient de D.ieu.

(d’après Keter Chem Tov, sec. 607)

Vivre avec la Paracha

 Kedochim

La Paracha Kedochim commence par le statut : « Vous serez saints car Moi, l’Éternel votre D.ieu, Je suis saint ». S’ensuivent des dizaines de Mitsvot (commandements divins) par l’intermédiaire desquels le Juif se sanctifie et se lie à la sainteté de D.ieu.

Elles comprennent : l’interdiction d’idolâtrie, la Mitsva de la charité, le principe d’égalité devant la loi, le Chabbat, la moralité, l’honnêteté dans les affaires, l’honneur et la crainte de ses parents et le respect de la valeur sacrée de la vie.

On peut également lire dans Kedochim le célèbre commandement, qualifié par le grand Sage, Rabbi Akiva, de principe cardinal de la Torah, et dont Hillel disait : « Voilà toute la Torah, tout le reste n’est que commentaire », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Cette Paracha renferme l’une des pierres angulaires du Judaïsme : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Apparemment, cette injonction peut sembler impossible. Nous ne nous soucions réellement d’autrui que dans la mesure où nous percevons un dénominateur commun avec lui mais ce dénominateur commun n’affecte qu’une part limitée de notre personnalité. Il ne peut jamais nous pénétrer totalement car chacun d’entre nous est habité par une préoccupation personnelle fondamentale : il n’existe personne avec qui nous puissions nous identifier aussi profondément qu’avec nous-mêmes. C’est la raison pour laquelle, dans la mesure où nous maintenons cette forme d’égocentrisme, il n’y a aucun moyen d’aimer une autre personne autant que nous nous aimons nous-mêmes.

Il est possible, cependant, de redéfinir le sens de notre égo. Au lieu de nous concentrer sur notre « moi » profond, nous pouvons mettre en lumière cette étincelle divine que nous possédons, notre essence véritable et profonde. Et quand notre étincelle divine brille de toute sa lumière, elle nous permet d’apprécier qu’une même étincelle brille dans l’autre. Nous pouvons alors aimer autrui autant que nous-mêmes parce que lui et nous partageons une identité fondamentale.

Mais comment atteindre un tel niveau d’amour ? En regardant au-delà de nos préoccupations personnelles et matérielles et en nous concentrant sur le cœur spirituel qui existe en chacun. Aimer réellement l’autre signifie ne pas nous attarder sur ce qu’il peut faire pour nous ou sur la raison qui fait qu’il nous attire mais sur le potentiel divin qu’il possède.

C’est sur cette base que nous pouvons comprendre la raison pour laquelle Hillel, l’un des plus grands Sages du Talmud, déclare qu’aimer son prochain constitue « la Torah tout entière », le reste n’en étant qu’un simple commentaire.

Nos Sages réfléchissent sur cette déclaration car, bien que la Torah s’appesantisse sur les relations entre l’homme et son prochain, elle met également beaucoup de poids sur les relations entre l’homme et D.ieu.

Quel rapport peut-il exister entre aimer son prochain et l’observance du Chabbat, le respect des lois alimentaires ou de toutes les obligations rituelles du Judaïsme ?

Mais lorsque nous nous entraînons à dépasser nos préoccupations personnelles et aimons l’autre à cause de son essence divine, nous sommes alors capables d’apprécier l’enseignement d’Hillel. Car le but de chaque Mitsva de la Torah est de nous aider à voir au-delà de l’aspect matériel de notre existence et à en apprécier l’essence spirituelle.

Comme le dit le Baal Chem Tov : « il se peut qu’une âme ne descende dans ce monde et vive soixante-dix ou quatre-vingts ans, que pour accomplir une faveur matérielle à l’égard d’un autre Juif. Il est sûr que c’est également vrai pour une faveur spirituelle. »

Mais en outre, cette faveur doit être faite de telle manière qu’elle est « sur » ou « au-dessus de sa tête », c’est-à-dire bien au-delà de ce que cet individu semble mériter ou a l’habitude d’obtenir.

La Sefira

Cette leçon de générosité est particulièrement appropriée durant les jours qui précèdent la fête de Chavouot, pendant lesquels nous comptons l’Omer. Durant cette période, 24 000 élèves de Rabbi Akiva périrent. Le Talmud dit qu’ils ne se respectaient pas mutuellement et donc, comme des boucs émissaires, ils succombèrent pour expier leur faute. Il se peut qu’ils se soient réciproquement transmis leurs dix facultés mais cette transmission ne s’accomplit pas dans le mode Yado, par la main droite de la bienveillance.

Le Temple fut détruit à cause de la haine gratuite. La réparation de ce traumatisme cosmique se produira par la Ahavat Israël, l’amour inconditionnel de son prochain. Quand nous donnons tout notre être par amour pour l’autre, nous méritons de voir le Troisième Temple que D.ieu construira de Ses propres mains, ainsi qu’il est écrit : « Le Sanctuaire, D.ieu, que Tes mains ont établi ».

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le vin cachère ?

Le vin cachère a été produit, surveillé, embouteillé et bouché hermétiquement uniquement par des Juifs respectueux des lois du Chabbat.

Le Rambane (Na’hmanide) écrit que ce fut Pin’has, le petit-fils d’Aharon HaCohen, qui décréta qu’il était interdit de boire du vin des non-Juifs à la suite de l’épisode malheureux des filles de Midiane. Les Sages ajoutèrent par la suite qu’il était aussi interdit de tirer profit de ce vin.

Les deux raisons principales de ces interdictions sont la crainte de l’idolâtrie mais aussi celle des mariages mixtes.

Toute bouteille ouverte de vin cachère, qui aurait été touchée par un non-Juif, devient automatiquement non-cachère.

Selon Rachi et d’autres décisionnaires comme le Rambam et le Ramo, un Juif doit s’efforcer de ne pas vendre du vin non-cachère.

Nombreux sont ceux qui enveloppent leurs bouteilles de vin afin d’éviter même le regard des non-Juifs.

 (d’après Rav Menahem Mendel Bronfman – Kfar Chabad n°1411)

Le Recit de la Semaine

 Je suis Moïse et je quitte l’Egypte !

Chacun racontait son histoire ce vendredi soir chez Rav Silberg. L’un d’entre eux, coiffé d’une Kippa, âgé d’environ trente ans, se leva alors et déclara :

« Je m’appelle Moché et j’ai quitté l’Egypte ! Ne riez pas, c’est vraiment vrai ! J’ai été élevé dans une famille assimilée en Argentine et nous ne pratiquions aucun judaïsme à la maison. Tout ce que je connaissais, c’était le « Chema Israël » et quelques versets qu’on m’avait forcé à prononcer pour ma Bar Mitsva. J’ai fait mon service militaire dans Tsahal sans croire en D.ieu. Puis, j’ai entrepris le tour du monde, comme tous les anciens de l’armée. Ma destination finale était l’Egypte.

Comme je ne voulais pas que les Egyptiens sachent que j’étais juif, je suis entré avec mon passeport argentin. J’étais si excité, je voulais visiter toutes les pyramides. Dans le métro, j’étais assis en face d’un homme particulièrement sympathique, accompagné de plusieurs enfants. Il me proposa tout de go : « Je vois que vous êtes un étranger ! Venez, je vais devenir votre guide, je m’occuperai bien de vous ! »

Si sympathique ! Des enfants adorables ! Je le suivis chez lui, il me donna à manger et à boire. Quand je me réveillai le lendemain matin après un sommeil si lourd, je ne savais plus où j’étais. Où était ma valise ? Et mon porte-monnaie ? Si sympathique, disais-je ! Il m’avait tout volé : vêtements, argent mais surtout… mon passeport : je me retrouvai à la rue, sans rien !

Je me précipitai au poste de police : les fonctionnaires y avaient l’air sincèrement désolé pour moi. Ensemble nous avons recherché le voleur mais celui-ci s’était évaporé parmi quelques 80 millions de ses concitoyens.

Je me rendis au consulat israélien : là, on ne pouvait rien pour moi puisque j’étais entré en Egypte avec mon passeport argentin. Ils me donnèrent un papier dûment tamponné spécifiant que j’étais argentin mais cela ne pouvait m’aider à quitter le pays.

Quand les Egyptiens réalisèrent que j’étais juif, ils devinrent très désagréables avec moi et menacèrent : « Tu es juif, tu ne sortiras pas d’Egypte ! »

J’errai dans les rues, me nourrissant avec les autres mendiants. Au bout de quelques jours, le consulat israélien put me donner un peu d’argent que mes parents avaient envoyé à mon intention. Cela m’a aidé, bien sûr, mais je ne pouvais toujours pas quitter le pays.

Une semaine passa, rien ne bougeait. Chaque fois que je me rendais au consulat, on se moquait de moi : « Quitter l’Egypte ! Tu n’y parviendras pas ! »

Au bout de deux mois, je crus que j’allais craquer nerveusement. Je décidai de prendre un avocat, même si cela me coûterait une fortune. Nous nous sommes donnés rendez-vous un lundi à 9h.

Ce jour-là, je me réveillai très en forme. Je remis les mêmes vêtements que j’avais portés depuis des semaines et allai au rendez-vous. A 9h15, l’avocat n’était toujours pas là. A 10h, j’étais très démoralisé. Puis je me promis que, si un jour je parvenais à quitter l’Egypte, j’apprendrai davantage sur D.ieu et le judaïsme.

Soudain, je ressentis que D.ieu m’accompagnait, je me sentis comme Moïse entrant dans le palais du Pharaon ! Je me présentai au premier guichet et criai au premier fonctionnaire : « Je suis Moïse ! Et je quitte l’Egypte ! Et si tu ne me laisses pas, je te maudirai, toi et ta famille pour toutes les générations ! » Je me suis mis à crier le Chema et les quelques mots dont je me souvenais de la Paracha de ma Bar Mitsva. Le visage de « Pharaon » devint violet de peur et il hurla à son assistant : « Donne à cet homme les tampons dont il a besoin et qu’il nous laisse tranquilles ! »

Je me rendis chez le second fonctionnaire, provoquais le même scandale et menaçais de le maudire lui aussi s’il n’apposait pas son tampon ! Lui aussi fut tellement choqué qu’il me donna immédiatement tous les papiers nécessaires.

Je quittai le consulat, me trouvai dans l’avion pour Israël. A mon arrivée, j’embrassai le sol puis me rendis directement à la synagogue.

Depuis je suis vraiment retourné à mon peuple. Il a fallu ce « séjour » en Egypte pour que je réalise ce que j’aurais dû savoir toute ma vie ! »

Sori Block – Melbourne, Australie

N’shei Chabad Newsletter n°7104

traduit par Feiga Lubecki