Les Juifs sur une terre d’exil, la séduction d’une civilisation raffinée, la tentation de l’oubli de soi, le danger qui surgit un jour comme au coin de la rue et, brutalement, le réveil puissant, indomptable… N’est-ce pas l’histoire de notre temps ? C’est, bien sûr, de Pourim qu’il s’agit et pourtant… Un épisode bien ancien, bien loin d’ici. Mais tout cela sonne comme si on parlait de nous, comme si les acteurs de ces événements étaient des contemporains et leur théâtre, les rues des villes où nous habitons. Cette impression est d’ailleurs si présente que, bien souvent, lorsqu’un ennemi cruel, barbare et sans pitié affirme sa volonté de voir le peuple juif disparaître, c’est spontanément à Pourim que l’on fait référence en le désignant comme un nouvel Haman qui connaîtra le sort de son ancêtre. S’il est vrai que toutes nos fêtes ont un caractère d’éternité qui leur épargne de paraître vieillies ou simplement nostalgiques, Pourim s’impose par vigueur. Voici donc une fête qui non seulement ne pâlit pas au fil du temps mais dont les couleurs semblent plus vives d’année en année. Alors que le calendrier nous a ramenés au temps de Pourim, il nous appartient de vivre avec lui, en lui.
C’est que, dans le lent déroulé des jours qui passent, il y a ici comme une rupture, soudaine, inattendue, merveilleuse. De fait, ceux qui vivent dans toutes les Babylone de tous les temps et de tous les pays sont parfois oublieux. La vie a de ces conforts illusoires qui finissent par estomper ce qui fait son sens même. Cependant, tout cela ne parvient jamais qu’à affaiblir le lien avec l’essentiel mais pas à en effacer la conscience. Il suffit parfois que le voile se déchire pour que, tout à coup, la vérité des choses retrouve sa place. Et des sentiments et des idées que l’on croyait disparus ressurgissent avec toute la force des évidences premières. Pourim joue ce rôle cette semaine. Il frappe à notre porte et la morosité du quotidien s’écarte. Il affirme sa présence et notre vie en est transformée.
Car c’est là le maître mot de la période : transformer. C’est le temps où tout est possible. Le Pourim historique a été le jour où la tragédie annoncée s’est justement transformée en victoire assumée car les Juifs avaient su transformer leur oubli en souvenir. Comme il est bon le temps de la transformation ! A celui qui se sent entravé par les chaînes de l’habitude et de la routine quotidiennes, à celui qui ne voit pas l’issue du long voyage de notre peuple, à celui que les soucis multiples de la vie oppressent au point de l’écarter de l’éternel, Pourim délivre un message : la transformation est à portée de chacun à chaque instant. Se transformer, c’est aussi transformer le monde. Et, pour cela, c’est aussi une clé qui, ici, nous est donnée, celle de la transformation ultime : la venue du Messie, du temps de lumière où Pourim brillera toujours de toute sa grandeur.

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