Yaakov se trouva face à « l’endroit » et il y passa la nuit, comme le soleil s’était couché… et il s’allongea à cet endroit (Beréchit 68 :11)
« Il s’allongea à cet endroit » …Dans cet endroit il s’allongea mais durant les quatorze années où il s’était caché dans la Maison (d’étude) de Evèr, il ne s’était pas couché, mais durant toutes les vingt années qu’il allait résider dans la maison de Lavan, il ne se coucherait pas… (Midrach Rabbah, Beréchit 68 :11)
« L’endroit » en question est le Mont Moriah, « la Maison de D.ieu et la Porte des Cieux », site de la création d’Adam, de la ligature d’Its’hak et futur emplacement du Temple où « D.ieu contractait Sa présence entre les piliers soutenant l’Arche ».
La nuit que Yaakov passa à cet « endroit » marquait l’intersection de deux périodes importantes de sa vie : les quatorze années qu’il venait de consacrer à l’étude de la Torah, caché dans la Maison de Evèr, et les vingt ans qu’il allait passer au service de Lavan, édifiant sa famille et sa fortune. Les quatorze premières années, il était si absorbé dans la quête de la Sagesse Divine, que pas une seule fois, il ne s’allongea pour dormir. Et durant les vingt années qui allaient suivre cette nuit, Yaakov allait servir Lavan si fidèlement que, dira-t-il, « le sommeil a fui mes yeux ».
Et pourtant, la nuit qu’il passa dans le lieu le plus saint du monde, Yaakov étendit son corps sur le sol et s’allongea pour dormir !
La tête, le cœur et le talon
Le monde matériel et le monde spirituel se reflètent. Chaque réalité spirituelle possède sa contrepartie dans un acte ou une loi de la nature et chaque phénomène physique est le miroir d’une vérité spirituelle.
L’être humain est unique en ce que, contrairement aux animaux, il marche debout. Le sens spirituel de ce phénomène est qu’alors que les instincts et la connaissance des animaux ne servent qu’à satisfaire leurs désirs ou leurs besoins, chez l’être humain, l’esprit dirige le cœur et les émotions, commandées par l’esprit, dictent le comportement du corps. Cela apparaît dans l’orientation verticale du corps de l’homme qui place la tête et le cœur au-dessus des organes et des membres fonctionnels, ce qui est tout le contraire de l’alignement horizontal de la plupart des animaux dont la tête et le cœur se trouvent quasiment au même niveau que le corps. Une personne qui laisserait son cœur dominer son intellect ou ses émotions obéir à ses appétits, réduirait sa vie intérieure à celle d’un animal. Il se peut qu’elle marche debout, mais spirituellement, elle mène une existence « horizontale ».
Telle est la signification profonde du fait qu’au cours de la période la plus spirituelle et de la période la plus matérielle de sa vie, Yaakov ne s’allongea pas. Les quatorze années qu’il passa dans l’étude de la Torah marquèrent le zénith de son accomplissement spirituel. Les vingt ans chez Lavan constituèrent un engagement intensif dans le monde matériel. Dans ces deux situations, Yaakov maintint résolument la position verticale de sa vie, dans laquelle son esprit dirigea son cœur et son corps et où les éléments émotionnels et fonctionnels de son être servirent sa compréhension et ses convictions.
Au-dessus de la matière et de l’esprit
Mais la vie possède également une vérité supérieure. Une vérité qui transcende la pensée, les sentiments et les actes. Une vérité devant laquelle la sensibilité la plus sublime et l’action la plus matérielle ont le même statut.
D.ieu n’est ni spirituel ni matériel, pas plus qu’il n’est plus proche du monde de l’esprit que de celui de l’expérience ou de l’action. D.ieu nous a donné les moyens de nous unir à Lui dans tous ces domaines : la sagesse de la Torah, la possibilité de vivre un amour et une crainte de Lui par la prière, les Mitsvot par lesquelles les actes physiques lient leurs acteurs mortels (nous) au Commandant Divin et établissent les priorités auxquelles chacun doit s’attacher dans la vie.
D.ieu a établi que l’esprit doit dominer le cœur et que le domaine spirituel doit occuper un espace « plus élevé » que le domaine matériel.
Mais, en dernier ressort, existe un niveau dans lequel tous sont pareillement insignifiants devant la vérité transcendante de D.ieu et tous ont pareillement un sens dans la mesure où chacun révèle un certain aspect de la vérité divine et remplit un certain rôle dans le dessein divin dans la Création.
Il y a un lieu dans l’univers où cette vérité essentielle est manifeste : le Mont Moriah à Jérusalem, site du Temple, l’endroit où D.ieu Se révèle à nous le plus profondément, et l’endroit de notre accomplissement ultime dans le service de D.ieu. Quand Yaakov parvint à cet endroit, il s’allongea. Car cette nuit-là, son esprit et son talon étaient emprunts de la même humilité et de la même Divinité.
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- Publication : 30 novembre 2019